- Views 1058
- Likes 0
Le 9 août 2007 marquait l’accélération d’une crise qui, depuis, ne cesse de pousser les économies européennes vers le gouffre et les peuples dans d’inextricables difficultés. Cinq ans plus tard, c’est le 9 août 2012 que le Conseil constitutionnel, consulté par le Président de la République sur le nouveau traité européen, jugeait que son application ne nécessitait aucune modification de la Constitution française. Penser que cette coïncidence relève d’un pur hasard demande une bonne dose de crédulité. En effet, ce “traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’union économique et monétaire” vise à “constitutionnaliser” sur tout le continent les politiques qui mènent aux terribles impasses actuelles. Que les “gardiens” de la Constitution, désignés par les dirigeants politiques, n’y trouvent rien à redire relève d’une sinistre farce. Comment est-ce possible dans le pays où, le 17 juin 1792, le tiers État et quelques alliés, comme premier acte de l’Assemblée Nationale ont adopté un décret autorisant la “perception des impôts et le paiement de la dette publique” ? Le traité européen l’abolit. Il stipule qu’une autorité extérieure au pays décide de l’élaboration du budget, du contrôle des dépenses, de la nature des recettes. Le Parlement et le gouvernement sont donc dépossédés des leviers financiers des politiques publiques. Adieu l’État social ! C’est un coup d’État à froid. On cache à nos compatriotes depuis des mois qu’il s’agit bien d’un traité contraire à notre Constitution. Pour une raison simple : les textes actuellement en vigueur ne permettent la participation de la République française à l’Union européenne qu’en “vertu du traité sur l’Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne tels qu’ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007”.
Or, le nouveau traité est différent de ces références énoncées dans notre Constitution puisqu’il impose l’application d’une camisole de fer, baptisée dans un vocable poétique du nom de “règle d’or” désignant l’obligation de l’équilibre budgétaire de toutes les administrations publiques (État, collectivités territoriales, sécurité sociale, entreprises publiques) à inscrire dans les constitutions nationales.
L’article 3 de cet oukase merkozyste édicte en effet que “la situation budgétaire des administrations publiques est en équilibre ou en excédent”. Cet équilibre est reconnu atteint quand le déficit est inférieur à 0,5% des richesses produites. Ce seuil ne figure dans aucun des traités auxquels se réfère notre Constitution. A elle seule, cette innovation lourde de conséquences justifie une révision constitutionnelle. Ajoutons que personne n’a pu démontrer que cet objectif soit possible sans une brutale récession qui mènerait les économies dans un mur. L’abandon de souveraineté est clairement décrit dans le 2ème alinéa de ce même article 3 qui oblige les États à transcrire cette injonction dans leur droit national “au moyen de dispositions contraignantes et permanentes de préférence constitutionnelles ou dont le plein respect et la stricte observance tout au long des processus budgétaires nationaux sont garantis de quelque autre façon”. Ce dernier membre de phrase a été ajouté au dernier moment dans le texte final. Précisément parce que certains États rechignaient à inscrire ces objectifs directement dans leur Constitution nationale. Manifestement leurs réserves n’ont pas inspiré les membres de notre Conseil Constitutionnel.
En un tour de passe-passe, il s’est empressé de ne retenir que les derniers mots : “de quelque autre façon”, qui peuvent vouloir dire qu’une loi organique est suffisante pour justifier son choix. Loi organique ! Bigre ! C’est aussi le choix de F. Hollande. Les membres du Conseil constitutionnel ne sont pas seulement serviles, ils sont aussi obéissants. Mais pourquoi donc une loi organique ? Parce que pour la voter, il n’est pas indispensable de réunir le Parlement en congrès, ni de convoquer un référendum. Une majorité simple du Parlement suffit. Or les mots “dispositions contraignantes et permanentes” et “de préférence constitutionnelles” disent bien que le droit applicable sera bien celui du nouveau traité, décliné dans nos règles après approbation de … la cour de justice européenne.
Nul besoin d’être grand juriste pour comprendre qu’il s’agit d’un changement radical à la lecture du préambule du traité, énonçant l’obligation des parties contractantes de transposer la “règle d’équilibre budgétaire” dans leurs systèmes juridiques nationaux “au moyen de dispositions contraignantes permanentes et de préférence constitutionnelles”.
Mais le traité ne s’en tient pas là. Il attaque encore plus profondément la souveraineté du peuple français et le fonctionnement de la République. En effet, non content de se satisfaire d’ordres rigoureux pour parvenir aux équilibres budgétaires, il en détermine l’application dans des mécanismes “automatiques de correction”, décidés par la Commission européenne. Il organise le contrôle étroit et tatillon par la Cour de justice européenne qui peut être saisie à tout moment par la Commission ou un autre État membre.
Ce n’est plus de la prévention. C’est un traitement de choc ! C’est un carcan austéritaire passé autour du cou des peuples.
Les parlements nationaux sont totalement dépossédés des compétences budgétaires et financières qui constituent pourtant le centre de leurs prérogatives. Et ce pouvoir n’est pas transféré à d’autres élus, comme les parlementaires européens. Non, c’est la Commission européenne qui s’est attribué les pleins pouvoirs.
Un gouvernement de gauche ne peut se satisfaire d’un tel traité qui n’est pas le sien puisqu’il a été coécrit par M. Sarkozy et Mme Merkel. L’accepter reviendrait à s’amputer de la possibilité de mener une politique sociale, économique et écologique au service des travailleurs, des jeunes, des créateurs et chercheurs, des retraités, en résistant aux violentes pressions de la finance. Il est encore temps de se raviser pour créer les conditions d’un débat et d’une mobilisation populaire européenne contre le traité austéritaire qui assassine la République et fracasse l’Europe contre le mur de l’argent.
Nous en appelons au courage politique. Il n’y aura pas de réorientation de l’Europe et de sortie de la crise sans un grand débat public. Le refuser c’est rendre le pire des services à la démocratie et à un idéal européen progressiste. C’est accepter que les populations souffrent toujours plus pendant que les puissances financières se gavent de l’argent qu’elles leur volent. Les idées et les projets noirs d’une extrême-droite en embuscade en feraient leur miel, préparant le laminage de la gauche européenne.
Le moment est plus grave et plus sérieux qu’il n’y paraît. Refusons ce coup d’État à froid!
La Fête de l’Humanité sera la caisse de résonance de ces indispensables débats et de l’exigence d’un référendum. Rien de plus utile pour contribuer à ce que les changements tant attendus deviennent réalité.
23/08/2012
4 commentaires
Bonjour Patrick,
merci pour ton blogue.Il me sert bien d’apprendre le français et je partage beaucoup des idées.
Or, je suis un économiste et alors, il faut entre en détail. Si vous attquez l’obligation des budgéts publiques équilibrés parce que cela “reviendrait à s’amputer de la possibilité de mener une politique sociale, économique et écologique au service des travailleurs, des jeunes, des créateurs et chercheurs, des retraités, en résistant aux violentes pressions de la finance.”
Je vous prie de réfléchir un peu sur cette argumentation là, je vous prie d’élaborer les conséquences d’une dette publique excessive. Les payements d’intérêt au rentiers atteignent un niveau plus important que des dépenses militaires pendant la guerre froide!
Honnêtement, il faut prononcer que la dette publique sert des intérêts les plus réactionnaires des rentiers. Pas d’impôts sur ces revenues !
Alors, je suis d’accord que vous critiquez la façon antidémocratique des mesures d’austérités de l’UE. Je suis aussi très critique de mettre les syndicats et les parlements sous des tutelles des économistes néolibérales de Bruxelles. Il y a autres moyennes de poursuivre des programmes de relance économique et à mon avis, l’essentiel est le contrôle du capital par les peuples. C’est là la démocratie politique ET économique. Un instrument pour parvenir à cet objective est l’introduction d’une contribution d’investissement comme parti obligatoire du salaire. Suivrons l’exemple de la Suède d’Olof Palme des années 1980 avec des fonds d’investissements des salariés. Ce serait un pas en avant inspiré par le vraie Keynésianisme.
Je vous prie de prendre connaissance de mes travaux économiques sur mon site MIME – A Marxian Introduction to Modern Economics : http://eurodos.free.fr/mime.
Bien cordialement
Klaus Hagendorf, Paris le 23.8.2012
Pour préserver les intérêts de la minorités qui vivent dans l’opulence,ils vont faire payés les millions de contribuables européen.
L’objectif du nouveau traité est le renforcement de la discipline budgétaire de la zone euro, un point jugé capital par l’Allemagne face à la crise de la dette.
Le Conseil s’est référé à cette indication pour réduire la portée novatrice du traité et juger qu’aucune de ses stipulations n’était attentatoire aux “conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale”. La construction européenne progresse par paliers et le Conseil constitutionnel avait en effet sagement rappelé en 1992, au nom du principe pacta sunt servanda, qu’il était exclu à l’occasion d’un nouveau traité de remettre en cause l’acquis des précédents. Or cet acquis à travers le pacte de stabilité et de croissance et les sanctions qui l’accompagnent, est très important en matière d’équilibre des finances publiques. Aussi n’a-t-il pas été difficile pour le Conseil de démontrer que le traité budgétaire se bornait à renforcer ces règles. Pour étayer sa démonstration, le Conseil a même pris en compte les législations adoptées par le Parlement européen en 2011, aggravant les règles du pacte et plaçant les Etats sous surveillance budgétaire, afin de conclure que le traité n’opérait aucun nouveau transfert de souveraineté par rapport au dispositif des traités précédents.