Faire front ensemble

le 21 juillet 2016

Un homme porte une pancarte à l'occasion du rassemblement en hommage aux victimes des attentats, le 10 janvier 2016 / AFP

Les larmes de tout un pays ont coulé ces jours derniers jusqu’à former un fleuve de tristesse, de compassion, de solidarité, de colère aussi après l’atroce attentat qui a frappé Nice, ses habitants, ses visiteurs rassemblés sur la promenade des Anglais pour assister dans la joie aux festivités populaires du 14 juillet.

Les dizaines de vies volées par le fanatisme, celles de ces enfants qui avaient encore si peu goûté aux joies de l’existence, viennent s’ajouter aux centaines d’autres ici et de par le monde, happées ces derniers mois par la barbarie et la terreur.

Ni l’Etat d’urgence, ni la surveillance de masse, ni la multiplication de lois répressives et de centres de rétention n’auront empêché ce carnage, contre lequel le projet de déchéance de nationalité apparaît plus qu’hier comme dérisoire.

La profil qui se dessine laisse à penser que l’assassin n’a jamais connu la mort sur des théâtres de guerres du Moyen-Orient, n’a pas non plus suivi les étapes traditionnelles de l’embrigadement fanatique. Ces informations ne rendent ce crime que plus insupportable et moins intelligible à la raison, et par conséquent plus dangereux pour la stabilité et la cohérence de notre société.

Fonctionnant comme une franchise de la mort, Daesh use d’une propagande qui vise à activer les pulsions assassines de déséquilibrés ou de voyous haineux prêts, avec la religion pour détestable prétexte, à perpétrer des meurtres de masse, à régler un compte personnel avec  une humanité qu’ils abominent tout en travaillant à la promotion de l’étendard de la mort djihadiste, de ses méthodes et modes opératoires, parfois même sans lien direct avec l’organisation terroriste. Manifestement, il n’existe pas un modèle unique de terrorisme ! Ce changement de paradigme est d’autant plus inquiétant qu’il ouvre la voie à l’imprévisible, tant les ressorts du crime deviennent difficiles à cerner et donc à prévoir et à combattre ; tant, également, il prête à la confusion entre le fanatisme et la foi alors qu’il semble que l’assassin ne se soit prêté ces dernières années à aucun rituel classique de sa religion. Du même coup, il devient indispensable de (re)penser, à partir de plusieurs registres, les analyses et les possibles solutions.

S’il ne faut rien lâcher d’une ambition à mettre à bas l’Etat islamique comme l’ensemble des organisations terroristes fondamentalistes qui essaiment au Moyen-Orient, il serait illusoire de penser qu’un coup de grâce suffirait à nous prémunir du risque de nouveaux attentats.

C’est une nouvelle cohérence politique qu’il faut s’atteler à dessiner et à mettre en pratique.

Elle doit déjouer les pièges tendus par le fondamentalisme sectaire qui vise à diviser notre société. De ce point de vue, tous ces propos politiciens s’inscrivant dans la préparation de l’élection présidentielle, dégoûtent encore plus de l’action politique. Ce spectacle d’ombres des jeux personnels rajoutant sans cesse dans la surenchère droitière, ces amalgames entre Islam et terrorisme, ces appels à aller vers une une sorte de « havre de paix totalitaire » ne peuvent que réjouir ces ennemis de la liberté. Certains avancent le modèle de sécurité Israélien comme rempart aux attentats, nous promettant une société en Etat de guerre permanent promise à tomber dans les bras comme en Israël, d’une droite gouvernant avec son extrême. Cette menace est sérieuse ! Tous avancent le mot « Guerre » sans pouvoir définir sa nature. Aucun n’assume le courage du « réalisme de la paix » porté par Jean Jaurès.

Notre société doit tenter de faire vivre un nouvel internationalisme pour la justice et la liberté.
Elle doit allier des moyens nouveaux pour la sécurité et le renseignement tout en préservant chacune de nos libertés. La promotion active d’une république refondée qui n’exclut aucun de ses membres, qui refuse le racisme et les séparatismes doit devenir une constante de l’action publique. Il en est de même pour la recherche résolue de la paix et de la coopération internationale, en cessant les complaisances avec les financeurs du fondamentalisme et du terrorisme. Il est indispensable de travailler sur l’écosystème qui fabrique le terreau de la radicalisation identitaire, religieuse ou politique. Des moyens considérables devraient être consacrés aux services publics, particulièrement pour l’enfance, pour l’éducation, pour la santé.

Répandre la peur, déstabiliser la société, ébranler les acquis démocratiques, en espérant que la folie, la vengeance, la haine l’emportera sur la raison, la justice, le sang-froid est l’objectif profond des terroristes. C’est donc naturellement à la mise en échec de cet effrayant projet que doit s’atteler l’ensemble de la société, dans sa diversité. Les citoyennes et citoyens vont se rassembler cet été dans les festivals, les lieux de vie, occasions de se distraire, se cultiver mais aussi de se parler, de développer cette culture du débat qui manque tant. « Nuit debout » était l’un de ces lieux, comme le sera la fête de L’Humanité dans quelques semaines. La presse et les médias ont aussi une grande responsabilité pour favoriser cette parole authentique loin des bavardages politiciens et des scénarios fabriqués d’avance qui nourrissent les fondamentalismes intégriste et l’extrême-droite qui en définitive ne sont que les deux revers d’une même médaille. Reprendre la parole, échanger par-delà les frontières, soutenir les mouvements démocratiques et de la paix, prendre nos destins en main, apparaissent comme autant de chances de faire vivre l’espérance d’une humanité rassemblée et fraternelle.


9 commentaires


Joad 22 juillet 2016 à 16 h 41 min

Merci pour cet éditorial plein de bon sens, qui résume mieux que d’autres polémiques politiciennes la tristesse, la colère des citoyens et le défi face au terrorisme.

alain harrison 22 juillet 2016 à 20 h 38 min

Bonjour.

Un article donnant une vision d’ensemble.

Le nouveau grand jeu. BONUS
LE pivot du monde
Dans la foulée d’Halford Mackinder (1861-1947), la pensée géopolitique britannique puis celle des États-Unis, qui en ont hérité, s’articule autour de la thèse de pivot du monde (Heartland). Pour l’école anglo-saxonne, c’est autour de l’Eurasie et plus particulièrement de son centre, l’Asie centrale, véritable cœur du monde, que s’articulent toutes les dynamiques géopolitiques de la planète : « Celui qui domine le Heartland commande l’Ile-Monde. Celui qui domine l’Ile-Monde commande le Monde ». Disciple de Mackinder, Nicholas Spykman (1893-1943) est considéré comme l’un des pères de la géopolitique aux États-Unis. S’il reprend la théorie du Heartland, il y rajoute un Rimland, sorte de croissant entourant le cœur du monde, région intermédiaire entre le Heartland et les mers riveraines et comprenant l’Europe, le Moyen-Orient, le sous-continent indien et l’Extrême-Orient.

https://www.revueconflits.com/le-nouveau-grand-jeu-bonus/

Une illustration de certains passage de «« Crime contre l’Humanité, l’ultime retour des barbares. »»
Un texte historique de base. Son intérêt est qu’il nous donne une vision d’ensemble résumée.

Faire front ensemble ?

Et bien, il faudrait penser à dissocier les divergences de tous et chacun et se poser la question:
C’est quoi qui changerait profondément la société, qui ferait reculer de façon significative les guerres et la tentation de la faire ?

Cousteau: être capable de faire des liens entre des choses qui en apparence ne semble pas en avoir ?

alain harrison 22 juillet 2016 à 21 h 31 min

Il y a une chose qui devrait être compris clairement sans ambiguïté, que réformer l’UE de l’intérieure est impossible. Pourquoi ? De par sa complexité même en terme d’organisation juridique, politique, économique, ses nombreux enchevêtrements bureaucratiques.
Et la fameuse unanimité des 27, pour tout changement un tant soi peu important.

L’autre aspect est la soumission à l’OTAN.

La question de l’euro et du capitalisme ou libre marché de la finance-dette……sont inextricablement lié au dollar US, ce qui empêche toute relation économique libre entre pays.

Même le Venezuela est soumis au dollar US, et nous connaissons toute la difficulté à combattre les fraudes tentaculaires sur la valeur de la monnaie nationale et du prix des denrées à la merci de la spéculation organisée.

Le temps est venu de concevoir une nouvelle économie d’échange découplée du dollar, et non-spéculatif.
Il ya des pistes et des expertises qui peuvent aider à concevoir cette nouvelle économie non spéculative. C.à.d., qui échappe à la spéculation organisée.
Intéressant, comment rendre la nouvelle économie, cela implique une nouvelle monnaie non-spéculative ?
Une monnaie paritaire ?

Ce ne sont pas les économistes conditionnés par le système économique actuelle qui peuvent faire cela, mais les notions de revenu de base, de coopérative autogérée, tout le PIB à la cotisation, la notion de salariat, les monnaies improvisées à petite échelle….

Les bit-coins et cie. ne sont pas à suivre. En comprendre le fonctionnement pour en voir les aspects utiles et dangereux (spéculation et cie.).

Prendre connaissance des excellents vidéos courts sur le crédit, par exemple n’est pas sans intérêt pour la conceptualisation mais aussi pour éveiller la population.
Il pourrait se développer des ateliers itinérants, mais plus simplement sur place, une petite organisation connexe ou un service complémentaire dans tous les organismes quelque soit leur mission.

Un outil de plus, pas trop compliqué qui donne une vue d’ensemble avec références facilement consultables.

La valeur monétaire réelle (la parité) serait en partie définie par les échanges économiques. entre pays. Quel serait les mécanismes anti-spéculatifs ?

Il faut forger cette vision d’ensemble, la conception de la nouvelle économie paritaire non-spéculative. (à vous de voir).

alain harrison 22 juillet 2016 à 21 h 50 min

Un article de CADTM, à lire et à promouvoir.

Qui sauve qui ?
22 juin par Anouk Renaud
«« Mais pourquoi les banques européennes achetaient tant de la dette grecque ?
D’une part, parce qu’avec la déréglementation financière, investir dans la dette publique est considéré comme une prise de risque zéro et donc permet aux banques de prêter sans compter et sans prendre de risque… du moins en apparence. De cette façon les banques maintiennent de « bonnes notes » auprès des agences de notation |8|………
En plus d’avoir servi à rembourser les banques européennes qui détenaient la dette publique grecque, l’argent des prêts de la Troïka a également permis de recapitaliser les banques grecques afin d’éviter qu’elles ne s’effondrent. Sauver les banques grecques permettait de sauver les banques européennes car elles possédaient des filiales de ses banques, avaient des parts dans leur capital et surtout leur avaient prêté beaucoup d’argent ! Et la crainte de l’effet domino ne s’arrêtait pas là, puisque les banques américaines étaient également très exposées vis-à-vis des banques européennes. Bref, il fallait sauver les banques grecques pour sauver le système bancaire……….
L’artillerie lourde a donc été sortie non pas pour sauver la Grèce, mais les banques privées européennes, grecques y compris. D’ailleurs à y regarder de plus près, les nouveaux créanciers de la Grèce ne s’en cachent pas tellement… Le FMI est on ne peut plus clair à ce sujet, puisque en 2013 un de ces rapports admet que « repousser la restructuration de la dette offre une fenêtre aux créanciers privés pour réduire leur exposition et transférer leurs créances au secteur public » |16|. »»
http://www.cadtm.org/Qui-sauve-qui,13640

Répétez suffisamment un mensonge et il deviendra vérité.

Et les médiats le fond à fond de train: le suivi de Trump ad nauseam, cou don, les médiats lui appartiennent.

Mais si nous répétons des vérités suffisamment, elles réveilleront !!!

Mais les médiats les plus écoutés et lus pratiquent l’OMERTA.

La répartition des médiats, un enjeu électoral.
Le coopératisme
Le mode de revenu

Trois enjeux fondamentaux, incontournables.

Veut-on vraiment sortir de la tourmente qui approche la courbe exponentielle.
Jacquard en a fait la démonstration avec la courbe exponentielle démographique.
Où sommes nous sur le continuum de la courbe démographique ?
Quand prendrons-nous le virage exponentiel ?
Qu’est-ce qui pourrait autoréguler la courbe démographique.

Certains nous font croire que nous allons coloniser l’espace ?!

On nous cache des avancés extraordinaires ?!

L’humain est facilement influençable, même des gens très instruit sombre dans le sectarisme.

L’intelligence, une question incomprise ?!

La violence aussi ?!

Muller claude 23 juillet 2016 à 7 h 34 min

Patrick,
C’est toujours un plaisir de te lire, tu nous donne des arguments pour notre prochain journal de cellule, rien n’est à ajouter;
Fraternellement

PEILLET Georgette 23 juillet 2016 à 10 h 48 min

Beaucoup de gens sont ignorants de ce que font nos politiques et c’est bien là le problème : le manque d’éducation et d’informations – L’extrème droite profite de cette ignorance – Je pense que c’est à l’école qu’on doit s’instruire de tout et de l’histoire dès le plus jeune age-Dans ma vie active (j’ai 80 ans) et eu contacts avec beaucoup de gens, souvent ils ne savaient pas lire, ni écrire, ils arrivaient de pays pauvres où l’on ne scolarise pas les enfants et encore moins les filles et ce qui m’attriste c’est qu’ils sont des millions comme ça – Ils se font abuser par les belles paroles des médias – Il n’y a qu’un son de cloche à la télé – Toujours les memes tetes, et toujours les memes discours. Beaucoup n’ont pas d’autres informations que la télé- ça aussi c’est un gros problème.

chb 27 juillet 2016 à 23 h 36 min

Difficile, une fois de plus, de nier le rapport entre la terreur qui s’abat sur nos têtes et la politique moyen-orientale de nos dirigeants. ( Bruno Guigue, qui n’a pas besoin d’imaginer un nouveau Gladio pour constater l’instrumentalisation anti-sociale, propagandiste, belliciste et pour tout dire agressive et criminelle, de la part du gouvernement « français »).
Patrick est bien trop aimable avec le hollandisme quand il ne dénonce pas ses crimes ! Les “dégâts collatéraux” de nos bombes à Alep en vengeance de la tuerie de Nice montrent par exemple que le président normal est en guerre plus contre les syriens que contre les terroristes, dont il chouchoutait (et armait !) certains groupes il n’y a pas longtemps. Les lois liberticides et contre les protections des salariés, la priorité systématique à la finance de voyou, la destruction des services publics, l’état policier, c’est aussi ni plus ni moins qu’une guerre contre le peuple ! Tout ça en instrumentalisant les attentats ou le bris de glaces à Necker, tellement pratiques pour une descente vers le fascisme qu’on en devient complotiste… c’est-à-dire méfiant (interdit ?).
D’accord en tous cas avec G Peillet pour supprimer la télé aux ordres du capital, avec A Harrisson pour sortir de cette UE (contre ses propres peuples) et de l’OTAN.

chb 28 juillet 2016 à 0 h 17 min

Ils nous avaient déjà fait le coup de l’union nationale après Charlie, quand Hollande, pour l’occasion de la défense de la Liberté d’expression avait invité à Paris des salopards habitués à tuer des journalistes chez eux… Et voilà qu’il fait le jeu des terroristes, aggravant le chaos.
Non à l’union nationale avec ce gouvernement. Ensemble, oui mais sans eux. Contre eux, plutôt : y a pas d’alternative dans cette guerre des classes (merci à Jean Ortiz qui rappelle la lutte nécessaire).

Jenny 8 août 2016 à 12 h 39 min

Plinseag to find someone who can think like that

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