État de Palestine : déjouer les entourloupes présidentielles

le 6 juin 2025

J’ai déjà souligné  l’importance capitale de la Conférence internationale des Nations unies qui se tiendra du 17 au 20 juin 2025 à New York. Son ordre du jour porte sur l’examen de « l’application des résolutions de l’Organisation des Nations unies relatives à la question de Palestine ». Cette conférence est présidée par la France et l’Arabie Saoudite. C’est dans cette perspective que le président de la République a laissé entendre qu’il reconnaîtrait au nom de la République française l’État palestinien. Puis il a commencé à expliquer qu’il le ferait « sous condition ».

J’ai insisté sur le fait qu’on ne pourra, dans le contexte actuel, se contenter d’une simple déclaration de reconnaissance. Il faut créer les conditions de sa possibilité. Celle-ci doit donc s’accompagner d’actions pour faire cesser immédiatement le génocide en cours à Gaza, pour la restitution de toutes les colonies implantées en Cisjordanie ainsi qu’à Jérusalem-Est, pour garantir l’accès à l’eau et à l’alimentation et pour la libération des 10 000 prisonniers politiques palestiniens. Les moyens d’action sont connus : suspension des accords d’association et de coopération militaire, arrêt immédiat des livraisons d’armes à Israël.

Il est du devoir de la France et des institutions européennes de s’appuyer sur l’avis de la Cour internationale de justice de juillet 2024 qui déclare illégale la présence israélienne en Cisjordanie et à Gaza, exige le retrait des colons et des forces militaires, ainsi que des réparations en faveur des Palestiniens.

Mais voici que nous parviennent de diverses sources des informations qui augurent très mal du comportement du président de la République.

Lors de sa conférence de presse à Singapour le 30 mai dernier, M. Macron a expliqué que “la création d’un État palestinien n’était pas simplement un devoir moral, mais une exigence politique”, puis en bon politicien, il agrémentait ses belles intentions par une série de conditions : la libération des otages, la démilitarisation du Hamas et sa non-participation à la gouvernance de cet État, la réforme de l’Autorité palestinienne, la reconnaissance par le futur État palestinien d’Israël et de son droit à vivre en sécurité, et la création d’une architecture de sécurité dans toute la région. Parler ainsi, c’est tout simplement tourner le dos à la reconnaissance de l’État palestinien. Pourquoi par exemple demander à un État palestinien de reconnaître Israël au lieu d’une reconnaissance réciproque, puisque L’État d’Israël dénie aujourd’hui au peuple palestinien le droit d’exister.

Juridiquement, l’autodétermination du peuple palestinien est de droit. Il n’est pas négociable et ne peut être conditionné. C’est un droit fondamental, inaliénable, confirmé par la résolution de l’ONU du 18 septembre 2024 qui exige la fin de l’occupation israélienne au plus tard le 18 septembre 2025.

Ce n’est pas au président français de décider à la place des Palestiniens de leur représentation, ni des institutions qu’ils doivent se donner. Ce comportement colonialiste n’honore pas la France.

Les informations qui  parviennent des chancelleries ces dernières heures confirment la stratégie du bavardage et de soumission aux ordres de Tel-Aviv et de Washington. Voici que les négociateurs français ; chargés de préparer la conférence qui s’ouvre dans quelques jours, parlent désormais d’une proposition comportant « une vision à long terme pour la création d’un État palestinien. »

 Cela fait 80 ans que dure le fameux « long terme ». Cela  suffit maintenant les bavardages pour laisser le temps au pouvoir Israélien d’annexer la Palestine et faire disparaître les Palestiniens. Nous ne pouvons plus supporter cette hypocrisie. Celle-ci a été encore confirmée grâce à la CGT du port de Fos qui a bloqué une cargaison de matériels militaires livrables à Israël. L’exemple des Dockers doit être suivi.   Une multitude d’actions concrètes pour bloquer les importations d’Israël et les exportations contribueraient de fait à affaiblir les différents accords de coopération.  Le drame qui se joue à Gaza nous oblige à mettre M. Macron au pied du mur. La France doit reconnaître l’État de Palestine et contribuer à la  création des conditions du déploiement d’une force internationale de protection du peuple palestinien sous l’égide de l’ONU.

La reconnaissance d’un État doit s’accompagner de la garantie de sa viabilité. La base de la discussion peut être les résolutions de l’ONU (n°181 du 29 novembre 1947 et n°1397 de mars 2022) : un État dans les frontières de 1967, une solution pour les réfugiés, la souveraineté partagée sur Jérusalem, des garanties de sécurité de part et d’autre.

Déjouons les entourloupes présidentielles.

Patrick Le Hyaric

4 juin 2025


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