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Deux enquêtes très fouillées, parues la semaine dernière, l’une de l’institut IPSOS et du CEVIPOF portant sur les « nouvelles fractures françaises », l’autre de Louis Harris en disent long sur la manière dont nos concitoyens appréhendent les réalités actuelles et imaginent l’avenir. Les sentiments de profonde inquiétude, d’anxiété, de peur de “l’autre” même se diffusent dans les tréfonds de la société, bien au-delà encore de ce que nous imaginions nous-mêmes.
Les dramatiques effets de la crise sur la vie quotidienne, combinés à des dizaines d’années de pilonnage idéologique de la coalition des forces ultralibérales, ont brouillé les consciences au point que des idées rétrogrades, des tendances au repli sur soi, aux divisions, au rejet de l’autre, accompagnées de la recherche d’un guide autoritaire refont surface. L’impossibilité de se projeter dans un autre avenir se double d’une grande défiance envers les responsables politiques et les médias. L’expérience que vivent nos concitoyens, depuis quelques mois, comme celles d’autres peuples européens avec l’alternance des forces politiques au pouvoir, sans alternative à l’austérité, bouche encore un peu plus l’horizon.
Corroborant des réalités que nous percevons chaque jour, ces études sont précieuses à toute militante et militant, soucieux de la modification du rapport de forces en faveur d’une gauche de transformation sociale et écologique. Elles révèlent qu’ensemble, sympathisants socialistes et ceux du Front de gauche ont plutôt davantage confiance en l’avenir. Et surtout, qu’ensemble, ils se retrouvent pour demander des choix de justice sociale, défendre les services publics, refuser l’actuelle conception de l’Europe ultralibérale et condamner la stigmatisation des chômeurs ou des étrangers. Il y a là les bases possibles d’un rassemblement populaire pour transformer l’actuel pessimisme paralysant en force d’espérance.
Possibles mais virtuelles tant que les forces progressistes et les citoyens ne commenceront pas à défricher les chemins inédits de rassemblements suffisamment larges, unis et déterminés pour modifier le cours des choses dans un sens favorable à l’humain. Que faire pour que la vie change ? Comment être utile à la majorité de celles et ceux qui souffrent et qui aspirent à une société nouvelle ? Comparaison n’est pas raison. Mais les périodes de grande crise, dans l’histoire de France, des années 1880 ou 1930, ont engendré des crises sociales, politiques et démocratiques dont il faut retenir les leçons. Ni la paupérisation, ni le pessimisme n’ont engendré spontanément des actes de transformation révolutionnaire, favorables aux peuples et à leur liberté. C’est dire l’immense responsabilité de toutes les forces de gauche et écologistes. Si celles qui sont au pouvoir depuis quelques mois persistaient dans la voie actuelle et pariaient précisément sur l’éclatement de la société pour réussir ce qu’elles appellent “une révolution copernicienne” largement en œuvre chez nos voisins européens, il n’ait qu’à y observer le sort réservé aux populations pour comprendre que la sortie du tunnel et de la crise n’est pas de ce côté là. A boucher toute perspective d’amélioration, à faire accepter des décisions plus favorables à la finance qu’au travail, à dire que la crise contraint à de tels choix qui aggravent la pauvreté, le chômage, la précarité de vie, certains de vos dirigeants, amis socialistes et écologistes, déroulent le tapis pour la droite et son extrême. Beaucoup d’entre vous le redoutent, à raison. Comme nous, vous constatez qu’avoir laissé les mains libres à Mittal, Goodyear ou Sanofi n’a fait que les encourager à poursuivre leur forfait comme on le voit à Florange, Amiens et en Belgique. Laisser croire que l’accord de compétitivité sans contrepartie allait permettre d’inverser la courbe du chômage se heurte au dur mur de la réalité contre lequel se fracasse chaque jour plus d’un millier de salariés, jetés au chômage. Comme la CGT et FO, vous ne vous faites aucune illusion sur l’accord sur la « flexibilité » du Medef. Nous vous tendons sincèrement la main, sans arrières pensées, pour qu’ensemble nous permettions au Parlement de jouer son rôle en débattant et en décidant, en toute liberté et souveraineté, de ce qui est bon pour l’emploi et le redressement du pays.
Nous partageons un même refus d’un échec qui serait payé cher par les travailleurs et les familles populaires. L’empêcher ne relève ni du slogan ni de la posture dont nos concitoyens n’ont que faire.
Le Front de Gauche vient de lancer une grande campagne pour dégager des solutions à la crise, contre l’austérité. Elle s’adresse à toute la gauche qui, comme nous le soulignons plus haut, est prête à se mobiliser pour un autre avenir de progrès contre la régression sociale, économique, démocratique et sociétale. Cela passe par une « déconstruction » méticuleuse, argumentée de la propagande ultralibérale. Cela passe aussi par l’audacieuse recherche de nouvelles voies pour transformer les choses. En politique certes. Mais aussi en propositions neuves, concrètes, adaptées à notre temps. Pour l’automobile, quel nouveau projet industriel innovant ? Au nom de quoi la compétitivité serait-elle synonyme d’austérité salariale et l’attractivité deviendrait l’équivalent de placement financier rentable ? Pourquoi le principe même de la nationalisation est-il tabou chez un Premier ministre socialiste alors que tous les pays procèdent à des nationalisations pour défendre leurs outils industriels ? Pourquoi l’économie de rente est-elle favorisée alors qu’on laisse détruire le travail ?
Le Front de gauche, compris comme un front de toutes celles et ceux qui agissent pour que la gauche reste à gauche -et ils sont majoritaires dans l’électorat de gauche-, doit s’attacher sans cesse à élargir le rassemblement des plus nombreux, celles et ceux qui veulent ardemment que ça change. Seul le rassemblement, promouvant toujours l’unité populaire contre la division, l’espérance contre le désespoir naissant, le combat à la place de la résignation, peut encore bousculer les scénarios inquiétants à l’œuvre. C’est un devoir au service du pays, de la République sociale, de la démocratie que nous devons au peuple tout entier.
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