Discours de Patrick Le Hyaric – Colloque 70 ans de la Sécurité Sociale

le 6 novembre 2015

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Colloque : 70 ans de la sécurité sociale organisé par l’Humanité au CESE.

Mesdames, Messieurs,

C’est un grand plaisir d’être parmi vous aujourd’hui pour ce colloque organisé par l’Humanité à l’occasion du 70ème anniversaire de la Sécurité Sociale.

Je tiens à remercier les membres du Conseil économique social et environnemental et particulièrement son Président, Jean-Paul Delevoye, d’avoir permis cette rencontre autour d’un thème qui nous est cher, qui est cher je crois à une immense majorité de nos concitoyens et qui, au-delà des opinions, s’inscrit dans notre histoire commune.

Je tiens également à remercier la Mutuelle familiale et sa présidente, Leonora Tréhel pour le partenariat qu’ils ont noué avec l’Humanité afin que se tienne cette initiative.

Mesdames, Messieurs,

Il y a 70 ans, au lendemain de la victoire des peuples sur le nazisme et sur les ruines du régime de Vichy, naissait la grande et belle idée qui allait former la colonne vertébrale du projet social français.

Dans le texte du programme du Conseil National de la Résistance, conçu en pleine occupation, ses rédacteurs, au sein desquels figurait Ambroise Croizat, le futur ministre du travail, militant communiste et architecte de la sécurité sociale, écrivaient : « Nous, combattants de l’ombre, exigeons la mise en place d’un plan complet de sécurité sociale visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail avec gestion par les intéressés et l’État ».

Dans une France exsangue, ruinée, abattue, ils fixèrent pour objectif  de construire une société basée sur les principes de solidarité, de construire des instituions sociales et démocratiques propres à éradiquer les causes de l’abime dans lequel avait sombré la civilisation européenne.

Ils cherchèrent ainsi à garantir à chaque citoyen les moyens non seulement de subsistance dans une période où tout était à reconstruire, mais aussi les outils pour penser une solidarité concrète capable d’impulser l’idée d’un intérêt général, afin de redresser le pays par l’efficacité sociale et économique en plaçant la solidarité au cœur des rapports sociaux.

A travers la sécurité sociale, ils inventèrent une authentique institution républicaine : capable de libérer des angoisses et incertitudes de la vie, capable d’inscrire l’égalité dans l’accès aux besoins fondamentaux, capable de promouvoir une fraternité par son système de cotisations et son universalité.

Retraite, maladie, enfance, travail, rien ne devait être laissé à la fatalité d’un monde injuste. Tout appelait au contraire à faire corps dans un nouveau projet de société : le travail protégé des aléas du marché, la vieillesse garantie par un revenu, des soins assurés, la famille aidée pour que la France se reconstruise.

70 ans après, la sécurité sociale est une singularité, une subversion du modèle néolibéral en vogue depuis plus de trente ans.

En socialisant une partie de la richesse produite au profit de l’ensemble de la société, soit plus de 20% des richesses produites dans le pays, elle contrevient aux règles en vigueur qui tendent à privatiser toujours plus les fruits du travail.

C’est la raison pour laquelle son principe universel, son mode de financement et ses missions font l’objet d’attaques continues, si bien qu’aujourd’hui toujours plus nombreux sont celles et ceux –un tiers des français- qui renoncent à se soigner faute de moyens.

Pourtant, la crise que traversent les sociétés développées pose avec acuité la question de la sécurisation des parcours de vie, d’une prise en charge solidaire des besoins fondamentaux.

Aujourd’hui, le mot précarité revient souvent dans les bouches, sur les ondes ou les écrans : précarité de l’emploi, précarité face à la maladie, précarité du troisième âge, précarité d’une situation économique et sociale de plus en plus soumise aux aléas des marchés financiers, précarité environnementale, sanitaire et écologique.

Certains nous disent que la précarité serait une donnée « naturelle » avec laquelle les hommes et les femmes devraient composer tout au long de leur vie.

C’est justement contre cette absurde fatalité, contraire à toute pensée humaniste que se sont élevés les concepteurs de la sécurité sociale.

« Dans une France libérée, nous libérerons le peuple des angoisses du lendemain » clamait Ambroise Croizat comme l’affirmation d’une volonté politique contre la fatalité d’une condition humaine précaire.

La question de son financement, omniprésente, occulte celle, à mes yeux bien plus cruciale, de son utilité sociale.

Certes, la sécurité sociale est aujourd’hui déficitaire. Chômage structurel, précarité, attaques permanentes contre le principe même de cotisation ont fini de creuser ce fameux trou dont se gargarisent ses contempteurs.

Mais ce trou n’est en rien une fatalité ! Des pistes concrètes existent pour le résorber.

La Cour des comptes, par exemple, nous dit que 16 milliards manquent au financement de la sécurité sociale à cause du travail dissimulé alors que le déficit total approche des 19 milliards.

Et, si l’égalité salariale ente les hommes et les femmes était assurée, elle serait bénéficiaire.

N’inversons pas les choses !

Le problème, ce n’est pas le modèle de financement de la sécurité sociale, mais l’emploi, l’égalité salariale, la revalorisation salariale et le contrôle public des entreprises qui recourent au travail dissimulé

J’ajoute que la fraude fiscale des grandes sociétés, à elle seule, peut rapporter au moins 240 milliards d’euros par an ! Il en est de même de la taxation des profits financiers qui, au même taux que ceux des employeurs pour chaque branche, rapporteraient 87 milliards d’euros.

Les enjeux colossaux auxquels doit faire face notre société, méritent d’aller au-delà des problèmes comptables pour hisser notre réflexion à hauteur d’une ambition nouvelle.

Pendant 70 ans, la sécurité sociale a su faire société en permettant l’éclosion d’une vie sociale émancipée du travail salarié grâce à son système de retraite, avec à la clef la vitalité exceptionnelle de notre vie associative.

Elle a permis l’allongement continu et exceptionnel de l’espérance de vie.

Elle a imposé l’idée que la santé d’un homme valait celle d’un autre, quelque soient ses revenus.

Elle a permis une politique familiale audacieuse qui a autant profité aux enfants que permis l’émancipation des femmes.

Dès lors la sécurité sociale a été une avancée de civilisation considérable.

Aujourd’hui, au moment où la crise multiforme broie les solidarités au profit du chacun-pour-soi, n’y a-t-il pas urgence à repenser cet outil émancipateur, à penser le nouvel âge d’une sécurité sociale comme condition d’une sécurité de vie, à réfléchir à une reconquête démocratique de ses modes de gestion ?

Qu’il s’agisse de l’autonomie des personnes âgées, question brulante qui occupe l’esprit de tant de nos concitoyens, qui les plonge dans « l’angoisse du lendemain », entre la nécessité de s’acquitter du loyer d’une maison de retraite, payer les soins, donner de son temps et de sa personne pour accompagner la fin de vie.

Qu’il s’agisse du travail, en pleine métamorphose et soumis chaque jour un peu plus à l’instabilité d’un« marché de l’emploi » qui révèle son incapacité à intégrer le grand nombre des travailleurs, parmi lesquelles figurent ces millions de personnes privées d’emplois.

Ne peut-on concevoir qu’une société développée comme la nôtre puisse permettre à chacune, chacun de bénéficier d’un droit au travail et à une formation qui permette de progresser tout au long de sa vie, pour soi comme pour l’ensemble de la société ?

Les fabuleux progrès scientifiques qui permettent un accroissement inédit de la productivité pourraient être mis au profit de cette ambition nouvelle.

Voilà matière à penser aujourd’hui dans la ligne du souffle émancipateur de 1945.

Je suis persuadé que cette matinée de travail nous permettra de frayer les chemins modernes d’une sécurité sociale ambitieuse, utile au développement social et économique de notre pays.

Il s’agit, je crois, d’un enjeu capital. Car c’est par des instituions sociales et démocratiques ambitieuses que notre pays se donnera tous les atouts pour sortir de la crise et du ressentiment identitaire qui gagne dangereusement les esprits.

Jaurès déjà, dans une adresse aux électeurs d’Albi en 1906, écrivait : « la République, stimulée par le socialisme, pressée par la classe des travailleurs, commence à instituer cette assurance sociale qui doit s’appliquer à tous les risques, à la maladie, comme à la vieillesse, au chômage et au décès comme à l’accident.

Par là, elle ne diminuera pas seulement les misères et les angoisses qui dévorent tant d’existences humaines. Mais, en donnant à tous les prolétaires plus de sécurité et de liberté d’esprit, elle leur permettra de mieux préparer l’ordre social nouveau. En les associant à la gestion des grandes institutions d’assurance, elle les habituera à l’administration des grands intérêts qu’ils auront à gérer dans la société transformée.

L’ambition d’une société fondée sur les principes solidaires et qui garantisse une sécurité de l’existence humaine, s’inscrit dans l’histoire de mouvement ouvrier humaniste et progressiste. Plus que jamais, dans les conditions d’aujourd’hui, elle est notre combat

Je vous remercie de votre attention.


2 commentaires


Anonyme 7 novembre 2015 à 10 h 42 min

Aujourd’hui c’est le règne des multinationales et les actionnaires exigent de faire le maximum de fric, c’est pourquoi ils tendent tous à vouloir supprimer le sécu qui est un frein à l’actionnariat.
La sécurité sociale est issue du CNR, conseil national de la résistance.
Si on veut vraiment changer les choses, il faire comme à l’époque du CNR, nationaliser les grandes entreprises et il n’y aura plus de problème de financement, il faut une volonté politique avec un vrai gouvernement de Gauche. Hollande et Valls ne sont pas des gens de Gauche, on le voit encore en ce moment où ils s’acharnent à vouloir casser le code du travail.

danilo 26 novembre 2015 à 10 h 38 min

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