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14 septembre de 2017
“Madame la Ministre, Madame Françoise Nyssen
Monsieur le directeur des médias, Mr Martin Adjari et les équipes de la DGMIC
Monsieur le directeur de cabinet Mr Schwartz et les membres du cabinet
Mesdames et Messieurs les présidents et directeur de Journaux et de médias
Chers amis
C’est toujours un plaisir de nous retrouver à ce diner fraternel et confraternel. C’est cette année le 23 eme en prélude à notre 83 ème fête de l’Humanité.
Elle reste un événement marquant et unique dans le paysage culturel et politique français. Elle se veut tout autant un lieu de rencontres et de détente qu’un lieu de débats et de découverte musicale et culturelle pour un prix d’entrée qui reste raisonnable.
Ce diner, Mme la ministre, est toujours un lieu propice pour échanger sur nos professions et un moment aussi pour vous entendre sur vos orientations pour la presse écrite. Leurs problématiques ne sont pas si éloignées de ce que vous connaissez à merveille sur l’édition de livres.
Certes, nous n’avons pas de prix littéraires mais d’autres récompensent la qualité du travail des journalistes ; dont le plus prestigieux reste sans doute le prix Albert Londres.
Qu’il s’agisse de la presse écrite et du livre, l’une et l’autre visent à atteindre le plus large public et participent à l’enrichissement culturel des individus.
En ce sens, nos métiers, dans la presse comme dans l’édition, ont beaucoup à voir avec la formation et l’information, l’éducation comme moyens de devenir libre d’atteindre une émancipation personnelle. Tous les efforts qui permettent de faire découvrir dans un esprit critique la presse aux jeunes doit continuer à être encouragé. Saluons à ce propos le travail remarquable du Clémi.
Nos deux domaines d’activité sont confrontés à de grandes métamorphoses qui soulèvent de nouveaux problèmes que nous devons affronter ensemble.
Maisons d’édition et groupes de presse ne sauraient y parvenir sans une forte implication de la puissance publique. Elle seule peut garantir que tout ce qui est entrepris vise sans cesse à élargir la vie démocratique, le pluralisme. Il en va de la possibilité toujours offerte à chaque citoyen de développer sa liberté de jugement et donc ses capacités à agir et à déterminer dans quel sens il entend orienter sa vie, dans une société dans laquelle il n’est jamais seul.
C’est dire combien les combats pour la liberté d’informer et la liberté d’être informé sont de grands enjeux. Ils sont aujourd’hui sur le devant de la scène dans un monde qui voit grandir les périls.
De ce point de vue, je suis convaincu m’exprimer en votre nom, toutes et tous, en adressant nos pensées fraternelles et solidaires à tous les journalistes qui, dans beaucoup trop de pays, sont privés de liberté, emprisonnés et bâillonnés.
C’est le cas de Loup Bureau confronté à l’arbitraire des autorités turques. Nous avons l’honneur d’accueillir cette année à la fête de l’Humanité Can Dundar, le directeur du prestigieux journal turc Cumhurryet, qui doit faire face dans son pays au bâillon et aux poursuites judicaires. C’est à travers lui la liberté en général, et celle de la presse plus spécifiquement que nous célèbrerons.
Par delà nos opinions, nos combats ou nos parcours, nous savons combien la presse écrite d’information générale et politique est une composante déterminante et structurante de la vie démocratique.
Elle est toute autant une liberté publique qu’un bien commun de la société ; une garantie démocratique autant qu’une condition de son progrès.
Aux cotés de l’expression politique ou électorale, elle participe des confrontations singulières et complémentaires de la vie sociale qui seules permettent d’approcher un réel qui se diversifie et se complexifie.
Elle rend visible et sensible les enjeux de société et les problèmes quotidiens, elle soulève des contradictions, met en lumière des situations oubliées et des réalités occultées.
Elle donne à voir et à lire, par le travail patient, la complexité du monde pour que chacun, librement et en conscience, prennent ses décisions de citoyens.
Nos journaux disposent de l’atout qu’est le temps long de la lecture qui permet à l’esprit de forger ses analyses et opinions, de se frotter à la qualité d’une plume. En ce sens, si on leur en donne les moyens, ils ne doivent pas redouter les autres média qui traitent de l’actualité en temps réel. Leur complémentarité n’est pas écrite d’avance. Elle nous paraît pourtant indispensable pour permettre à chacun d’embrasser toutes les facettes de l’information et de la connaissance.
Certes, l’intégralité d’un journal est rarement lue par une même personne, mais la proposition variée d’articles, enquêtes ou reportages suscitent intérêt et curiosité parce qu’un journal déplisse les événements, va rechercher dans leurs recoins le détail qui donne sens ou fait naître une idée ? Comme un livre, il est une fenêtre sur le monde comme sur son quartier ou son entreprise.
Sous la Révolution française, on disait des journalistes qu’ils étaient des « avertisseurs publics ». C’était les lanceurs d’alerte de l’époque.
Et, Michelet déjà considérait que les journaux jouaient une « fonction publique ».
A l’heure où pullulent les relativismes, les obscurantismes et démagogies populistes, le rôle de la presse reste d’utilité publique et sociale.
Ces inquiétants phénomènes qui bravent l’entendement et défient la raison nous appellent à redoubler d’efforts pour approfondir la vie démocratique. Le faire implique de refuser de considérer la presse ou la création culturelle ou encore l’éducation comme des marchandises devant subir les rabots des traitements comptables. Personne n’est capable d’évaluer les conséquences de la fin du pluralisme.
Et l’histoire nous apprend ce qu’il advient d’une nation quand la démocratie n’y a plus droit de citer. Quand les journaux et les livres sont brulés. Construction permanente, elle est toujours menacée si ses formes restent figées ou si elle est privée de ses indispensables sources d’informations plurielles. Que n’a-t-on tremblé devant la montée des extrêmes-droites il y a quelques mois ! Certes, ici, aux Pays Bas ou en Autriche, elles ne sont pas parvenues à conquérir le pouvoir tout en demeurant des forces considérables qui rôdent toujours et grossissent en silence.
Raison de plus de voir l’Etat jouer son rôle constitutionnel de garant du pluralisme. De le voir en administrer la preuve par des actes et des soutiens publics.
De ce point de vue, les crédits publics- pour les quels il est comporté beaucoup de contrevérités et d’approximations – sont indispensables pour que nos entreprises puissent assumer leurs responsabilités.
Nous bénéficions de l’aide aux quotidiens à faible ressources publicitaires mais elle doit être relevée et replacer au niveau où elle était à la fin des Etats Généraux de la presse écrite pour jouer pleinement son rôle.
Mais, vous le savez aussi une entreprise comme L’Humanité ne pourrait pas faire face à ses échéances immédiates si, régulièrement ses lectrices et lecteurs ne participaient activement et massivement aux campagnes de dons et souscriptions facilité par les défiscalisions par l’entremise de notre association »Presse et Pluralisme »dont je salue le président François D’Orcival qui, dans quelques semaines va nous inviter à fêter le dixième anniversaire de cette association d’utilité publique.
De même, les aides pour le développement devrait être plus simple à obtenir au moment où parait il-on parle de simplification administrative.
Quel serait la vérité du pluralisme sans un système de distribution qui permet la présence à égalité de tous les quotidiens chez les marchands de journaux comme l’a décidé si justement les lois dite « Bichet » ? Evidemment, il nous faut trouver des solutions aux problèmes que rencontre Prestaliss et l’Etat doit y contribuer. S’il ne le faisait pas, le risque serait grand de voir Prestaliss remplacée par une société privée qui distribuera les journaux à partir des critères de rentabilité, sans le moindre souci de contribuer au pluralisme. Tout le contraire du statut coopératif qui n’est pas dépassé s’il est modernisé et protégé de la concurrence sociétés concurrentes qui profitent de Prestalis en l’affaiblissant.
Le réseau de diffuseurs est irremplaçable. La distribution de proximité rend la presse accessible. Si elle continue à être malmenée, une distance nouvelle va se créer qui éloignera un peu plus la presse écrite de ses lecteurs éventuels. C’est un lien social et culturel qui va s’éteindre dans les quartiers et les villages.
Faire perdurer le kiosque en même temps que se développe la grande révolution digitale, telle est une gageure qui semble de prime abord défier le bon sens mais qui a une logique que nous défendons. La presse écrite imprimée n’a pas plus vocation à disparaitre que le digital n’aurait vocation à ne pas se développer.
Désormais nous proposons la lecture de nos journaux sur du papier et sur les tablettes ou les téléphones. Mais là encore la transition numérique a un coût important pour nos entreprises alors que les recettes issues de la diffusion numérique, qu’ils s’agissent des ventes de journaux ou des recettes publicitaires, y sont moindres, captées par les grands groupes numériques nord-américains qui pillent nos créations et nos contenus qui favorisent la vente d’une publicité qui n’enrichit que leurs actionnaires, sans la moindre retombée pour la presse. Laisser faire reviendrait à creuser notre tombe.
Des initiatives sont prises pour limiter ce pillage. Ainsi nous sommes sur le point au Parlement Européen de voter un texte sur « le droit voisin ». Il y a de fortes chances que la Commission européenne nous suive sur ce projet. Restera au conseil dont le conseil culture de l’adopter dans les mêmes termes
On ne peut pas décemment accepter le pillage de nos contenus. Il est de la responsabilité de la puissance publique d’être à nos côtés pour le refuser, au nom de l’intérêt général et du pluralisme.
Une discussion est engagée également sur ce sujet au Parlement européen sous la dénomination »e-privacy » mais il y a encore beaucoup de travail pour parvenir à des positions communes. De même le projet enfin de faire payer les groupes Google, Amazone, Facebook, Apple et autres leur contribution au bien commun doit être menée à son terme sans faiblesse.
Nous défendons l’idée de créer un fond dédié à la création culturelle et au développement de la presse à partir de la taxation des profits généré par ces géants du numérique qui se développent à nos dépens. Ajoutons, que dès lors que les grands opérateurs téléphoniques profitent des bouquets de presse pour gagner des abonnés pour leurs entreprises, il serait juste qu’ils participent aussi à un fond commun de modernisation de la presse.
Les mutations auxquelles nous avons à faire face devraient vous conduire, Madame la ministre, à prendre l’initiative d’un colloque national sur l’évolution des économies de la presse, leur diversité ainsi que sur les moyens permettant de réussir les transformations technologiques tout en faisant vivre le pluralisme. Ce serait le moyen de défricher de nouvelles pistes de travail pour le développement de nos entreprises et le renforcement de nos contenus. En effet, améliorer nos journaux nécessite plus de journalistes dans nos rédactions donc des moyens nouveaux adapté aux enjeux de la mutation numérique en cours.
Une telle initiative serait utile d’abord par sa tenue et par la mise en œuvre des recommandations qu’elle produirait.
J’ai la conviction qu’il est possible de rassembler nos professions sur quelques objectifs de nature à leur permettre de relever le défi démocratique et social que leur lance notre époque. En vous remerciant une nouvelle fois de votre participation et de votre attention.”
2 commentaires
Bonjour,
J’ai lu avec attention votre intervention lors du diner des professionnels de la Presse. Pour une fois un acteur de la Presse se soucie du sort des marchands de journaux. Je vous en remercie. Mais là s’arrete ma satisfaction. Vos propos sont une litanie déjà entendue et mult fois répétée. La vieille rengaine sur la Pesse, et son 4em pouvoir. Votre lettre est bien tournée. C’est la faute de tous, du système, d’internet, … jamais des editeurs de presse. Vous omettez un detail : le client. Si celui-ci n’achete plus de journaux, c’est qu’il n’y trouve plus son compte. On peut deviser longuement sur les raisons, mais la réalité est tetue. Vous avez une vision passéiste de la presse. La presse papier (ce qui est un pléonasme, la presse n’est que papier) a un avenir à condition que les marchands de journaux cessent de recevoir des journaux subventionnés qui ne se vendent pas. Leur remuneration ne se fait pas avec des subventions mais avec les ventes. A ce jour, le taux d’invendu d’un marchand de journaux est de 60%. Ce qui veut dire que son magasin, son temps, son energie sont mobilisées à 60% pour des produits invendables. Sans parler de la frustration du client. Vos propos ne font que conforter cet etat de fait, de maintenir un système qui mène la presse à sa perte. La situation est devenue urgente, car la diminution du nombre de points de vente presse est elle, que le point de rupture est proche, avec pour consequence la disparition totale du reseau. Certains editeurs l’ayant compris, entament un virage imprevu vers le net. Des groupes de grande distribution suppriment ou diminuent leur rayon presse. Sans parler des nouveaux agencements du reseau Relay. Il ne faut pas oublier que La Presse n’est pas eternelle. Elle est née il y a pres de 150 ans, grace à des revolutions technologiques. Aujourd’hui, nous vivons un boulversement technologique qui peut entrainer sa disparition, tout comme ce fut le cas pour la machine à ecrire. Sauf à se mettre autour d’une table, de casser les rentes installées, et de penser au lecteur. Sans lecteur, il n’y a pas de presse. Mais sans marchands de journaux, il n’y a pas d’editeurs de presse. Cordialement, Marc Georges.
Dommage qu’en tant que diffuseur de presse et malgré de multiples demandes, en 13 ans j’ai eu moins de 10 Huma à vendre !!!!!