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Plusieurs milliers de personnes ont manifesté dimanche dernier, de la gare Montparnasse en direction du salon de l’agriculture pour dire leur refus de l’agriculture industrielle. Venus surtout du bassin d’Abbeville, celles et ceux qui refusent la construction d’une usine à lait de 500 vaches, à laquelle serait adossé un méthanisateur, ont été rejoints par d’autres luttant, ici contre une porcherie industrielle, là contre un poulailler de même type. Toutes et tous réclament avec force un modèle d’agriculture paysanne, valorisant les territoires et garantissant la qualité alimentaire.
Le fait que ce défilé ait pris la direction du salon international de l’agriculture avait un sens. Il portait l’exigence d’une réorientation profonde du modèle agricole et agro-alimentaire, imposé depuis des décennies, avec les dégâts et les effets pervers que l’on connaît désormais.
D’ailleurs pour celui qui voulait écouter, le salon de l’agriculture lui-même a été le théâtre de la manifestation de multiples inquiétudes émises par les éleveurs, les petits et moyens agriculteurs, confrontés à la baisse des prix à la production, au prix élevé de l’accession au foncier ou aux crédits bancaires et à l’insécurité face à l’avenir. En effet, on trouve de plus en plus de travailleurs paysans épuisés par les cadences du travail imposées tout à la fois par la pression à la baisse de leur prix qui les oblige à chercher à augmenter leur productivité, le remboursement de crédits, les mises aux normes environnementales incompréhensibles quand, dans le même temps, les importations de produits pour lesquels ces mêmes normes ne sont jamais exigées augmentent.
Pire, le métier d’agriculteur est de plus en plus sali, dévalorisé par l’accélération de la tendance à industrialiser la production agricole qui augmente les coûts de production et engraisse des secteurs d’amont de la production. En aval, on a de plus en plus la démonstration que le refus de maintenir ou d’augmenter le pouvoir d’achat des salaires et des retraites et d’agir pour une sécurité sociale du travail pour toutes et tous, pousse à fabriquer une alimentation la moins chère possible, quitte à la trafiquer dans le cadre de « la liberté totale de circulation des marchandises ». Ce trafic est d’autant plus facilité que le choix d’austérité budgétaire, c’est-à-dire l’abaissement permanent des dépenses publiques utiles, a conduit à diminuer les moyens humains et matériels dont disposent les agences françaises et européennes de sécurité sanitaire des aliments, les contrôles vétérinaires et évidemment douaniers ou en pressurant les moyens de la recherche publique. La concurrence mondialisée pousse à utiliser de plus en plus la « chimie » pour produire des denrées alimentaires, combinées à une sélection génétique uniformisant les races et variétés partout dans le monde. Cette sélection s’accompagne de la marginalisation des races animales et des variétés fourragères ou fruitières liées aux terroirs. Ainsi les vaccins et traitement divers, anabolisants, hormones de croissance, antiparasitaires et une multitude d’antibiotiques sont devenus la panoplie indispensable, avec la multiplication des risques sur la santé humaine. C’est aussi au nom de cette fameuse « compétitivité » que sont favorisées les usines à lait, les porcheries et poulaillers industriels ou on tente de bousculer les cycles de la nature dans des univers concentrationnaires tout en tentant de faire des gains sur les transports.
C’est à un autre modèle de développement agricole et alimentaire qu’il faudrait s’attaquer avec la prochaine loi pour l’avenir agricole, annoncée par le ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll et par la prochaine réforme de la politique agricole commune. Celle-ci pour l’instant ne prévoit rien de cela. Pire, en décidant d’autoriser la consommation de farines animales pour les poissons, la Commission de Bruxelles choisit le modèle industriel de l’aquaculture pour abaisser le prix d’un poisson qui aura de moins en moins de saveur. Et le projet d’un marché unique Union européenne – Etats-Unis, dit « marché transatlantique », affaiblira encore nos productions, donc l’emploi et dégradera encore la sécurité sanitaire.
Une nouvelle fois, nous en appelons à un large débat national et au soutien d’actions comme celle de dimanche dernier pour un nouveau modèle de développement agricole, rémunérant correctement le travail paysan, créateur d’emplois, soucieux de la qualité alimentaire et de l’environnement. Ce sont deux modèles de société qui s’affrontent : celui de l’industrialisation et du risque contre celui de la qualité alimentaire, de la santé, de l’emploi, de la vie de tous les territoires.