Contre la concurrence sauvage entre travailleurs

le 17 décembre 2013

BTP SENSIBILISATION ACCIDENTS DU TRAVAIL

Voici encore un drôle de mot : « travailleurs détachés ». On appelle ainsi dans l’Union européenne des salariés d’un pays qui vont travailler dans un autre pays. En 1996 les autorités européennes avaient élaboré une loi (directive) pour réglementer les conditions d’embauche d’un salarié de l’un des pays européen, allant travailler dans un autre. Cette directive dite « du travailleur détaché » prévoyait qu’un salarié de Roumanie ou du Portugal, venant travailler en France devait disposer du salaire minimum français mais conservait le dispositif de protection sociale de son pays. Mais toutes ces dispositions ont été allègrement contournées et bafouées par les plus grandes entreprises de transport privé, du bâtiment ou de l’agro-alimentaire et d’autres…, qui, soit en allongeant la durée du travail, soit en ponctionnant lourdement les salaires en échange d’hébergement, soit en ajoutant des heures supplémentaires non payées ont trouvé là une nouvelle main d’œuvre « bon marché », mise en concurrence avec les salariés permanents de l’entreprise.

 

Une telle mécanique du contournement vise évidemment à augmenter les taux de profit des plus grosses entreprises, tout en faisant pression à la baisse sur les rémunérations et les droits sociaux des travailleurs français. Il y a ainsi aux alentours de 500 000 salariés détachés en France. Et il y a environ 150 000 salariés français à l’extérieur de notre pays. L’élargissement de l’Union européenne à l’Est et la crise économique et sociale ont fait prendre une ampleur nouvelle aux flux de main d’œuvre à l’intérieur de l’Europe, en général d’Est en Ouest et des pays du Sud vers ceux du Nord. Le phénomène des travailleurs détachés touche officiellement 1,5 millions de personnes dans l’Union européenne.

 

Face aux protestations des syndicats et des forces progressistes en Europe, la Commission européenne a consenti en avril 2012 à rouvrir le dossier et à mettre de nouvelles propositions sur la table.

 

Ce n’est qu’aujourd’hui qu’un nouveau débat pour améliorer la directive rebondit avec la réunion des ministres du travail de l’Union européenne. Mais, la Commission de l’emploi du Parlement européen a déjà fait un certain nombre de propositions d’amélioration. Sur proposition du gouvernement français deux améliorations vont y être apporté. Mais celles-ci sont en retrait sur les propositions du parlement européen.

 

La première porte sur la lutte contre de grosses entreprises donneuses d’ordre qui utilisent des filiales dans les pays à bas niveaux de salaires et de droits sociaux pour faire venir de la main d’œuvre « bon marché » en concurrence avec nos salariés.

 

Désormais l’entreprise qui procédera ainsi sera co-responsable des poursuites intentées contre des filiales qu’elle utilise. Mais ceci est très limité car le Conseil européen considère que les grandes entreprises donneuses d’ordre  doivent  rester protégées au nom de ce que l’on appelle la « sécurité juridique » des entreprises. Une telle sécurité va évidemment à l’encontre de la sécurité professionnelle et sociale des salariés. De surcroit cette disposition ne concernera que le secteur du bâtiment et des travaux publics. Les sociétés du transport ou de l’agro-alimentaire ne seront pas concernées.

 

La seconde modification porte sur une liste de documents que les entreprises devront présenter aux contrôleurs du travail afin de garantir les droits des « salariés détachés ». Pour l’instant cette disposition mériterait d’être plus claire et précise. Une telle disposition sera forcément limitée par le nombre insuffisant d’inspecteurs du travail existant. On ne peut pas vouloir contrôler, faire respecter le droit du travail, en réduisant sans cesse les crédits publics, c’est-à-dire les moyens humains et financiers permettant ces contrôles. En France, comme ailleurs au nom de la prétendue lutte contre les déficits publics, on réduit le nombre d’inspecteurs du travail chargé d’empêcher ces fraudes. Or il faudrait plus d’inspecteurs du travail dans tous les pays européens, plus de coordination entre eux, voir la création d’un corps européen de contrôleurs.

 

On est loin ici d’une nouvelle orientation, d’une loi claire protégeant les salariés et cessant de les mettre en concurrence les uns contre les autres. On peut aussi être préoccupé par le rôle de la Commission européenne chargée de « contrôler » la mise en œuvre de la directive. En général elle laisse faire, ce qui annihile toute bonne orientation.

 

Ce gouvernement a décidé de se donner de nouveaux moyens juridiques en préparant une loi. Les syndicats, les associations, les salariés eux-mêmes doivent s’en mêler pour faire progresser la protection et le droit social au risque d’alimenter encore la malsaine et dangereuse xénophobie. C’est l’unité des salariés contre ceux qui profitent d’eux qui est plus que jamais nécessaire pour qu’enfin progresse l’Europe sociale ! Pour cela il faut changer la directive des travailleurs détachés.


8 commentaires


Guieysse Jean-Albert 17 décembre 2013 à 10 h 52 min

Vous oubliez de dire que les cotisations sociales liées aux travailleurs détachés sont celles du pays d’origine: le dumping salarial est là, car ces cotisations sont très inférieures à celles que l’on paie en France.
Il faut absolument réclamer que les cotisations sociales liées aux travailleurs détachés soient celles du pays d’accueil.
J’espère que vous le ferez.
Cordialement,
JA G.

Lo Piccolo 17 décembre 2013 à 23 h 39 min

Guieysse Jean-Albert, tu es tout à fait dans le vrai, il faut que Patrick reste ferme sur cette question, parce que si on veut l’Europe marche, il faut que ce soit la règle pour tous les pays,de faire payer toutes les cotisations au tarif du pays d’accueil pour être à égalité avec les travailleurs Plus bas Michel Berdagué veut rassembler tous les communistes ce qui est logique,le problème c’est que lorsque je lis certains commentaires sur ce site il n’y a plus de communistes,et donne pour preuve que n’étant pas nombreux il n’y en a pas assez pour faire vivre l’HUMANITE,il est vrai que à part le fait que un grande majorité de buralistes cache ce journal ou le mette derrière les autres journaux ce qui fait perdre de la vente,mais quand même il faudrait que chaque militant ou sympathisant puisse l’acheter et pour çà il faut faire un choix ce que je fais et je ne prends pas le journal local parce que avec une petite retraite on peut pas acheter deux journaux,en plus je pense que la jeunesse manipulée à plus tôt tendance à prendre les gratuits désinformateurs,ou son poussée vers le sport pour qu’elle ne s’intéresse pas à la vie sociale, ce qui est dommage car c’est leur futur qui se joue et elle n’en prend pas conscience,espérons qu’elle ouvre un peu les yeux et relève enfin le défi que lui lance le medef, qu’elle écoute Pierre Gattaz qui est encore pire que le père Yvon que l’augmentation 1,1% trop pour la compétitivité des entreprises seulement ces patrons en plus des salaires faramineux qu’ils touchent quand ils s’augmentes c’est de l’ordre de 25 à 40%MINIMUM. Alfred.

Michel Berdagué 17 décembre 2013 à 11 h 26 min

…” la Commission européenne a consenti en avril 2002 à rouvrir le dossier et à mettre de nouvelles propositions sur la table.”… Et il leur a fallu plus de 11 années pour se pencher sur cette injustice profitable au capital ( c’ est sûr qu’ au vu des élections prochaines ça doit faire bon genre , et avec les communicants ça va matraquer avec du gentil charitable à profusion) , et pendant que nous rejetions en 2005 l’ Europe dite libre d’ exploiter et d’ offrir sur un plateau une mise en concurrence dite libre et non faussée des produits élaborés par la force de travail abstrait et appliqué de tout le prolétariat mis en demeure de se saigner par le matraquage que : vous coûtez trop , regardez même en Allemagne ça bosse pour 2 euros avec le classique non dit, que nous puissions ,la poignée, exercer tous les pouvoirs sur vous les dominés. Comme la Presse critique de l’ économie/politique pour se libérer , une radio à créer voire une télé non formatée, la représentation de nos forces alternatives unies en Europe et dans l’ Hexagone sont stratégiques comme les Luttes dans les entreprises , manifestations . Car avec un chômage structurel et voulu , la précarité comme statut , les salaires mis en cause , la bourgeoisie et le capital mondialisé sont à l’ offensive comme jamais . Au 20e siècle des massacres en masse , là sacrifices aux dieux obscurs , avec retour du religieux tout en mettant l’ Argent grand A comme réussite suprême . Demandez autour de vous : que désirez-vous ? Quels sont vos projets ? : le pognon au sommet , même pour écraser l’ autre. L’ important c’ est que des hommes et des femmes se dressent contre ces retours au pire obscurantisme pour construire une Alternative d’ Humain d’ abord. En 2005 c’ était assez facile sur un texte réactionnaire et rétrograde , mais dès que des ” leaders, dirigeants ” s’en mêlent le Programme passe derrière et les égos se pavanent pour briser toute l’union construite à grand peine. La Lutte continue.

ARNAUD 17 décembre 2013 à 12 h 10 min

Tu as raison Michel, mais quand j’écoute autour de moi ce que veulent le “gens” c’est du travail, c’est la sécurité de l’emploi, tout ce qui est détruit par le patronat et la finance. Oui tu as raison Michel tout comme Patrick, mais ce désespoir qui prend le peuple aux tripes le tourne vers d’autres horizons. Nous avions cru au parti socialiste et à celui pour lequel nous avons voté, aujourd’hui il brade notre pays et nous verse dans la désespérance. Lutter, lutter, oui mais QUI reste-t-il pour tenter de remonter et relancer une République Sociale ?

Michel Berdagué 17 décembre 2013 à 13 h 46 min

Déjà rassembler les Communistes dans chaque pays et tendre la main sans que nous abandonnions le pourquoi nous sommes communistes et non pas bureaucratiques/opportunistes ni sectaires. C’ est vrai que le travail te donne une place et fonction de prolétaire , même si tu es exploité ,à le reconnaître est fondamental pour lutter , d’ où le capital te matraque avec la compétitivité ,la priorité de l’ emploi formaté pour leur profit unique, à faire baisser ce dit “coût du travail” te culpabiliser , le temps consacré à celui-ci toujours à allonger pour favoriser et augmenter le chômage , l’ habitat éloigné avec des qqs 3 h en IdF de trajet , le capital et les finances privées toujours plus riches le savent et appliquent : l’ instabilité permanente ,avec des quasi impossibilités de se réunir, le temps disponible pour se former voire de penser. Etre pris dans une tourmente chronique de recherche d’ un taf ,et tu ne trouves malgré tes formations que, stages , travail précaire et sous payé et si tu acceptes tu entres en concurrence par le système mis en place avec tes compagnons , camarades , de ta classe et la solidarité comme la Lutte en prennent un coup . Sûr que ce n’ est pas facile , mais depuis et avant 1983 par la connaissance historique , plus personne ne peut se faire d’ illusion sur ces PS tournés vers le libéralisme où les finances – ciblées en ennemi- sont invisibles -la main invisible- le marché élevé en dieu suprême intouchable . Alors avec qui ? Le prolétariat avec ou sans travail , la création , la population et le peuple , ça doit faire du monde….

pellizzoni 17 décembre 2013 à 15 h 44 min

oui vous avez raison, mais qui est capable de gouverner autrement, et d’écouter les citoyens qui sont dans le désespoir, toute notre jeunesse s’en va à l’étranger, car elle ne croit plus à la France et à ses promesses ?

Michel Berdagué 19 décembre 2013 à 13 h 46 min

Oui , Pellizzoni, l’ écoute pour l’ engagement et la Lutte , là rien ne vaut le Manifeste très actuel où la Démocratie Communiste est patente . Surtout ne pas rester isolé devant , les matraquages , les insultes que subissent tout le monde du travail , même dans leur existence : tu coûtes trop et “eux” ils s’inondent de plus value , de sur valeur, générée par la force de travail abstrait et appliqué.

graffiti 28 décembre 2013 à 11 h 45 min

Merci pour cet article qui résume bien la situation.Les dérives d’une Europe élaborée au profit du seul marché.Une directive qui n’aurait jamais du voir le jour en l’état, les disparités de la protection sociale et des charges étant évidentes.

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