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La triste comédie-cérémonie du duo Trump-von der Leyen, le 27 juillet, sur le grand terrain de golf écossais personnel du « nouveau shérif en ville », a été présentée comme une capitulation de l’Union européenne (UE) devant les États-Unis. Il s’agit bien de cela, augmenté d’une humiliation sans nom.
Mais plus encore, il s’agit d’une honteuse collaboration à l’agressive entreprise de relance de l’impérialisme états-unien. Outre l’atlantisme qu’on lui connaît, la présidente de la Commission européenne, qui manifestement n’a aucun mandat précis ni du Conseil européen ni du Parlement européen, a, en une après-midi, procédé au déclassement politique de l’Europe et fait passer l’UE au rang de « périphérie capitaliste » des États-Unis. Ursula von der Leyen s’est sans doute crue autorisée à tout accepter après le sommet de l’Otan, fin juin, où l’Union européenne s’était déjà couchée devant Trump, en acceptant de consacrer 5 % de la valeur de ses richesses dans la course aux armements.
L’impérium et ses conglomérats capitalistes viendront vendre dans les pays membres de l’UE leurs produits, tout en taxant fortement toute marchandise et tout service s’avisant de franchir la frontière états-unienne et en obligeant les économies des pays européens à brûler le pétrole et le gaz de schiste nord-américains et à augmenter les budgets militaires pour acheter ses armes. Ainsi, le niveau moyen des droits de douane imposés aux marchandises européennes est fixé par décret trumpien à 15 %. L’Union européenne devrait importer pour une valeur de 750 milliards de dollars d’hydrocarbures au mépris de ses engagements de protection du climat, des centaines d’autres milliards doivent être investis dans l’achat d’armements et il est fait obligation au Vieux Continent d’investir 600 autres milliards de dollars sur le territoire des États-Unis. Encore que Trump vient de déclarer à la chaine de télévision CNBC, qu’en fait il ne s’agit ni d’investissement, ni de prêt mais d’un don de 600 milliards de dollars que l’Union Européenne doit faire aux Etats-Unis. Bref une rançon donc dont dit-il « il fera ce qu’il en voudra ».
Personne ne peut croire un seul instant, après une telle abdication, aux discours sur « la réindustrialisation », « la protection du climat » ou encore ces fades fables sur « l’autonomie stratégique » ou encore sur une « Europe, continent géopolitique ».
Mais dans le petit monde qui gouverne, les mots n’ont plus aucun sens : Mme von der Leyen n’a pas hésité à présenter la capitulation sur l’achat de gaz naturel liquéfié comme « un partenariat énergétique ». Et de bonnes âmes, émargeant aux registres du grand capital français, nourries dans leurs couveuses médiatiques, se contorsionnent pour justifier le forfait et rendre présentable l’oukase trumpiste. Voilà qu’ils nous expliquent qu’il y aurait ici une part de justice, car, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis auraient fourni à l’Europe un excédent de « biens communs » comme la protection militaire, la sécurité, le dollar et, maintenant, le numérique. Ce pourrait être comique si ce n’était pas si triste et préoccupant.
C’est précisément de cette rente prélevée sur les richesses produites en Europe que les États-Unis ont tiré une part importante de leur puissance. Depuis des lustres, ceux-ci font payer une part de leurs dettes, de leur surarmement et de leurs guerres impérialistes aux autres pays. Autrement dit, dans de larges sphères du capital, on nous explique que la soumission qui a prévalu jusque-là mérite d’être prolongée encore jusqu’à se fondre dans la construction d’un « bloc américano-européen » dirigé d’une main de fer depuis la Maison-Blanche selon les soifs de domination du capitalisme nord-américain.
Non contentes de financer des candidats trumpistes dans leurs conquêtes de sièges au Sénat ou au Congrès, des forces importantes du grand capital français, derrière cette sotte formule selon laquelle « certes, l’accord est déséquilibré, mais, au moins, on a maintenant une visibilité pour l’avenir », collaborent directement avec le grand capital étasunien. Elles comptent participer à « l’obligation d’investir aux États-Unis » pour réexporter ici, sans droits de douane, les richesses produites par des travailleurs états-uniens, sous-payés avec une valeur du dollar se dépréciant et victimes de la hausse des prix de nombreuses denrées résultant de l’application des droits de douane généralisés à la plupart des pays du monde, tandis que les travailleuses et les travailleurs européens seront rudement secoués par le chômage, par de nouvelles déréglementations et par des atteintes aux droits sociaux que réclameront, inévitablement, les capitalistes sur le territoire européen. On peut même penser que la guerre commerciale et économique globalisée exacerbera les tensions économiques au sein même de l’Union européenne.
Le grand capital nord-américain et ses dirigeants – démocrates hier, Trump aujourd’hui – sont confrontés à un immense enjeu : une énorme dette qu’ils veulent réduire en la faisant payer par tous les peuples du monde.
Mesurons l’ampleur de la question. À ce jour, la dette des États-Unis représente plus du tiers de la dette publique mondiale : 35 000 milliards de dollars sur un total de 102 000 milliards de dollars, selon les données du Fonds monétaire international. Le coût annuel des intérêts sur cette dette est de 1 000 milliards de dollars. Ceci explique la nature du conflit entre D. Trump et le président de la Réserve fédérale américaine qui refuse d’abaisser les taux d’intérêts qui feraient baisser automatiquement le niveau de remboursement de la dette. Des économistes sérieux comparent la situation budgétaire des États-Unis à celles de pays émergents. C’est dire !
Pour tenter de s’en sortir, D. Trump applique donc la stratégie exposée par son conseiller économique Stephen Miran. Elle consiste à faire payer un tribut impérial aux peuples du monde. Celui-ci a expliqué dans un article du Bloomberg Business Week que son pays prenant une « part accrue du fardeau du financement de la sécurité mondiale », il revient que « les moyens de financements [de cette sécurité globale] se f[ass]ent par le biais d’un dollar plus faible, d’une réaffectation de la demande globale vers les États-Unis et d’une réallocation du risque de taux d’intérêt des contribuables [nord-]américains vers les contribuables étrangers ». Voilà qui aggrave encore la culpabilité d’importantes fractions du capital européen et de la Commission européenne qui visent à soumettre les travailleurs et les peuples européens à un lourd transfert de richesses vers le grand capital états-unien et les institutions financières qui lui sont attachées.
Ajoutons que cette soumission augmentée comporte de lourds risques pour les économies européennes. En effet, l’Europe est le premier créancier mondial du gouvernement nord-américain. L’exposition de la zone euro à la dette des États-Unis atteint 2 000 milliards de dollars sur les 9 000 milliards de dollars de la dette extérieure états-unienne.
Alors que le dollar vient de perdre 13 % de sa valeur, les créanciers des États-Unis viennent ces derniers mois d’acheter 400 milliards de dettes nord-américaines. Curieuse démarche consistant à acheter de la dette quand la dépréciation du dollar fait perdre beaucoup d’argent. Qui paiera en dernier ressort à la fois l’exposition à la dette, les fluctuations du dollar et les taxes nouvelles aux frontières ? Les peuples, qui, de surcroît, sont à la merci d’un nouveau séisme financier !
Dans ces conditions nouvelles, sans mobilisation sociale et recherche d’unité populaire pour présenter un projet politique neuf, la route se dégagera encore plus pour les extrêmes droites.
L’enjeu est capital pour les forces progressistes européennes : en effet, en agissant ainsi, avec une Union européenne si docile, les ultraréactionnaires et libertariens au pouvoir à Washington, qui déteignent de plus en plus sur les esprits des dirigeants du capital européen, nourrissent un nouveau projet politique visant à dépasser ce qu’ils ont eux-mêmes qualifié jusque-là de « démocratie libérale », pour passer à un système de destruction définitive de l’État social et de l’État de droit au seul profit d’une oligarchie techno-césariste, extorquant encore plus de plus-value de la force de travail, tout en tentant d’élargir ses sphères de domination sur l’ensemble des peuples.
Cette dimension politique et idéologique, trop sous-estimée, nécessite que les forces progressistes et de l’écologie politique mettent de côté leurs vaines polémiques stériles, dont l’ambition s’arrête à l’échéance présidentielle, pour enfin travailler ensemble à un projet commun d’émancipation humaine. Mépriser cet enjeu crucial reviendrait à délaisser des millions de travailleuses et de travailleurs en quête d’un autre avenir que celui du néofascisme rampant qui contamine largement de larges espaces du bloc bourgeois.
Dans l’intérêt des travailleurs des deux côtés de l’Atlantique, il conviendrait de pousser les feux de la résistance, avec des rétorsions douanières et de refus du surarmement dans l’objectif de préserver nos moyens de développement humain, de fortifier une économie industrielle et agroécologique des besoins, tout en faisant payer leurs impôts aux géants du numérique nord-américains, tout en construisant en Europe un grand consortium public du numérique au service du bien commun.
Au lieu d’alimenter un fonds européen pour l’armement, le combat devrait porter sur la mise en place d’un fonds européen de développement humain, social et écologique et d’une pénalisation des exportations de capitaux vers les États-Unis.
Tant de défis communs sont à l’ordre du jour qu’ils ne peuvent s’accommoder des guerres commerciales, économiques et militaires. Le travail militant pour unir les forces sociales et démocratiques en Europe, et au-delà de l’Europe, est donc d’une capitale importance tant les risques de catastrophes économiques ou militaires sont immenses.
L’alliance des peuples européens devrait aller de pair avec la recherche de convergence d’actions et de propositions avec les peuples du « Sud global » pour construire une mondialité de coopération, de codéveloppement humain et de paix.
Une telle alliance solidaire et combative pourrait porter, à l’intérieur de l’Union européenne, l’exigence d’action pour la paix en Ukraine, pour la fin des livraisons d’armes en Israël et pour la suspension des coopérations avec le pouvoir israélien tant que l’État palestinien n’existe pas ; enfin, pour la construction d’une architecture commune de sécurité collective en Europe. Concomitamment, des coopérations industrielles de nouveaux types, appuyées elles-mêmes sur des objectifs de progrès humain dans chaque pays, doivent devenir un objectif. Des coopérations repensées – avec l’intervention des travailleurs – entre la Banque centrale européenne, les banques centrales nationales et les institutions financières publiques, viseraient la justice sociale et environnementale, assècheraient la spéculation, combattraient les paradis fiscaux et feraient de la création monétaire un pouvoir populaire au service des biens communs.
Une telle alliance avec les pays dits du « Sud global » chercherait à pousser les institutions européennes et ces pays dans des projets de coopération pour des codéveloppements humains et une nouvelle manière de concevoir les échanges, en préservant le climat et la biodiversité, et pousser une autre régulation des investissements internationaux avec le souci de la garantie d’un travail correctement rémunéré pour toutes et tous et des progrès d’humanité avec, notamment, l’accès à la santé et à l’éducation pour toutes et tous.
Enfin, une telle alliance activerait des actions nouvelles pour que se tienne une conférence mondiale sur les enjeux du financement du développement humain, de la préservation et de l’amélioration des biens communs, à partir d’un projet de monnaie commune mondiale porté par les pays constituant le groupe des Brics+, afin de sortir de l’hégémonie du dollar.
Autant de propositions s’inscrivant dans le débat national et local contre le plan d’austérité et militarisé de François Bayrou.
Combattre la soumission de la Commission européenne à Trump va de pair avec la libération citoyenne des carcans qu’impose le grand capital prédateur. Rien ne doit nous conduire à baisser la garde contre la capitulation-collaboration en cours. Le débat doit s’ouvrir, la mobilisation populaire s’activer.
Patrick Le Hyaric
6 Aout 2025
* En Belgique et au Luxembourg, on trouve 827 milliards de dollars de créances sur les États-Unis, en France (375 milliards), en Irlande (327), en Allemagne (102). Les investissements de la zone euro dans la dette nord-américaine sont 1,5 fois ceux du Japon et deux fois ceux de la Chine. On ne compte pas ici les flux via la Suisse (303 milliards) ou le Royaume-Uni (809 milliards).
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«« Combattre la soumission de la Commission européenne à Trump va de pair avec la libération citoyenne des carcans qu’impose le grand capital prédateur. Rien ne doit nous conduire à baisser la garde contre la capitulation-collaboration en cours. Le débat doit s’ouvrir, la mobilisation populaire s’activer. »»
Malheureusement, dans la gauche, il y a ceux qui refusent la radicalité nécessaire,et la voix qui porte. Ursula von der Leyen ?
6 mars 2014
1 commentaires
Conférence magistrale à l’université de la Sorbonne, Paris, le 6 novembre 2013
La crise européenne et l’Empire du Capital : leçons à partir de l’expérience latinoaméricaine
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Rafael Correa Delgado
Je vous transmets le bonjour très affectueux de plus de 15 millions d’Équatoriennes et d’Équatoriens et une accolade aussi chaleureuse que la lumière du soleil équinoxial dont les rayons nous inondent là où nous vivons, à la Moitié du monde.
Nos liens avec la France sont historiques et étroits : depuis les grandes idées libertaires qui se sont propagées à travers le monde portant en elles des fruits décisifs, jusqu’aux accords signés aujourd’hui par le Gouvernement de la Révolution Citoyenne d’Équateur avec de grandes universités françaises, pour atteindre l’excellence indispensable à nos jeunes et à nos professionnels.
Le précurseur Francisco de Miranda, le Libérateur Simon Bolivar, eux aussi ont vécu en France, t pratiquement tous les héros de notre indépendance se sont inspirés des idées françaises du Siècle des Lumières.
Dans ce cher pays un grand nombre d’intellectuels et d’hommes et de femmes politiques qui, dans les années 70 et 80 du siècle passé, ont dû fuir le joug dictatorial qui écrasait l’Amérique latine, ont reçu également un accueil franc et solidaire.
Lr Grand Soir
Il y avait un programme et certaine gauche trop frileuse !