COMPTE-RENDU DE SESSION DU PARLEMENT EUROPÉEN (21-24 mai 2012)

le 3 juin 2012
Hémicycle du Parlement européen à Strasbourg / Photo: Olivier Hansen

Le Parlement européen s’est réuni en session plénière du 21 au 24 mai à Strasbourg. Voici les principaux éléments discutés et votés lors de cette session.

Conseil européen

Mercredi 23 mai s’est tenu un sommet informel européen réunissant tous les chefs d’Etat de l’Union européenne. Quelques heures plus tôt, le Parlement débattait des mesures qui devraient être prises face à la crise de la dette.

Une fois de plus, les différents groupes du Parlement européen ont refusé d’agir pour inverser l’ordre actuel des choses qui fait payer la crise par les peuples. Certes on commence à parler de « croissance », mais ce mot piégé vise surtout à imposer une accentuation de « la compétitivité du travail » en laminant les salaires et les services publics, comme cela se fait en Grèce sous l’égide de la pieuvre de la « Troïka » (Commission de Bruxelles – Banque centrale européenne – Fonds monétaire international). Les plus audacieux proposent des eurobonds pour mutualiser les dettes, en cachant qu’en tout état de cause on continuerait d’emprunter sur les marchés financiers aux conditions de ceux-ci, contre le bien-être des citoyens européens. Il y a aussi ceux qui proposent juste de « donner un peu d’oxygène aux Grecs ». Je propose une action forte pour un audit international de la dette et d’obliger la Banque centrale européenne à racheter la dette grecque et à re-prêter au taux qu’elle fait aux banques, c’est-à-dire à 1 %.

La présidente de notre groupe de la Gauche Unitaire Européenne – Gauche Verte Nordique Gabrielle Zimmer a dénoncé la « recette inhumaine » du Conseil et de la Commission. « L’austérité empoisonnée qu’on sert à des pays tels que la Grèce ne les aidera pas ni ne permettra leur rétablissement. Ce dont nous avons besoin c’est une augmentation des ressources pour éradiquer la pauvreté et pour une transition écologique de l’économie. Il s’agit d’aider les peuples, l’économie doit être au service de la société ».

Quelques jours plus tard, le sommet européen n’a rien apporté si ce n’est un communiqué laconique affirmant: « Notre souhait est que la Grèce reste dans la zone tout en respectant ses engagements ».

Les chefs d’Etat n’ont pas pris de décisions lors de ce sommet, attendant de voir le résultat des élections en France le 10 juin et en Grèce le 17 juin avant tout mouvement. Dans cette optique, la droite européenne a encore une fois affirmé son soutien au parti de droite Nouvelle démocratie, le seul à vouloir appliquer dans son intégralité les obligations du mémorandum de la Troïka. Selon la situation, le prochain sommet de fin juin peut soit faire avaliser définitivement le traité d’austérité Sarkozy-Merkel, avec un ajout sur la croissance qui n’engage à rien, soit être contraint d’écouter la voix des peuples si Syriza en Grèce et le front de Gauche en France obtiennent de forts groupes parlementaires.

Un rapport pour promouvoir l’initiative citoyenne

Mardi 22 mai le Parlement a apporté son soutien à l’initiative citoyenne européenne en adoptant le rapport de Mme Gurmai. L’initiative citoyenne européenne est une pétition qui permet de collecter plus d’un million de signatures de citoyens européens dans le but de demander à l’Union européenne une action législative dans un domaine donné. La Commission ne pouvant ignorer cette pétition, l’initiative citoyenne pourrait par exemple être un moyen pour l’obliger à changer d’orientation sur le dossier de la protection juridique des services publics, l’harmonisation fiscale ou le régime européen d’asile sur lesquels la Commission ou les gouvernements européens trainent des pieds, ou encore, comme le propose la Gauche européenne, pour la mise en place un Fonds de développement social, humain et écologique.

En adoptant ce rapport par 614 pour, 15 contre et 16 abstentions, le Parlement a décidé de créer les initiatives citoyennes en leur accordant une tribune par l’organisation d’auditions au Parlement dans les trois mois suivant la présentation de la pétition, et une visibilité plus grande via l’utilisation des moyens de communication du Parlement (site internet, Europarl TV). Il s’agit d’un petit pas, d’un moyen à utiliser sans trop croire que cela crée l’Europe démocratique.

Deux rapports pour le respect des droits fondamentaux

En adoptant mardi 22 mai (par 503 voix pour, 55 contre et 56 abstentions) le rapport de Mme Borsellino, le Parlement a rappelé la primauté du respect des droits fondamentaux dans la stratégie européenne de sécurité.

Cette stratégie englobe toutes les actions législatives de la Commission pour lutter contre le terrorisme, les mafias, la cybercriminalité, la criminalité en col-blanc, la fraude fiscale, la corruption, ou tout simplement la gestion des frontières.

Dans ce rapport, le Parlement rappelle que toute initiative législative doit respecter pleinement les droits fondamentaux. Ce rappel est particulièrement pertinent pour la politique des frontières et les actions de « Frontex », l’organisme européen chargé de celle-ci, souvent dénoncé pour ses manquements aux droits fondamentaux des migrants et des demandeurs d’asile.

Dans la foulée, le Parlement a également adopté le rapport de mon ami néerlandais Cornelis De Jong (GUE-NGL) qui exige aussi le respect des droits fondamentaux dans toutes les initiatives de la Commission dans le domaine pénal. Son rapport met d’ailleurs particulièrement l’accent sur le droit des suspects dont le respect absolu de la présomption d’innocence.

Se réjouissant du soutien massif pour son rapport, Cornelis de Jong a déclaré qu’il est capital d’empêcher que de nouvelles lois pénales ne soient adoptées par « pur symbolisme ou en réaction à un battage politique médiatisé. Le droit pénal est un sujet sensible : il a trait aux droits et libertés fondamentaux et reflète des traditions nationales. En adoptant mon rapport ‘une approche européenne du droit pénal’, le Parlement a créé un cadre constitué d’une série de critères clairs qui doivent être respectés et soutenus par des preuves concrètes avant que toute nouvelle législation criminelle ne soit introduite au niveau européen ».

Turquie : pour que les négociations d’adhésion abordent les droits des femmes

Mardi 22 mai, le Parlement a adopté un rapport demandant (enfin !) que les négociations d’adhésion avec la Turquie placent le droit des femmes au centre des préoccupations.

Le rapport rédigé par Mme Bozkurt a été adopté par 590 voix pour, 28 contre et 53 abstentions. Il demande à la Commission chargée des négociations avec la Turquie de mettre en avant la question du droit des femmes en reprenant les objectifs que l’Union européenne s’est elle même fixé dans le cadre de la stratégie Europe 2020.

Cela concerne la place des femmes dans le monde du travail, mais aussi dans la politique avec par exemple un système de quotas pour assurer la représentation des femmes sur les listes électorales. Les violences domestiques et plus particulièrement les crimes d’honneur ont également été abordés. Les lois ne pouvant assurer à elles seules la protection des femmes contre ces violences, le texte demande avant tout l’application des textes existants, ce qu’a soutenu mon groupe de la GUE-NGL.

Taxe sur les transactions financières : progrès à saisir

Mercredi 23 mai, le Parlement s’est prononcé en faveur d’une taxe sur les transactions financières par 487 voix pour, 152 voix contre et 46 abstentions. Ce large vote ne peut cacher les insuffisances du rapport présenté.

La décision en matière de taxation des transactions financières (TTF) reste de la compétence des Etats qui doivent se prononcer à l’unanimité sur la question. Le principe de résidence proposé par la Commission est retenu (sont uniquement taxées les transactions dans l’Union européenne), le principe d’émission (sont également taxées les transactions avec des titres, produits financiers émis dans l’Union). Sous prétexte de ne pas pénaliser le financement des entreprises ou des Etats, les transactions sur le marché primaire (là où les nouveaux titres sont mis en vente) ne seront pas taxées. Le taux retenu reste relativement faible : 0,1% pour les transactions sur des actions ou obligations, 0,01% sur les produits dérivés, le tout pour une application en janvier 2015.

Les conservateurs ont fait ajouter dans les propositions deux exemptions pour les fonds de pensions en séance plénière avec toutes les voix de la droite. Ils créent ainsi une brèche de taille pour cette nouvelle taxe et affirment également leur choix pour un système de retraite par capitalisation plutôt que par répartition.

Avec la délégation du Front de Gauche au Parlement européen nous avons de notre côté réussi à introduire également une taxation pour le marché des changes de devises afin de réduire les activités spéculatives sur les monnaies des Etats.

La droite européenne propose que les sommes collectées allègent d’autant la participation des Etats au budget de l’Union européenne. Un jeu à somme nulle auquel nous opposons, avec les socialistes et les verts, un nouvel instrument d’investissement productif pour la croissance et la lutte contre la pauvreté.

En cas de refus -fort probable- du Conseil d’appliquer cette taxe du fait de l’opposition de la City de Londres et d’autres places financières d’importance, le Parlement suggère une application au sein des Etats qui le souhaitent, avec la possibilité pour tout autre Etat de l’Union qui le souhaite de rejoindre le train en marche comme c’était le cas pour l’espace Schengen.

C’est donc un pas positif, mais beaucoup reste à faire.

Le Parlement pour des relations commerciales plus équilibrées avec la Chine

Mercredi 23 mai, le Parlement a adopté un rapport qui dénonce les déséquilibres et les pratiques déloyales de concurrence de la Chine.

Le rapport de Mme de Sarnez (Modem) plaide pour un rééquilibrage des relations économiques avec la Chine. Cela passe par la dénonciation des pratiques commerciales déloyales comme les subventions à l’exportation, ou du système chinois de coentreprise avec des firmes européennes qui permet souvent une fuite des technologies utilisées dans ces structures. Cela passe également par la protection de la propriété intellectuelle.

Le rapport prend cependant la question uniquement sous l’angle des règles de l’Organisation mondiale du commerce, demandant avant tout une réciprocité dans l’accès aux marchés et donc l’ouverture aux firmes européennes des marchés chinois de l’assurance, de la banque, des télécommunications et des marchés publics. C’est au final davantage la fermeture du marché chinois qui est dénoncée que l’ouverture du marché européen.

Le rapport prône également la création d’un organisme européen chargé de surveiller l’ampleur des investissements chinois dans les entreprises européennes et l’achat de dettes des Etats européens par la Chine.

Jeunes : le Parlement demande plus d’ambition à la Commission

Jeudi 24 mai le Parlement a adopté une résolution commune qui va bien plus loin que la stratégie de la Commission pour les jeunes.

Dans une résolution commune à tous les groupes politiques du Parlement négociée au sein de la Commission emploi et affaires sociales, nous avons critiqué le manque d’ambition de la Commission dans son document sur les perspectives d’emploi des jeunes.

Cette résolution « émet des doutes sérieux quant à la question de savoir si l’échelle des actions proposées est proportionnée à la gravité des crises de l’emploi des jeunes qui frappent actuellement de nombreux Etats membres ». Rappelons au passage que le chômage des jeunes dans l’Union européenne atteint désormais 22%, avec des pics à 50% dans certains pays comme l’Espagne, alors qu’il était à 14,8% en 2008. Ces chiffres ne prennent pas non plus en compte la surreprésentation des jeunes dans toutes les formes de contrats précaires, ce qui confirme leur statut de variable d’ajustement que l’on sacrifie en premier à chaque coup dur.

Avec pour objectif « une garantie pour la jeunesse européenne » qui veut s’assurer que les jeunes ne restent pas au chômage pendant plus de quatre mois, le Parlement demande un « plan européen d’investissement » pour créer de nouveaux emplois. Dans cette optique, notre résolution demande également que les 82 milliards d’euros de fonds structurels restants au titre du budget 2007-2013 soient redéployés rapidement vers les huit pays les plus en difficulté de la zone Euro (y compris en rabaissant les seuils que les Etats doivent financer pour les projets soutenus par l’Union) et en priorité pour les jeunes.

Cette résolution, qui a obtenu un large consensus, a uniquement fait l’objet d’amendements de la part des libéraux qui voulaient amoindrir sa portée et supprimant toutes les mentions obligatoires.

Ukraine : le Parlement pour la libération des prisonniers politiques, contre le boycott de l’Euro

Jeudi 24 juin le Parlement a adopté une résolution commune à tous les groupes politiques demandant à l’Ukraine de respecter les droits de tous les prisonniers politiques et de procéder à leur libération « immédiate, et sans conditions ».

Le Parlement a rappelé « l’importance cruciale d’élections législatives libres, loyales et transparentes ». Pour cette échéance, la résolution propose que le Parlement européen participe à une mission internationale d’observation. Enfin les députés européens n’ont pas appelé à un boycott de l’Euro2012, mais à ce que les politiciens européens qui y participent « montrent clairement qu’ils sont au courant de la situation politique dans le pays » et recherchent « des occasions de rendre visite aux détenus politiques en prison ».

.

Le 03/06/2012


Laisser un commentaire

Commentaire

Nom *

Les champs marqués * sont obligatoires

Email *

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.

Restez en contact

Inscrivez-vous à la newsletter