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Le Parlement s’est réuni les 10 et 11 novembre à Bruxelles, voici les principaux éléments de cette session.
Rapport Mann sur les retraites : le Parlement privé de débat sur un texte prônant la privatisation des systèmes de pensions et le rehaussement de l’âge de départ à la retraite.
Le vote ce jeudi 11 novembre du rapport Mann baptisé: “défi démographique et solidarité entre les générations” marque très négativement une étape de réflexion sur les retraites au sein des institutions européennes.
Initié au début du printemps, le rapport Mann (un conservateur allemand qui siège au groupe PPE- Parti Populaire Européen) devait donner la position du Parlement sur le futur des retraites en Europe avant qu’il n’ait à voter sur un texte de la Commission : “le livre vert sur les retraites”. En tant que membre de la commission Emploi du Parlement européen j’ai suivi l’évolution de ce dossier.
Ce rapport préconisait, dès son passage en commission Emploi, l’allongement de la durée de vie active, des mesures d’incitations pour que les actifs de plus de 60 ans restent sur le “marché” du travail, la suppression des régimes de préretraite et la privatisation des régimes publics… Sous prétexte du vieillissement de la population européenne, tous les arguments développés prônaient des réformes des systèmes publics de protection sociale en Europe en s’attaquant particulièrement au système de santé et de retraites par répartition.
J’ai tenté avec mes collègues du groupe de la Gauche Unitaire Européenne – Gauche Verte Nordique, ainsi que des députés verts et socialistes de faire effacer ces éléments du texte et j’ai introduit des amendements rappelant l’importance de conserver tous ces acquis sociaux, dont les régimes de préretraites. Pour l’accès aux soins des personnes âgées, mes amendements demandaient des embauches et des formations spécialisées dans le secteur public, ainsi que l’accès aux soins pour tous, indépendamment des revenus.
La droite disposant d’une confortable majorité, cette argumentation a été battue en brèche au nom de l’assainissement des finances publiques, et le texte a été voté par la commission, malgré notre opposition. Certains amendements déposés par les libéraux – mais ensuite rejetés – allaient jusqu’à demander la suppression pure et simple d’un âge limite de départ à la retraite. La question du chômage des jeunes et des seniors, si elle a été abordée, manquait cependant d’une volonté claire et d’objectifs contraignants.
Une fois voté en commission, chaque texte est débattu puis voté au sein du Parlement. Sur ce sujet pourtant si important, et qui soulève nombre d’inquiétudes comme l’ont montré les mobilisations auxquelles j’ai participé en France, le Parlement a pourtant décidé qu’il n’y aurait pas de débat. Le texte a donc été inscrit dans le registre des “courtes-présentations” : un numéro d’autosatisfaction du rapporteur, suivi du vote le lendemain.
Le texte adopté ce jeudi 11 novembre est donc très négatif :
- mise en cause du système de retraite par répartition : “considère en outre qu’un vieillissement de la population associé à la chute du taux de natalité au sein de l’Europe constitue un changement démographique essentiel qui nécessitera une réforme des systèmes sociaux et budgétaires, ainsi que des régimes de retraite, en Europe” ;
- incitation à la privatisation des pensions de retraites et des soins aux personnes âgées : “fait remarquer que les systèmes de sécurité sociale doivent faire face à d’énormes défis et que les États membres devraient procéder à des réformes structurelles ambitieuses et rechercher de nouveaux moyens de financement durable des soins de santé et des retraites” ;
- incitation à garder les seniors au travail et reculer l’âge donnant droit à la retraite : “invite par conséquent les États membres à réexaminer la possibilité de supprimer l’âge de départ obligatoire à la retraite” ;
- encouragement à la flexibilité du travail: “souligne la nécessité pour les États membres d’augmenter la participation au marché du travail par des horaires de travail flexibles, la promotion du travail à temps partiel et le télétravail”. Sans compter les multiples références à la “fléxécurité” (un concept censé allier flexibilité du travail en retour d’une forte protection sociale, mais qui ne sert dans le langage de la Commission qu’à introduire plus de flexibilité) ou au “vieillissement actif” ;
- enfin un rôle est dévolu à la Commission pour suivre la bonne application des ces principes et accélérer les réformes : “s’inquiète des échecs des réformes des régimes de retraite dans de nombreux États membres ; demande à la Commission de présenter une analyse de la situation dans tous les États membres, en soulignant les risques à long terme pour chacun d’eux”.
Pour toutes ces raisons j’ai voté contre ce texte qui a été adopté par les voix de la droite européenne mais également certains socialistes et verts européens. Les socialistes français ont voté contre et les verts français se sont abstenus, à l’exception de Daniel Cohn-Bendit qui a voté pour.
Le résultat de ce vote est très préoccupant (440 pour, 122 contre et 43 abstentions) : si ce texte ne donne que la position du Parlement et n’a pas de portée législative, son adoption donne un aperçu de l’équilibre des forces très favorable à une approche libérale de la question des retraites. Le livre vert sur les retraites, divulgué par la commission au début de l’été et en discussion en commission Emploi à la fin de l’année, aura un tout autre impact. C’est pourquoi j’ai été chargé par mon groupe de suivre l’évolution de ce dossier en commission. Un vrai défi s’ouvre là, le résultat de ce premier vote prouve à quel point il va être difficile à relever.
Relations Union-européenne – Etats-Unis: absence de politique monétaire européenne et euro-atlantisme aveugle.
Lors de la présidence allemande de l’Union européenne en 2007, l’UE s’est fixé pour objectif de créer un vaste marché transatlantique d’ici 2015. Vu les résultats du marché intérieur sur les droits sociaux des travailleurs européens (mise en concurrence des travailleurs et des systèmes de protection sociale notamment par la concurrence fiscale) on ne peut que s’inquiéter des résultats d’une ouverture plus grande à la concurrence, pour les travailleurs européens comme pour les travailleurs américains.
A cette occasion l’UE et les Etats-Unis avaient décidé de créer un premier outil en vue de la création de ce marché : le Conseil économique transatlantique. Il avait pour objectif de favoriser l’intégration économique, notamment en rapprochant les législations. Ce Conseil économique transatlantique s’est très vite retrouvé bloqué par les différends commerciaux entre l’Union européenne et les Etats-Unis, notamment sur les questions d’importation vers l’UE de produits alimentaires (bœuf aux hormones, poulets traités au chlore…). En effet, les Etats-Unis comme l’Union européenne défendent des intérêts commerciaux divergents, notamment dans les domaines de l’agriculture ou de l’industrie, ce qui a parfois conduit certains dossiers devant l’organe de règlement de l’Organisation Mondiale du Commerce (différend Boeing-Airbus par exemple). Après sa déroute contre les républicains aux élections de mi-mandat aux Etats-Unis, Barack Obama se montre encore plus volontaire sur les grands dossiers économiques.
A la veille du G20, le gouvernement américain s’est donc montré beaucoup plus agressif sur les questions de taux de change – notamment vis à vis de la Chine qui maintient artificiellement sa monnaie – soutenu par la récente décision de la Fed, la banque centrale américaine, d’injecter massivement des liquidités dans l’économie.
Que fait l’Europe alors que Chine et Etats-Unis s’engagent dans un vrai bras de fer monétaire et que certains pays (Japon, Brésil, Corée du sud) commencent à prendre des mesures pour éviter l’appréciation de leur monnaie ? Rien. Pire : elle crée de nouvelles règles pour renforcer la discipline budgétaire des Etats et continue donc à aller à contresens du volontarisme de tous les autres Etats du monde face à la crise. Par la voix du Président de la Commission et du ministre allemand des finances, l’UE va même jusqu’à critiquer cette tentative américaine de relance de son économie.
Dans la résolution qui a été votée sur les relations transatlantiques, aucune mention sur la politique monétaire mais un atlantisme à toute épreuve :
- défense d’une “cause commune” par une coopération renforcée en Afghanistan, une intégration plus poussée avec les missions de l’OTAN : “considérant que l’Union européenne et les États-Unis collaborent dans le monde entier pour défendre une cause commune qui repose sur une histoire, une culture, des intérêts et des valeurs partagés, et considérant que les relations entre l’Union européenne et les États-Unis doivent jouer un rôle central pour garantir que des questions globales et de nouveaux problèmes sont traités dans le cadre du droit international et des institutions multilatérales existantes, en particulier les Nations unies, l’OSCE et l’OTAN”. Suivi de la mention: “appelle à une coopération renforcée entre l’Union et les États-Unis en Afghanistan et au Pakistan” ;
- également un passage qui se félicite de l’accord SWIFT sur la transmission des données bancaires des citoyens européens aux autorités américaines, prétendant respecter les demandes du Parlement: “salue le fait que l’accord entre l’Union européenne et les États-Unis en matière de transfert de données bancaires reflète la volonté des États-Unis de répondre positivement aux exigences en matière de protection des données, énoncées par le Parlement européen dans le cadre du rapport SWIFT”. Mais cet accord qui permet une totale soumission aux demandes américaines au nom de la lutte contre le terrorisme a été adopté au forcing après un premier vote de rejet du Parlement. De plus il inaugure mal des négociations autour de la transmission des informations personnelles que détiennent les compagnies aériennes.
Pour ces raisons multiples, ainsi que pour ce rappel incessant de la volonté de créer ce grand marché euro-américain d’ici 2015 : “considérant que le Parlement européen continue de plaider en faveur de la réalisation d’un marché transatlantique à l’horizon 2015”, j’ai voté contre ce texte.
Rapport Gauzès sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs : une occasion manquée de limiter le pouvoir destructeur des hedges funds
Le rapport Gauzès, député français de l’UMP, était présenté comme ayant l’ambition d’introduire une réglementation sur les fonds d’investissement alternatifs, plus connus sous le nom de “hedge funds”.
Ces fonds sont des instruments financiers très spéculatifs jouant à fond sur l’effet de levier (la capacité à mener une opération financière en mobilisant de grandes quantités de capitaux avec très peu de fonds en garantie) ayant pour objectif une très forte rentabilité. Leur logique à très court terme a souvent été à l’origine de rachats aux conséquences désastreuses pour certaines entreprises ou holdings (achat et dépeçage de la structure sans aucune considération pour les salariés). Ces fonds ne se limitent pas aux opérations boursières : ils sont également présents sur le marché des matières premières où ils sont la source de plusieurs hausses, l’immobilier… Pire : leur forte rentabilité a poussé les institutions financières classiques (banques, assurances, fonds de pensions) a mener le même type d’opérations en prenant des risques inconsidérés, avec les conséquences que l’on connait.
Alors que l’Union européenne se dote progressivement de règles de supervision financière, même a minima, il était urgent d’imposer à ces fonds de sortir de leur opacité (ces fonds ont souvent pour clients des grandes fortunes et sont domiciliés dans des paradis fiscaux). Mais le rapport Gauzès est malheureusement une occasion manquée pour réglementer efficacement ces fonds pourtant en partie responsables de la crise. Malgré leur rôle destructeur et le risque qu’ils font peser sur l’architecture financière actuelle, le Conseil et le Parlement ont reculé devant le lobby intense du secteur financier et de la “City” de Londres pour garder ces outils extrêmement rémunérateurs au profit d’une minorité. Au Parlement, le rapport Gauzès avait fait l’objet de plus de 1 400 amendements ; au Conseil, la Grande-Bretagne a défendu bec et ongles les intérêts de la City.
Au final, cette nouvelle réglementation permet aux fonds alternatifs basés hors de l’UE de garder la possibilité d’y être commercialisés sans avoir à respecter les nouvelles règles européennes. Voilà donc détruites les avancées permises par la nouvelle législation. J’ai voté contre ce texte pourtant adopté à une large majorité, 513 voix pour, 3 abstentions et 93 contre, dont mon groupe et les Verts français.
Crise de l’élevage dans l’Union européenne : une résolution du Parlement pour maintenir le budget de la PAC après 2013 et soutenir les agriculteurs
La crise que traversent les éleveurs européens est symptomatique de l’effet désastreux des mesures libérales sur l’agriculture européenne. Un débat sur la crise de l’élevage dans l’Union européenne a permis d’aborder les multiples enjeux de la future politique agricole européenne.
L’agriculture européenne subit de plein fouet les effets de la dérégulation des prix issue de la libéralisation progressive des politiques agricoles européennes. Sous la pression de la spéculation, les prix agricoles ont connu des fluctuations de grande ampleur qui ont frappé successivement les secteurs des fruits et légumes, du lait, de l’élevage et des céréales. En parallèle, les agriculteurs européens ont fait face à une concentration progressive de la grande distribution qui la rend capable d’imposer ses prix. Dans les principaux secteurs, les agriculteurs ont vu leurs revenus chuter de façon dramatique alors que pour les consommateurs les prix sont restés les mêmes, voire ont augmenté.
Je n’ai cessé de dénoncer au Parlement cette politique qui prive les agriculteurs d’une stabilité des prix nécessaire à la gestion de leur production, et dont l’effet est dévastateur sur leurs revenus. Après cette vague de libéralisation, les crises alimentaires et les crises des différents secteurs agricoles européens ont démontré que nous allions dans la mauvaise direction et ont favorisé une prise de conscience.
Deux rendez-vous sont fixés à l’agenda européen agricole : la renégociation du budget pluriannuel de l’UE et une réflexion des institutions européennes sur le futur de la Politique Agricole commune (PAC).
Le budget pluriannuel de l’UE couvre la période 2007-2013, la prochaine négociation doit donner les priorités de l’UE. Certains pays, comme l’Angleterre, la Suède ou les Pays-Bas, qui n’ont pas une agriculture très importante, souhaitent revoir les budgets de la PAC ou des fonds de cohésion (en faveur des régions les moins développées) pour les réorienter vers d’autres dépenses plus favorables à leurs économies. C’est remettre en cause le principe même de la solidarité européenne incarnée par les fonds structurels et les aides de la PAC et favoriser un peu plus les régions les plus dynamiques et compétitives au détriment des régions défavorisées ou en périphérie.
La réflexion sur le futur de la PAC va être lancée lors d’une présentation ce jeudi. La Commission a fait entendre qu’elle ne voulait pas revenir sur les aides au volume de production (aides couplées) ou sur les quotas de production qu’elle a abandonnés. Ces outils permettaient pourtant de stabiliser les marchés et d’assurer aux agriculteurs un revenu fixe. Elle introduira peut-être des possibilités pour certains secteurs et semble réfléchir à renforcer le pouvoir de négociation des agriculteurs face à la grande distribution.
Sur ces deux sujets il est important que le Parlement européen soutienne les agriculteurs en faisant valoir des positions claires. A l’issue d’un débat au Parlement, durant lequel j’ai appelé à la création de nouveaux outils pour réguler la production et la mise en place de prix rémunérateurs et stables, une résolution a été votée.
Cette résolution demande :
- d’assurer un financement suffisant de la PAC au-delà de 2013 de manière à garantir la viabilité de tous les agriculteurs de l’Union, y compris les producteurs d’animaux. Le budget de la PAC est un des grands enjeux de la prochaine révision budgétaire de l’Union européenne en 2013 il est donc important que le Parlement se prononce pour son maintien ;
- de mettre en place d’urgence des mécanismes de marché efficaces et souples dans le secteur de l’élevage ainsi que les mesures nécessaires pour limiter, dans l’ensemble du secteur agricole, les incidences de la volatilité des prix et de la spéculation. Ce qui invite la Commission à réagir plus rapidement en cas de crise et ne pas laisser la volatilité des prix ruiner les agriculteurs ;
- de lutter contre la spéculation et de réagir plus rapidement aux situations de critiques ;
- de renforcer les organisations de producteurs dans tous les secteurs d’élevage, de manière à leur permettre de négocier de meilleurs prix pour leurs produits tout en tenant compte des coûts de production. Afin que ceux-ci ait un meilleur pouvoir de négociations face à la grande distribution ;
- de tenir compte de la vulnérabilité de certains secteurs d’élevage lors de la prochaine révision de la PAC, d’éviter que les agriculteurs pratiquant l’élevage dans des conditions de production durable ne subissent de graves pertes de soutien de l’Union européenne lors de cette révision, ainsi que de renforcer le soutien au secteur de l’élevage dans les régions moins favorisées ;
- de préserver pleinement les intérêts des producteurs européens dans les négociations commerciales bilatérales avec le Mercosur et avec d’autres pays, notamment en faisant respecter aux importations les normes de l’Union européenne en matière de bien-être des animaux.
J’ai soutenu cette résolution.