Combien ça vaut…douze millions d’êtres humains ?

le 4 août 2011

Que valent ces deux millions d’enfants, la plupart décharnés,  souvent contre la poitrine tout aussi amaigrie de leur maman, sous un soleil de plomb, dans la poussière de la Somalie ou de l’Éthiopie en proie au bourdonnement de nuées de mouches ? Combien valent, mesdames et messieurs les puissants de ce monde, douze millions d’êtres humains encerclés par la mort qui rôde pendant que vous tenez réunion après réunion à Rome, à Nairobi ou ailleurs ? Certes, vous faites de beaux discours avec des trémolos dans la voix, mais vous ne faites rien ! Il vous arrive même de visiter la désespérance, les douleurs, l’horreur, l’agonie dans vos costumes trois pièces pour quelques minutes dans les camps de réfugiés. Puis, vous parlez. Vous parlez encore et toujours pour les télévisions, de manière proportionnelle à votre inaction concrète. Oui, dites nous, combien valent-ils ces enfants, ces femmes, ces hommes qui, en perdant leurs troupeaux, morts de faim et de soif, ont tout perdu et sont devenus eux aussi la proie de cette atroce mort ? Combien valent-ils ? Dix millions d’euros a répondu le gouvernement français. Honteux ! C’est le montant de la contribution de la France à la solidarité.

Dix millions ! C’est beaucoup moins élevé que le prix de n’importe quel hôtel particulier de Neuilly qui abrite n’importe lequel de ces maîtres de l’oligarchie française. Certes, on va encore nous rétorquer, sur le ton de ces donneurs de leçon qui mangeront langouste et caviar le weekend prochain sur leur yacht, que c’est la crise. De quelle crise parle-t-on ? La France dépense chaque jour plus de deux millions d’euros dans d’inutiles et imbéciles guerres en Libye ou en Afghanistan. Le budget militaire des Etats-Unis dépasse les 600 milliards de dollars. Mais, cette famine pour eux, ça vaut vingt millions de dollars ! Alors qu’ils  viennent de décider qu’ils peuvent s’octroyer 2100 milliards de dollars supplémentaires de dette. Or, l’Organisation des Nations-Unies réclame moins de deux milliards de dollars pour augmenter l’aide d’urgence à ces populations.

Alors, que valent douze millions d’êtres humains pour la nouvelle aristocratie mondiale dont les noms figurent au palmarès des plus grandes fortunes de la terre ? Les trois premières d’entre elles sur le podium de l’ultra-richesse disposent à elles seules d’un patrimoine plus élevé que la richesse totale des 50 pays les moins développés. Que valent alors ces douze millions d’êtres humains qui agonisent dans la suffocante chaleur africaine ? Certes, il y sévit la plus grande sécheresse depuis 60 ans. Mais comment peut-on aller sur la lune, explorer la planète Mars à la recherche de traces d’eau et être incapable de construire des usines de dessalement de l’eau de mer pour douze millions d’êtres humains ?

Cette famine n’est pas d’origine essentiellement technique. Elle prend sa source, comme les multiples maux qui minent désormais les équilibres et la vie sur notre planète, dans des décisions politiques au seul service de la finance. Oui, des décisions, des choix qui refusent de constituer des stocks publics mondiaux de céréales contre la spéculation sur les matières premières agricoles. Qui laissent des pays entiers mourir à petit feu pour satisfaire les institutions financières internationales qui se nourrissent de la dette de ces pays et de ses intérêts, sans pouvoir produire. Qui préconisent et organisent le libre-échangisme intégral et cette concurrence prétendument libre et totalement inégale et faussée, ces deux mamelles du capitalisme mondialisé. Ce système favorise l’agriculture des terres fertiles au détriment des terres moins riches et soumises aux aléas climatiques. Au nom d’on ne sait quelle écologie, il privilégie la production d’agro-carburants au détriment de cultures vivrières en Afrique pour alimenter demain les réservoirs de nos voitures. Il oblige des paysans d’Éthiopie ou du Kenya devenus esclaves modernes à produire des fleurs qui sont réexportées en Europe. Un système, le capitalisme mondialisé et financiarisé, incapable de concevoir que l’argent dilapidé dans la course aux armements et dans la guerre soit consacré à la recherche sur le climat, l’agronomie, l’eau ou les semences pour nourrir durablement une population mondiale qui va encore considérablement augmenter. Tout aussi incapable de concevoir un monde dans lequel l’eau, l’énergie et la production agricole seraient, comme l’air que l’on respire, des biens publics mondiaux, avec la possibilité pour chaque peuple de décréter les moyens de sa souveraineté alimentaire. L’urgence est l’aide à apporter. Saluons et félicitons les organisations de solidarité, les bénévoles qui se dévouent pour aider ces populations. En même temps, une réflexion sur l’avenir s’impose.

La crise de ce système et le niveau atteint par la civilisation appellent partout coopération et partage. Mais, la course à la rentabilité capitaliste s’y oppose. Parce qu’il s’agit d’enjeux planétaires, parce qu’il s’agit de chaque être humain, de son environnement, il faut sortir de cette loi de la jungle, de la concurrence de tous contre tous, au profit de la solidarité et de la coopération. Coopération entre équipes de chercheurs et partage des savoirs. Coopération, réorientation et partage des richesses ; nouvelle manière de produire celles-ci. Coopération internationale et droits des peuples à disposer de leur souveraineté économique, politique, énergétique, alimentaire ; droits des peuples à penser un autre avenir, plaçant l’humain au cœur de tous les choix et gérant ensemble par de nouvelles institutions démocratiques, la planète au service de tous et non plus pour l’argent de quelques-uns qui détruit tout et sème la misère, la pauvreté, la mort partout.

Le monde aujourd’hui a besoin de ce nouvel humanisme, de ce communisme de liberté, de solidarité et de partage à inventer, dans un processus démocratique inédit qui permette de redonner leur immense valeur humaine aux douze millions d’êtres humains qui agonisent dans la canicule africaine.

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0 commentaires


jc de seraing 4 août 2011 à 10 h 56 min

Le prix d’une vie…
Alors que pratiquement rien n’est fait pour essayer de sauver ces millions de personnes menacées par la famine en Somalie, depuis l’an 2000, 1150 milliards de dollars ont été dépensés par les Etats-Unis pour faire la guerre au terrorisme en Irak, en Afganistan et ailleurs. Ce terrorisme qui a provoqué la mort de près de 10000 personnes (ce qui n’est pas rien) soit 100.000.000 de dollars par victime. Donc on peut constater qu’il y a des bonnes victimes, celles du terrorisme et là on trouve tous les moyens nécessaires et de mauvaises victimes, celles de la faim dans le monde pour qui il n’y a rien. Il faut revoir la morale et l’humanitaire de cette foutue planète.

Canelle 4 août 2011 à 12 h 52 min

Votre coeur est grand Patrick pour parler de la sorte.

“Le monde aujourd’hui a besoin de ce nouvel humanisme, de ce communisme de liberté, de solidarité et de partage à inventer, dans un processus démocratique inédit qui permette de redonner leur immense valeur humaine aux douze millions d’êtres humains qui agonisent dans la canicule africaine.”

Nous faisons partie de ce monde, donnons l’exemple. Ils pensent malheureusement que l’argent peut tout faire (nous sommes dans le monde de l’argent), ils en ont oublié le coeur.
Mais n’avons nous pas, quelque part, commis les mêmes erreurs ?

L’homme est un être complexe, il faut comprendre comment il fonctionne, et je pense l’avoir compris ; eux, ils accumulent l’argent au point de ne même plus y faire attention et de le dépenser d’une mauvaise façon ; nous aussi nous accumulons, certains du linge, d’autres de la vaisselle, d’autres des souvenirs, etc…..
Tout le monde cherche à se protéger, tout le monde souhaite le meilleur pour ses enfants, nous fonctionnons tous pareils je crois.
Sauf que le passé a trop d’importance, nous n’en tirons pas toujours les bonnes leçons, nous ne pardonnons pas, nous n’oublions pas, nous n’avons pas pratiqué la RESILIENCE.

Quel est leur secret, de quoi ont-ils peur ? Le passé joue un très grand rôle dans l’histoire.
Nous devons les amener à comprendre que leur but, n’est pas le notre, que la façon dont ils imaginent le bonheur, n’est pas le bon.

Peut-être suis-je totalement dans l’erreur.

Anonyme 4 août 2011 à 13 h 42 min

QUEL EDITO!!!ca fait du bien de savoir que des voix s”élèvent contre l’injustice!!!

Anonyme 4 août 2011 à 15 h 08 min

Vous avez tout à fait raison,sincèrement ne croyez vous pas plus nécessaire de balayer devant nos propres portes??????????
Occupons nous de nos “travailleurs “et de nos anciens qui ont cotisés toute leur vie en France afin qu’ils puissent vivre et se soigner .
Avant 2007, l’enseignement dans les ecoles francaises à l’etranger pour les enfants de francais déplacés était financé par leur entreprise
maintenant c’est l’ etat francais( nous) qui payent. Un beau cadeaux pour ces multinationales (pas de TVA!!!)

QUE FONT CES MULTINATIONALES PETROLIFERES ARABES pour leurs frères,,,,??
, Continuent à faire les esclavagistes des temps modernes en achetant les joueurs, les clubs sportfs,les stades…..hotels…ET les POLITIQUES……aux lieus de construire des puits d’eau au lieu de pétrole
“Dire la vérité est utile à celui à qui on l’a dit, mais désanvatageux à ceux qui la disent parce qu’ils se font hair”. PASCAL;

Nicolas 4 août 2011 à 16 h 19 min

Combien ça vaut ? Beaucoup moins qu’une banque !

Sergio de Rosemont 4 août 2011 à 18 h 06 min

Bonjour Patrick, j’aime ce texte j’aime votre franc parlé au point qu’il m’arrive de mettre des extraits de vos textes avec les liens vers vos textes sur mes blogues afin de vous faire connaître au Québec, question que les québécois puissent connaitre votre franc parlé

Question aussi de faie connaitre votre blogue aux québécois.

J’en profite pour vous féliciter pour votre travail à l’Humanité

Bonne journée et continué votre excellent travail

Louis Horvath 4 août 2011 à 18 h 52 min

Il ne faut pas oublier – le problème ce n’est pas les gens riches (ils font pleinement partie du problème toutefois!) c’est la synergie humaine sur laquelle ils surfent … qui forme cette économie capitaliste. En d’autres mots nous sommes partiellement responsables car nous travaillons et suivons les recommandations des puissants de ce monde!
Cette folie s’arrête quand nous disons tous ensemble que c’en est assez.
Donner des miettes aux mourants n’est que relations publiques et rien d’autre.

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