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Le théâtre de la commune d’Aubervilliers fêtait en une belle et tendre soirée, son demi-siècle, le samedi 28 novembre dernier.
Une soirée chaleureuse où se retrouvaient des acteurs, le public, les élus municipaux et départementaux, avec la lecture de beaux textes de Gabriel Garran et de tous les directeurs successifs qui ont dit leur mot pour défendre ce lieu vivant et vibrant.
Lundi 7 décembre, après le sombre premier tour de l’élection des conseillers régionaux, le conseil municipal tenait une séance exceptionnelle sur le thème : « Théâtre de la commune, patrimoine vivant d’Aubervilliers ».
A cette occasion, le maire, Pascal Beaudet et notre maire-adjointe, Magali Chéret, après avoir retracé l’histoire du théâtre, nous appelaient à délibérer pour les autoriser à déposer des dossiers de subventions pour des financements d’avenir et le développement artistique et culturel de ce bien public si original à Aubervilliers.
La seconde délibération que nous adoptions était celle d’élever le co-fondateur de ce théâtre, Gabriel Garran au rang de citoyen d’honneur de la ville. Gabriel Garran est depuis toujours un militant et un animateur de la vie culturelle, un créateur, un écrivain, un poète. Son livre « Géographie française » est à mettre entre le maximum de mains. Homme d’une indescriptible gentillesse et d’une voix si douce qu’on l’entend répéter cette profession de foi : « La création artistique sur place, la conquête d’un public neuf et l’apport d’un public sans théâtre, d’un théâtre qui soit le sien ». C’est de la rencontre de cet ensemenceur de culture et d’un passionné de l’émancipation humaine et inébranlable défenseur de la diversité et de l’exception culturelle, Jack Ralite, alors en 1959 adjoint au maire d’Aubervilliers, le regretté André Karman, que naît le projet de théâtre de la commune. Autant d’efforts qui ont été poursuivis par Lucien Marest, devenu maire-adjoint à la culture par la suite.
Cela commence par la mise en place d’une école d’art dramatique, plongeant ses racines dans le terreau populaire de la ville. Se constitue alors un groupe de 88 jeunes travailleurs, étudiants, enseignants, animateurs qui se baptise « le groupe Firmin Gémier », du nom de cet acteur, metteur en scène, créateur du premier TNP. Commence alors la gestation d’une expérience originale avec le lancement, quatre années durant, du « Festival d’Aubervilliers », auquel auront participé jusqu’à 6000 spectateurs.
C’est de ce cheminement et de cet enracinement progressif que naît, le 20 janvier 1965, le théâtre de la commune, avec le soutien de la municipalité de l’époque.
Dans son intervention d’inauguration, Gabriel Garran fera ainsi mesurer le chemin parcouru : « Depuis plus de quatre années, sans tapage, ni goût du spectaculaire, se poursuit l’expérience d’Aubervilliers. (…) Ce théâtre que vous inaugurez en même temps que nous est le fruit d’une somme d’énergie, de travaux et de dépenses qui honorent grandement la ville d’Aubervilliers et la municipalité qui a entrepris sa construction. Cet investissement culturel représente un pari généreux sur l’avenir. En effet, décentraliser et démocratiser le théâtre, va de pair, comme il devrait aller de soi que le théâtre continue l’école, que l’éducation ne s’achève pas avec la scolarité. Apparemment, aussi peu rentable qu’un lycée, un dispensaire, un stade ou un musée, le théâtre, lieu de culture vivante, cessant d’être inaccessible deviendra familier. Il sera nécessaire ».
Lors de la soirée du 28 novembre, Jack Ralite entouré de tous les directeurs de ce théâtre depuis sa création : Gabriel Garran bien sûr, Alfredo Arias, Brigitte Jaques, Didier Bezace et Marie-José Malis, dira : « Bien sûr qu’il est un souvenir, un très grand souvenir ce théâtre, Gabriel Garran et le groupe Firmin Gémier ensemble, l’ont truellé, soutenu sans faille par la municipalité d’André Karman ».
Durant la soirée, chacune et chacun des directeurs nous fera vivre avec émotion ses souvenirs, ses combats, ses créations, ses audaces et l’actuelle directrice nous livra un véritable manifeste à l’endroit des responsables politiques. Elle y fit certes une critique des politiques culturelles, mais surtout -et c’est une innovation- elle clama que le monde de la culture était prêt à aider les responsables politiques à décider. Elle répondait ainsi à une partie de l’interpellation de Jack Ralite, qui appelle « à la subversion du déchiffrage des rêves contre le chiffrage de la gestion ».
Nous y sommes ! N’est-il pas temps, en ces temps si troublés, si envahis de cette couleur brune, de laisser plus de place aux écrivains, poètes, penseurs, philosophes, créateurs, auteurs, peintres, aux enseignants et professeurs dans l’espace public, à commencer par les grands médias.
C’est ce sur quoi insiste encore Jack Ralite, reprenant l’une de ses apostrophes lancée lors des Etats Généraux de la culture en 1987 : « Quand un peuple abandonne son imaginaire aux grandes affaires, il se condamne à des libertés précaires ».
Lors du conseil municipal, de ce lundi, où Gabriel Garran a été élevé au rang de citoyen d’honneur, le maire Pascal Beaudet a donné une signification profonde à cet acte. A la fois la reconnaissance de l’apport d’un créateur à sa ville et à la population, mais aussi l’engagement de poursuivre dans un moment nouveau, son œuvre. En ce sens, il va demander les aides publiques indispensables aux travaux nécessaires d’adaptation. Les conseils départementaux, régionaux, l’Etat sont sollicités. Mériem Derkaoui, première vice-présidente du conseil départemental s’est déjà engagée dans ce sens.
Plus que jamais, l’engagement continue aux côtés des créateurs, des auteurs et metteurs en scène qui aident à imaginer, à penser le monde, au moment même où, de toutes parts la pensée, la réflexion, sont noyées dans la machine de l’information continue ou encore des sériés télévisées où ne cheminent que policiers, juges et criminels, dans un fatras de mise en scène à vous abrutir, des flots de questions télévisuelles où l’interlocuteur n’a jamais le temps de répondre que par courtes vociférations et petites phrases, loin de la complexité de l’analysé, du temps de la réflexion, loin de la complexité du monde.
C’est d’ailleurs comme un programme qu’a énoncé Jack Ralite en demandant de bannir les mots qu’il dit « canailles » : « impossible, immobile, renoncement, achevé ». Comme en écho, Gabriel Garran avait lancé il y a quelques années : « Il n’y a pas de fatalité propre à la banlieue ».
Ces initiatives le démontrent. Alors au théâtre !
1 commentaire
Oui Patrick : VIVE La Commune .
Une des seules communes gagnées , et combien de pertes , St Ouen ….
En 1871 la BdF aux mains de la Commune a faiblit pour ne pas donner toute l’ assistance financière à l’ Hôtel de Ville , mais un max à ceux de Versailles , les réactionnaires .
Dès que tu faiblis …ou manques d’ analyses ” ils ” te massacrent .
En 2015 et suivantes Aubervilliers un grand lieu de Résistance .