Au pied du mur de leurs contradictions

le 6 mai 2025

Une fois encore, derrière son doctoral pupitre, d’un air aussi sérieux que sombre, le Premier ministre a tenu une conférence de presse pour faire tourner sa machine à déplacer les problèmes.

Cette fois, le primat du « dire » ministériel s’écoule sur les déserts médicaux. Quelques jours avant, au même pupitre, avec le même ton professoral, ce même Premier ministre, comme beaucoup de ses prédécesseurs, a expliqué qu’il fallait encore réduire les crédits publics et sociaux de 40 milliards d’euros dans le prochain budget. Alors que sur la tablette de ce pupitre, n’avait pas eu le temps de sécher, l’encre des feuilles de papier où était écrit quelques semaines plus tôt que nous entrions dans une « économie de guerre » et que pour cela, on allait trouver de l’argent. Beaucoup d’argent.

Il y a donc « une économie de guerre » mais pas d’économie de la santé. Pas d’économie de l’éducation et de la formation non plus. Pour ces fétichistes de la marchandise capitaliste, la santé est une « dépense » un « coût » et non un investissement ou une « production de soins ». Pour cela, il n’y a pas d’argent. Alors, le Premier ministre et la clique de sa minorité politique ont découvert une improbable solution. Demander aux médecins installés d’aller deux jours par mois travailler dans un désert médical. Autrement dit, il propose que deux jours par mois, on bouche quelque part, un trou pour en ouvrir un autre ailleurs, là où le médecin, « déplacé » exerce. On se tordrait de rire si cette douloureuse et triste situation ne touchait pas six millions de familles populaires privées de médecins généralistes.

Voici le nouveau cache-misère inventé par ces illusionnistes amateurs pour ne pas s’attaquer à la vraie question : sortir de l’austérité et cesser cette folle campagne autour des « insupportables prélèvements sociaux ».

Propagande destinée à préparer la généralisation de la domination des assurances privées sur les vies humaines. Vouloir installer un médecin dans une zone en sous-densité médicale impliquerait d’imaginer une nouvelle cohérence politique incluant hôpitaux de proximité, infirmiers supplémentaires, logements, transports, écoles publiques, activités culturelles. Le désert médical est d’abord un désert social. Mais le Premier ministre continue de cultiver « l’abus du vide ». Voilà qu’il nous jette à la figure, un dimanche matin en une d’un journal d’extrême droite, l’idée d’un référendum pour nous faire accepter un budget d’austérité. Mettons-le au défi !

De même, lorsque la santé mentale devient un sérieux enjeu, les beaux parleurs gouvernementaux répondent « détecteurs de métaux » à l’entrée des écoles. Dans un contexte où les mandataires du capital n’ont de cesse de réduire le nombre et les moyens des producteurs d’humanité, l’unité populaire doit porter l’urgence de former et de recruter enseignants, éducateurs, médecins scolaires, accompagnateurs pour les études, psychologues et psychiatres. On aurait bien tort de se laisser une fois encore bercer par la subite initiative du président de la République, qui, après des jours de matraquage selon lequel les parents irresponsables n’envoient pas leurs enfants  les lendemains du 1er et du 8 mai, tente de couvrir les enjeux liés aux manques d’enseignants, aux contenus pédagogiques, à la sélection les problèmes en organisant une conférence citoyenne sur les… dates des vacances.  

Les mêmes qui prétendent vouloir accueillir les scientifiques étrangers, viennent d’acter au journal officiel, une nouvelle réduction des crédits de recherche-enseignement supérieur et pour les mobilités et de développement durable de 3 milliards d’euros.

Ils font mine de s’opposer à Trump qui mène la danse commerciale et le capital européen par le bout du nez. Mais en guise de résistance au matamore de la Maison blanche, il lui propose d’acheter plus de soja et de gaz naturel liquéfié. Ils se soumettent en achetant des produits qui feront encore plus de mal au climat et à la biodiversité.

Leurs beaux discours sur la souveraineté, ou sur la ré-industrialisation s’évaporent dans les larmes d’angoisses et de souffrances d’une classe ouvrière méprisée, utilisée comme fantassins des guerres économiques du capital industriel et financier international qui regorge de profits, d’actions, de dividendes, de réductions fiscales et d’aides de toute sorte. Doliprane est vendu à un fond américain par Sanofi. Vencorex est laissé à une firme chinoise. Après avoir empoché diverses aides publiques pour l’investissement, l’énergie, l’apprentissage, des crédits d’impôt recherche et des crédits européens, Arcelor Mittal ferme de nouveaux hauts fourneaux et détruit du travail vivant.  Il licencie aussi vite, qu’il a transféré vers le vorace grand capital  des dizaines de millions de dividendes et racheté par milliards ses propres actions.

Le fumeux « ruissellement macroniste » alimente une violente saignée industrielle avec un plan de réduction de 1000 emplois à ST Electronics qui a d’abord empoché près de 3 milliards d’euros d’aides publiques et versé des millions de dividendes à ses actionnaires rapaces sous l’œil bienveillant de l’État actionnaire contrôlant 14 % du capital. Comme quoi, il ne suffit pas que l’État, quand il est béquille du capital, soit actionnaire. Par contre, se pose ici et ailleurs un enjeu humain majeur : celui de substituer la souveraineté des travailleurs à la souveraineté des actionnaires. Ceux-ci n’auront que faire de nos protestations, de nos défilés, de nos solutions tant que nous ne nous rendons pas propriétaires de l’outil de production. Celui-ci a d’ailleurs déjà été payé à la sueur des travailleurs, par les impôts directs et indirects versés sous forme d’aides publiques, ce que les vulgarisateurs de la barbarie capitaliste nomment pudiquement « allègements de charges ». Celles-là mêmes qui provoquent les déserts médicaux, la pénurie des moyens pour l’école, pour la recherche et l’université, pour l’entretien des routes, des ponts et des réseaux d’électricité…

Le mot d’ordre sarko-macro-bayrouiste et de l’extrême droite du « travailler plus » est un paravent posé devant nos yeux pour cacher l’obligation aux salariés de fournir toujours plus de travail gratuit au grand capital.

Le tableau est limpide. Alors que la part de la rémunération des salariés, constituée des salaires nets, des cotisations salariales et employeurs, rapportée à la valeur ajoutée était de 73,8 % en 1981, elle est de 64,9% en 2023.

Dans le même temps, au cours des trente dernières années, la part des dividendes nets des sociétés non-financière est passée de 2,6 % en 1993 à 5,5 % en 2023.

En 2003, les grands groupes cotés en bourse (CAC 40) distribuaient 20 milliards d’euros à leurs actionnaires, vingt ans plus tard, ils en donnent cinq fois, soit aux environ de 100 milliards d’euros en 2024.

L’amplification par E. Macron de la fameuse politique de l’offre visant essentiellement à abaisser les cotisations sociales des employeurs avec la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) a accéléré une nouvelle phase de baisse de la part de la valeur ajoutée revenant aux salariés. De 68,2 % en 2018, elle est descendue à 64,9 % en 2023. Après cela, les princes qui nous soumettent au talon de fer du capitalisme financier organisent des conférences de presse sur « la dette » de l’État, les difficultés de la sécurité sociale, et la nécessité de travailler plus. Et les médias organisent des micros-trottoirs pour faire croire que c’est l’opinion majoritaire alors que les souffrances tenaillent les corps, et assèchent les comptes en banque des familles populaires.

Il convient donc de subvertir l’argumentaire néo-libéral et d’entraver son néfaste programme.

Si les citoyens-travailleurs, les salariés des banques, prenaient la main sur la création monétaire, il n’y aurait pas de dettes, ni de taux d’intérêts exorbitants constituant la rente prélevée par les institutions financières qui dépossèdent les citoyens des biens communs nationaux et européens.

Il est urgent de faire front commun. Contre la déshumanisation en marche. Il est temps de mettre les pouvoirs et tous ceux qui les soutiennent au pied du mur de leurs contradictions pour diriger les combats contre le grand capital spoliateur. Il est urgent de ne pas se laisser infuser le venin des polémiques stériles qui désarment le monde du travail et de la création. L’essentiel doit être le combat contre la marchandisation généralisée de l’humain, contre la prolifération du nombre de « sans droit », « sans travail », « sans toit », « sans papiers », « sans avenir ».

L’heure est à une repensée générale pour dépasser le capitalisme qui marchandise tout, de la petite enfance à la vieillesse, les corps, l’eau, la nature et l’alimentation, les sols, la terre et les fonds marins…

Le capitalisme tue. Il est face au mur de ses contradictions avec les scandales des EHPAD, des crèches, de l’eau en bouteille, de l’enseignement privé, de produits alimentaires pollués par la chimie, deux morts au travail chaque jour. Cette marchandisation capitaliste remodèle les territoires urbains comme la ruralité. Le marché capitaliste agit comme une vénéneuse et gigantesque bactérie mangeuse des relations sociales, de l’espace public et informationnel. Ce système organise méthodiquement la baisse tendancielle de toutes les valeurs humaines et le saccage des ressources naturelles.

Nous ne pouvons accepter d’être au seuil tragique d’un monde où l’être humain et le vivant ne valent plus rien. F. Hollande a vu des « sans dents », E. Macron « ceux qui  ne sont rien ». L’ouvrier de Dunkerque, comme la salariée de Jennyfer, le technicien de STMicroelectronics, la caissière de C&A, le chercheur travaillant pour Doliprane ou pour Vencorex et l’étudiant en médecine ne sont pour le capitalisme que des individus jetables au gré des promesses de rentabilité.

Cette dictature du rentable et des dividendes conspire à la mort de l’humanité et aux dérèglements planétaires. Dans ces interstices, les extrêmes droites tissent la toile du « retour à l’ordre » et du repli identitaire.

Nous devons répondre : émancipation.

Poussons-les contre le mur de leurs contradictions pour construire sans attendre un nouveau projet civilisationnel. C’est de notre humanité dont il s’agit.

Patrick Le Hyaric

5 mai 2025


1 commentaire


Guiheu 6 mai 2025 à 10 h 00 min

Merci Patrick de cette super reprise des actes délictueux du macronisme le plus odieux .
Leur inspiration capitaliste comme tu le décris si bien est une machine a tuer l’homme et son environnement.
Une seule issue l’union de tous contre cette machine infernale !

Laisser un commentaire

Commentaire

Nom *

Les champs marqués * sont obligatoires

Email *

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.

Restez en contact

Inscrivez-vous à la newsletter