À Valence, ce n’est pas la malchance

le 5 novembre 2024

On enrage face aux images qui nous parviennent d’Espagne montrant l’étendue de la catastrophe qui frappe Valence.

On enrage face à ces paysages d’apocalypse où l’eau et la boue règnent en maître. En quelques heures, la valeur d’une année de pluie s’est abattue sur la région. Des inondations monstres emportant et entassant ensemble dans un paysage de guerre, des voitures par centaines, le mobilier urbain enchevêtré de troncs d’arbres, de meubles et de déchets.

Comme une furie, l’eau s’est déchainée pour arracher, éventrer, déborder, déstructurer, rompre tout sur son passage et apporter la mort dans les foyers, les rues, les immeubles et les maisons.

On enrage quand on sait que de nombreux morts et disparitions auraient pu être évitées si les autorités locales avaient déclenché plus tôt les dispositifs d’alerte et de prévention. Nous partageons aujourd’hui le deuil, la tristesse et la colère des citoyens de la région de Valence. Personne n’est à l’abri. Des régions et des départements viennent d’en faire la dramatique expérience ces dernières semaines.

On enrage de savoir que ces drames surviennent après une longue liste d’inondations et de catastrophes aux quatre coins du globe. Les bouleversements climatiques montrent là leur duplicité : canicules écrasantes et pluies torrentielles.

On enrage au souvenir des irresponsables propos d’un ancien président de La république s’exclamant : « l’écologie ça commence à bien faire ». Et à quoi ressemble l’âme et le cœur de cet  ancien ministre de l’intérieur qualifiant des manifestants pour l’environnement « d’éco-terroristes ».

On enrage. Alors que l’année n’est pas terminée, dix grands événements climatiques meurtriers l’ont déjà ponctués et ont tués au moins 570 000 personnes sur la planète. Un monstrueux défilé de 11778 catastrophes se sont abattues sur notre Terre entre 1970 et 2021. Elles ont fait deux millions de morts et occasionné 4300 milliards de dollars de perte. Et, tous les centres de recherches scientifiques et météorologiques alertent sur la succession de typhons, d’ouragans, de pluies torrentielles de plus en plus intenses pour les années à venir. Combien de morts au bout de ces rages de la météo ? Combien de maisons et de quartiers détruits, combien de torrents de boue dévalant les pentes des champs ? Combien d’animaux perdus, noyés et sans nourriture ? Allons-nous laisser faire cela ? Qui pourra dire qu’on ne pouvait pas prévoir ?

On enrage de savoir qu’en France, depuis des décennies, des mal-nommés « responsables » politiques font tout pour assouplir les zonages des plans de prévention des risques et veulent jeter par-dessus bord la loi contre l’artificialisation des sols  

On enrage de ces décennies d’incurie politique servant si bien les magnats des énergies fossiles. On enrage de ces décennies d’inaction climatique durant lesquelles l’organisation de colloques, de forums ou de conférences mondiales, l’écriture de « feuille de route » et de « plan »  pour le climat ou la biodiversité est proportionnelle à la succession de catastrophes de plus en plus destructrices.

Disons-le haut et fort, il en est ainsi parce qu’une part essentielle du carburant du capitalisme mondialisé sont les énergies fossiles. Elles sont au centre de la guerre économique intra-capitaliste et des guerres militaires.

Elles sont dans les voitures et les camions, les produits chimiques et les engrais, les bouteilles plastiques, les vêtements et le bitume de nos routes. Elles brûlent dans des centrales thermiques pour fabriquer de l’électricité. Elles sont partie intégrante d’un mode de production qui nous mène à l’abîme.

Refuser d’en changer confine au crime contre l’humanité. Heureusement que les mouvements de jeunesse pour le climat et la biodiversité alertent, interpellent, protestent, manifestent. Au lieu de suivre le grand jeu du média-business qui les insultent, un révolutionnaire se doit d’être de leur côté. Ils sont le cri d’espoir pour notre terre commune.

Ces jeunes femmes et ces jeunes hommes ne sont pas seuls. Il y a quelques semaines, les scientifiques sonnaient à nouveau le tocsin : Les prévisions déjà inquiétantes, alertent-ils, du réchauffement climatique vont être largement dépassées. Face à de tels scénarios catastrophes, on ne peut laisser les gouvernements palabrer dans notre dos sur la réduction des déficits pour mieux imposer des corsets d’austérité quand la dette écologique s’envole.

À Valence comme ailleurs, il n’y a aucune fatalité, aucune malchance mais une violente rébellion d’une nature, d’un climat déréglé par un système qui méprise autant les êtres humains que la nature.

Pour ne pas être remis en cause, la créativité langagière des  suppôts du capitalisme est sans limite. Alors, nous voici, selon eux, au temps de « l’adaptation » aux changements climatiques. Qu’il faille des dispositifs d’urgence pour protéger les populations, personne ne le conteste. Encore faut-il bien voir que l’austérité budgétaire est antinomique avec cette fameuse « adaptation ».

Encore faudrait-il, que cette prétendue adaptation, ne soit pas basée sur la responsabilité individuelle et la culpabilité pendant qu’on laisse libre court à la « flexibilité du marché ». Il n’est pas possible de faire face aux situations extrêmes sans la valorisation d’un État social garant d’un service public de protection contre les événements climatiques et répondant aux urgences climatiques dans les champs du travail, du logement ou de l’urbanisme et pour faire vivre la justice sociale.

Mais ; se satisfaire de la propagande des grands États capitalistes vantant les leurres de « l’adaptation » revient à laisser s’avancer l’apocalypse.

Il en est du climat comme des êtres humains sous le joug du capital. On demande aux travailleurs de s’adapter à la «  conjoncture », c’est-à-dire d’accepter leur exploitation.

On appelle les « peuples du sud » à augmenter leurs « capacités adaptatives » aux désastres en cours en créant des « fonds » comme on concède des aumônes pour ne jamais percer les responsabilités des milieux d’affaires et des oligopoles mondiaux du pétrole.

Il conviendrait d’aider financièrement les pays du Sud et de procéder à des transferts de technologie pour la bifurcation écologique, de partager des connaissances et des recherches avec des équipes communes. Mais aujourd’hui, il s’agit de jeter quelques miettes aux pays qui subissent les bouleversements climatiques engendrées par les nations les plus puissantes pour qu’ils « s’adaptent » et se taisent sur la responsabilité des pays du Nord et de leur système, dans les désordres actuels.

L’adaptation n’est pas une politique d’atténuation ou de réparation. Loin s’en faut !

Elle camoufle le véritable moteur des bouleversements climatique : 90% des rejets mondiaux de gaz carbonique sont provoqué par la combustion de charbon, de pétrole et de gaz.

Mesurons l’ampleur de la question ! Le 28 octobre dernier, l’ONU-Climat qui a évalué les actuels plans climatiques des différents États à travers le globe à donner ces chiffres qui ne laissent pas d’inquiéter : La réduction des émissions de gaz à effet de serre ne diminuera que de 2,6 % d’ici à 2030, alors qu’elles doivent baisser de 43% pour rester sous la barre des + 1,5 °C de réchauffement fixé par les conférences climat.

Encore plus effarant ! Les Émirats arabes unis, qui ont organisé la Conférence climat l’an dernier, l’Azerbaïdjan qui, l’organise cette année, et le Brésil, qui accueillera la COP 30, envisagent à eux trois d’augmenter de 30% leur production de pétrole et de gaz.

Les grandes firmes capitalistes, les grandes banques mondiales et les fonds souverains qui les financent continuent donc de tourner le dos à l’intérêt général humain et environnemental. Les mises en commun, les solidarités et la démocratie et, au bout du compte, l’humanité leur est totalement étrangère.

Nous sommes donc bien à la croisée des chemins : soit la poursuite de ces régressions qui mènent aux choix autoritaires, aux chaos, aux guerres sans fin ; soit un vital bond historique à partir de l’unité et l’association des travailleurs et des peuples inventant les voies d’un dépassement-abolition du capitalisme par et pour la démocratie véritable.

Contre l’invocation de la fatalité, contre l’impuissance qui enferme tout raisonnement à l’intérieur du capitalisme, il convient de mener le débat sur un processus communiste des vivants tournants le dos à l’exploitation sans fin du travail et à l’appropriation gratuite par les forces du capital des ressources naturelles. À Valence ce n’est pas la malchance. Au chaos opposons la « réalisation de l’humanité ».

Patrick Le Hyaric

5 novembre 2024

 * COP

[pour Conférence of the Parties ou Conférence des États signataires –
ndlr]

. Depuis le sommet de Rio en 1992, sous mandat de l’ONU existe, la convention climat, la convention biodiversité et la convention biodiversification.


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