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En tant que membre de la commission agriculture du Parlement européen, je ne pouvais pas rester inactif devant la crise sans précédent qui affecte les producteurs de fruits et légumes de notre pays. La semaine dernière, en m’entretenant sur le terrain, avec les paysans du Lot-et-Garonne, et en écoutant leurs revendications, j’ai décidé de m’adresser au Premier Ministre et au Ministre de l’Agriculture sans attendre. Voici les copies de ces courriers :
Monsieur le Premier Ministre,
A l’invitation du syndicat agricole, le MODEF, je me suis rendu ce mercredi 12 août dans le département du Lot et Garonne pour mieux me rendre compte de la situation des agriculteurs. Il est de mon devoir de vous alerter sur la situation économique dramatique que vivent les producteurs de fruits et légumes, comme désormais ceux et celles d’autres productions. L’ampleur de la crise générale de l’agriculture a atteint un niveau rare dans notre histoire.
Votre gouvernement doit d’urgence prendre la mesure du drame humain qui se joue actuellement dans nos campagnes. J’en ai rendu compte par courrier à Monsieur le Ministre de l’agriculture, de l’alimentation et de la pêche.
Celui-ci a annoncé une aide compensatoire de 15 millions d’euros. Cette somme est notoirement insuffisante au regard de l’étendue du désastre actuel. Elle est d’autant plus incompréhensible au regard des réductions d’impôt qui avoisinent les 460 millions d’euros dont bénéficient en ce moment même quelques milliers de fortunes en vertu du « bouclier fiscal ».
Les banques rechignent à accorder des délais de paiement ou des renégociations d’emprunts aux agriculteurs, alors que l’Etat les a largement abondés cet hiver. Quelles initiatives nouvelles comptez-vous prendre pour que le secteur bancaire joue son rôle de mission publique au service des hommes et des territoires ?
D’autres dispositions doivent être étudiées d’urgence. Ainsi, la loi de modernisation de l’économie place les producteurs agricoles en situation de faiblesse face aux grandes centrales d’achat qui multiplient les prix de vente aux consommateurs de manière exorbitante, tout en pressurant les producteurs. Vous avez le pouvoir de déclencher le mécanisme du coefficient multiplicateur limité. De même, il est de votre devoir d’explorer avec la Commission européenne, la possibilité de déclencher le mécanisme de la « clause de sauvegarde ».
On ne peut se cacher, non plus, que la pression sur le pouvoir d’achat des salariés a des conséquences néfastes sur la consommation de fruits et légumes.
Enfin, votre gouvernement doit refuser de répondre à la sommation de la Commission européenne à faire payer jusqu’à 500 millions d’euros aux groupements de producteurs qui auraient bénéficié de certaines aides entre 1992 et 2002, pour faire face à des crises de mévente ou à des intempéries.
Dans ces conditions, je vous saurai gré, Monsieur le Premier ministre, de réunir une table ronde de travail, associant syndicats agricoles, organisations de producteurs, négociants et grande distribution, associations de consommateurs, pour dégager d’urgence des dispositions permettant de contrer le marasme actuel dans le secteur des fruits et légumes.
Souhaitant que vous ne restiez pas inactif face au drame humain qui se joue,
Recevez, Monsieur le Premier ministre, l’expression de ma haute considération.
Patrick LE HYARIC
Député au Parlement européen
Monsieur le Ministre,
Quelques jours après votre passage en Lot et Garonne, je me suis rendu auprès des producteurs de fruits et légumes de la région de Marmande, ce mercredi 12 août, à l’invitation du syndicat agricole, le MODEF.
J’y ai trouvé une situation bien plus grave que je ne le pensais moi-même. Tous les cours à la production sont très en deçà des coûts de revient. Il n’y a pas de mot susceptible aujourd’hui pour décrire correctement le véritable drame que vivent ces agriculteurs qui ont pourtant construit et mis en valeur le jardin de la France.
Le gouvernement ne peut rester plus longtemps inactif face à la gravité de la situation. Certes vous avez annoncé une aide de 15 millions d’euros sous forme de report de cotisations sociales et de report de crédits. Cette somme est notoirement insuffisante. Ces travailleurs de la terre qui travaillent dur, à perte, sont d’autant plus humiliés qu’ils savent que le gouvernement a dépensé d’énormes sommes d’argent public pour soutenir le secteur bancaire qui reverse aujourd’hui de confortables bonus à des traders, ou encore le fait que le bouclier fiscal permette à quelques 13 000 foyers les plus riches de bénéficier d’un cadeau royal de 458 millions d’euros d’exonération d’impôt.
Il y a urgence à réagir vivement, Monsieur le Ministre ! Il est indispensable d’évaluer correctement les pertes que subissent les producteurs de fruits et de légumes et de dégager en urgence les moyens financiers leur permettant de passer les prochaines semaines pour certains d’entre eux, les prochains mois pour beaucoup. Au-delà, il est indispensable de revenir à des mesures de fond :
a) Dans une situation dite de « crise manifeste » comme celle-ci le gouvernement doit déclencher le mécanisme dit du « coefficient multiplicateur » qui interdit aux grandes surfaces de multiplier les prix à la production par 2,5, 3, voir 7 comme cela a été constaté pour certains produits.
b) Cet état de « crise manifeste » donne le droit à la France de déclencher la « clause de sauvegarde » pour défendre ses productions et ses producteurs. Cela permettrait de discuter avec nos partenaires européens d’un blocage temporaire des importations non indispensables et d’obtenir de la Commission européenne des dispositions d’accompagnement pour traiter les surplus européens s’il en existe.
c) La loi de modernisation de l’économie doit être modifiée de telle sorte que la grande distribution ne soit pas seule à décider des prix du marché, qui n’ont rien à voir avec la rémunération du travail et des investissements.
d) Le gouvernement doit agir auprès de la Commission européenne pour faire mettre en place une contribution sociale de solidarité taxant les importations extra communautaires dont une partie des recettes servirait à améliorer les droits sociaux dans les pays d’où nous importons et pour des harmonisations sociales et écologiques vers le haut dans l’Union européenne.
e) Enfin, Monsieur le Ministre, les agriculteurs sont outrés par l’injonction de la Commission européenne demandant le remboursement d’au moins 500 millions d’aides entre la période de 1992 à 2002. Nous vous demandons de résister avec énergie à cette inadmissible sommation et de refuser de payer.
Telles sont, Monsieur le Ministre, les actions d’urgence qu’il conviendrait de mettre en débat. La France doit conserver son agriculture et ses producteurs. Il en va de l’intérêt général.
Je sais que des réunions techniques de travail se déroulent depuis plusieurs jours avec votre ministère. Mais, l’essentiel réside dans de nouvelles orientations politiques que nous souhaitons que vous puissiez impulser. Et il y a urgence !
Afin d’en discuter avec vous, je sollicite rapidement un rendez-vous de travail où je pourrais vous exposer encore plus précisément ce que ce déplacement en Lot et Garonne m’a montré du drame humain que vivent en ce moment les agriculteurs.
Certain que ce courrier retiendra toute votre attention,
Recevez, Monsieur le Ministre, l’expression de ma haute considération.
Patrick LE HYARIC
Député au Parlement européen