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Il a été fait grand bruit, il y a quelque temps, sur le sort de quelques capitalistes auto-baptisés « les pigeons », à qui le gouvernement avait cédé en quelques heures. Et il ne se passe pas de jour sans que l’on entende ces gémissements d’un grand patronat réclamant, d’un côté moins « d’Etat » et tendant de l’autre une large sébile à ce même Etat, que le gouvernement remplit au seau, sans aucune contrepartie pour le bien commun. Par contre, les angoisses, les souffrances, de celles et ceux qui depuis plusieurs jours font la queue devant les centres des impôts, se voient étouffées sous d’épais draps médiatiques. Comme s’ils ne comptaient pas.
Comme si le pouvoir actuel avait décidé de leur infliger une double peine. Payez plus d’impôts mais vous aurez moins de services publics. L’exact contraire des idéaux du socialisme et même de la social-démocratie. Qu’on ne me dise pas que j’exagère !
Je me suis rendu pour le vérifier, en fin de semaine dernière, au centre des impôts d’Aubervilliers en Seine-Saint-Denis. Là, une cinquantaine de personnes attendaient d’être reçues parce qu’elles ne pourraient pas payer ce que leur réclamait l’administration fiscale. Comme une coïncidence, à quatre cents mètres delà, on ferme un bureau de poste au service d’une cité de dix-mille habitants et au même moment, devant la mairie, près de quatre cents enseignants et parents d’élèves protestaient dans un rassemblement sur le manque de moyens pour la mise en place de la réforme des rythmes scolaires.
Dans la file de contribuables, j’ai pris le temps d’écouter chacune et chacun. Les ministres et le Président de la République seraient bien inspirés de faire la même chose. Maria, 80 ans, dit : « ne pas comprendre ce qui se passe ». Ses impôts ont été multipliés par cinq. On lui réclame 600 euros. Pierre, 23 ans, employé communal, gagne moins de 1200 euros par mois et voit son prélèvement mensuel qui était de 60 euros passer à 128 euros. Sadia, la quarantaine, salariée de la fonction publique, élève seule ses deux enfants : « J’ai cinq cents euros de plus à payer, alors que je n’ai pas gagné plus. En plus je ne vais pas avoir l’APL et le prix de la cantine des enfants va augmenter car j’ai changé de tranche ». Nabil, jeune infirmière a dû prendre sa matinée pour venir : « Je paye mille euros d’impôt en plus par rapport à l’an dernier. Mes revenus n’ont pas variés et du coup je ne peux pas tout payer en une fois, c’est pour cette raison que je viens négocier un étalement ». Habiba, 55 ans est désespérée : « L’année dernière je n’ai rien payé et cette année, je paye 1500 euros. Mes revenus n’ont absolument pas bougé, simplement l’an dernier ma fille était encore à ma charge, ce qui n’est plus le cas ». Marguerite, 81 ans, ancienne ouvrière, n’a jamais payé d’impôt tant ses revenus étaient bas. On lui réclame 232 euros, à quoi s’ajouteront la redevance télévision, la taxe d’habitation et bien d’autres choses encore dont jusqu’ici elle était exonérée. Dans quelques semaines, ce sera au tour de la TVA, l’impôt indirect le plus injuste, d’augmenter une nouvelle fois.
Quand va-t-on prendre en compte le cri sourd de ces citoyens qui reçoivent la feuille d’impôt comme un coup de massue ? Ils ne protestent pas contre le fait de payer leur contribution à la collectivité. Ils enragent de l’injustice fiscale. A l’élection présidentielle comme à celle des députés, ils ont voté à gauche. Aujourd’hui, toutes et tous disent : « on n’a pas voté pour ça ». Beaucoup d’entre eux avait entendu cette phrase du candidat Hollande le 22 janvier 2012, lors de son grand discours au Bourget : « Seule la justice doit guider notre action. C’est pourquoi j’engagerai, avec le Parlement, la réforme fiscale dont notre pays a besoin. (…) C’est pour la justice que je veux que les revenus du capital soient taxés comme ceux du travail. Qui peut trouver normal qu’on gagne plus d’argent en dormant qu’en travaillant ? »
Aujourd’hui l’argent prélevé sur les plus modestes sert à remplir le puits creusé par les vingt milliards offerts aux grandes entreprises derrière le vocable de « crédit d’impôt compétitivité » qui n’a aucun effet positif sur l’emploi et pousse à l’abaissement des salaires. Et la promesse faite de l’exonération des entreprises du paiement de leur part de la branche famille de la sécurité sociale sera compensée par des prélèvements sur les familles.
Certes, une part des augmentations d’impôts que subissent nos concitoyens provient d’une décision du gouvernement Fillon qui en douce, avait décidé de geler le barème de l’impôt sur le revenu. A l’époque, au Parlement, toute la gauche avait dénoncé cette manœuvre. Elu, le nouveau pouvoir l’a maintenu pour se soumettre aux ordres bruxellois à partir de la fable de l’équilibre des comptes publics. Or, plus on paie d’impôts et moins les comptes sont équilibrés.
Le projet de loi de finance pour l’année 2014, tout en augmentant les prélèvements, part lui-même du principe que la dette publique augmentera encore, passant de 93,4% des richesses produites cette année à 95,1% l’année prochaine. Autrement dit, plus les foyers modestes paient, plus on réduit leurs services publics, plus les déficits et la dette augmentent. Il en est ainsi dans toute l’Europe. La dette publique européenne qui était de 88% des richesses produites, il y a un an, atteint désormais 92,2%. Facile à comprendre ! La compression des salaires et les ponctions sur le travail pour alimenter toujours plus le capital, compriment la demande, donc l’activité économique, ce qui produit moins de recettes. La diminution de la dépense publique, notamment les ponctions sur les dotations des collectivités locales qui, du coup, ne font pas les travaux qu’elles avaient prévus, réduisent l’investissement, l’activité, l’emploi donc les recettes fiscales. Les choix actuels, favorables au capitalisme financier le plus brutal, aboutissent donc à contracter les recettes fiscales. Pour compenser cette perte, le gouvernement réduit les dépenses publiques d’intérêt général et augmente la ponction fiscale jusqu’à l’étendre à ceux qui, jusqu’ici, en étaient exclus, faute de ressources suffisantes. Véritable cercle vicieux qui loin de les réduire ne fait qu’aggraver des déficits sur lesquels les rapaces de la finance s’engraissent sans cesse, grâce aux intérêts qu’ils perçoivent sur le service de la dette, alors que les milieux industriels et d’affaires se voient octroyés toujours plus de cadeaux fiscaux et sociaux.
Le « pacte fiscal » construit au fil du temps, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, était certes loin de la perfection, mais il est en train de se déchirer violemment. L’impôt progressif sur le revenu est affaibli au détriment des plus modestes. A ceci s’ajoute la TVA qui représente une ponction de 11,5% des revenus des citoyens les moins riches, alors qu’elle ne pèse que de 5,9% de celui des plus riches. Avec la droite, l’ajout du bouclier fiscal aux multiples allègements sur le capital, a fait perdre à l’Etat 100 milliards d’euros de recettes fiscales. Et aujourd’hui, devenue l’opposition, elle ne trouve rien d’autre à proposer qu’une violente saignée contre les services publics, tout en dénonçant l’absence de moyens pour la sécurité ou encore pour la mise en oeuvre de la réforme des rythmes scolaires ! L’effort demandé ne sert pas à financer des dépenses nouvelles mais à alimenter des cadeaux aux entreprises et à payer des intérêts. Et ceci pourrait être encore pire puisque le Haut conseil des finances publiques, émanation du traité budgétaire européen voté il y a un an, vient de demander au gouvernement de faire plus encore. De tels choix doivent cesser tant ils sont tout à la fois injustes et inefficaces.
A l’opposé de l’orthodoxie ultralibérale que met en œuvre le gouvernement, il est nécessaire d’impulser une réflexion et un débat public sur les dépenses publiques et sociales utiles qu’il convient de promouvoir et un autre système de crédit public contre la croissance financière et pour le développement social et humain.
Nous appelons les parlementaires de gauche et écologistes à respecter les attentes de leurs électeurs en modifiant profondément les projets de budget de la Nation 2014 et de la Sécurité sociale. C’est le moyen de se donner des marges économiques pour un nouveau type de relance économique, sociale et écologique. Le gouvernement aurait le soutien populaire s’il décidait de procéder à un premier audit public sur l’efficacité sociale, c’est-à-dire sur la création d’emplois, générée par les deux cent milliards d’aides publiques aux grandes entreprises. Un second audit portant sur les origines et la nature de la dette publique permettrait de décider de modalités de son remboursement qui préservent le développement et la modernisation des services publics et des actions de relance. En même temps, notre pays doit se doter des moyens indispensables pour rapatrier les dizaines de milliards cachés dans l’évasion fiscale.
D’urgence, d’une manière ou d’une autre, le gouvernement se doit de répondre à l’appel angoissé des millions de contribuables auxquels le candidat François Hollande avait promis qu’ils échapperaient aux hausses d’impôts, réservées à l’époque aux plus fortunés. Il doit annuler la hausse de la TVA, prévue en janvier.
Au lieu de toujours satisfaire le grand patronat, qu’il prenne l’initiative d’une nouvelle loi, ouvrant de nouveaux droits et pouvoirs d’intervention et de contrôles des comités d’entreprises et des syndicats sur l’utilisation des financements publics dont bénéficient certaines entreprises. De même, il faut redonner leurs pouvoirs et leurs prérogatives politiques et financières aux collectivités locales. C’est l’un des enjeux des prochaines élections municipales.
La justice, l’efficacité économique et sociale appellent la mise en chantier d’une grande loi réformant toute la fiscalité pour, à la fois, tenir compte des capacités contributives de chacun, augmenter le nombre de tranches d’impôt, diminuer les prélèvements sur le travail, augmenter l’imposition sur le capital, moduler certains impôts comme celui sur les sociétés, en fonction de la création d’emplois, de la formation ou des salaires, réformer la fiscalité locale, diminuer les impôts indirects sur les produits de première nécessité.
Si le débat budgétaire au Parlement ne faisait rien bouger, on ne voit pas comment les parlementaires du Front de gauche et au delà pourraient approuver des projets de budgets si éloignés des espoirs que nos concitoyens avaient placés en eux.
On ne peut continuer à brouiller, sur les questions fiscales comme sur les autres, les repères qui jusqu’ici séparaient la gauche de la droite. Qui ne voit que cela revient à étaler sur tout le territoire le terreau nauséabond sur lequel prospère vite et souvent en silence une extrême-droite très dangereuse ? Le mouvement social et populaire progressiste où peuvent se retrouver ensemble, électrices et électeurs socialistes, du Front de gauche, écologistes, acteurs sociaux et associatifs, intellectuels et créateurs, doit se lever dans l’unité la plus large pour réclamer justice et démocratie. Il n’y a pas de meilleur service à rendre au pays et aux idéaux de la gauche.
2 commentaires
le grand patronat , oui , et les professions libérales assez libérées sur la question des gains dissimulés on en parle suffisamment ? par exemple un psychanalyste trés libre et ouvert qui , parlant immobilier , vous dit ha! une différence de 30000 euros c’est rien , c’est ce que je mets de côté dans l’année ! médecines et consultations hors cadre ,dépassement d’honoraires ,arrangements amiables , au delà des maçons et plombiers , de plus gros poissons restent sans aucun controle ; c’est peut etre ça la réalité de “libéral” c’est “libéré du contrôle ” car on a de l’égard pour leur statut on leur attribue une confiance de principe ,une honnèteté… foncière , on touche pas . Ils sont au coeur de la société .
En ce qui me concerne,je partage pleinement votre analyse.
Les politiques de taxations tous azimuts doivent ceeser,tout de suite.
Au cas particulier je parle d’impôts monarchiques car je tiens à évoquer mon cas de contribuables,avec 9100 € de revenu non imposables j’aurais pour 2013 versé 2080 euros d’impôt sur le revenu au titre du REMBOURSEMENT des crédits d’impôts ENVIRONNEMENTAUX que j’aurais perçu indument deux ans plus plus tôt.
A cela il faut ajouter ENVIRON 600 EUROS de taxes foncière et habitation.
cela représente PLUS DE 35% de ma pension d’invalidité.
Et en effet,et dans l’ariège,les services public n’existe plus depuis longtemps.Je suis très heureuse qu’enfin les communistes entreprennent des actions contre cette politique fiscale du sel et de la gabelle.