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Le choix d’une majorité politique en Allemagne et la réélection de la chancelière Mme Merkel ont désormais d’importantes conséquences sur la France et sur tous les peuples de l’Union européenne.
La droite allemande reste extrêmement forte. Alors que la participation électorale est importante, en absorbant les résultats de l’un des partis composant sa propre majorité, le FDP, Mme Merkel progresse sensiblement. C’est aussi le cas du Parti social démocrate qui cependant reste très proche de ses mauvais résultats d’il y a quatre ans. Le parti de la gauche (Die Linke) et les Verts, tout en restant des forces conséquentes au Parlement, reculent.
Ces résultats appellent, ici et dans toute l’Europe, une analyse fine des comportements électoraux et des mouvements des consciences.
Mme Merkel a expliqué aux Allemands qu’ils échappaient, « grâce à elle », à une vie encore plus dure que celle qu’ils rencontraient, à savoir celle que connaissent les Grecs, les Italiens, les Portugais ou encore les Espagnols voir les Français. Au fond, la chancelière leur aurait évité le pire en aggravant les difficultés de tous leurs voisins avec des politiques d’austérité impulsées avec zèle par une Commission européenne aux ordres. Pour ce faire, Mme Merkel s’est référée au prétendu modèle allemand qui n’est rien d’autre qu’un coup de piolet contre l’état social, porté d’abord par le parti social-démocrate, SPD. Son leader a mené campagne pour vanter les lois sur le travail, dites lois « Hartz-Schröder », qui ont favorisé la flexibilité et la précarité du travail, multipliant le nombre de chômeurs et de travailleurs pauvres. En se plaçant sur le terrain de son adversaire, sans doute a-t-il contribué à la faire percevoir comme étant plus apte que lui pour empêcher de nouvelles détériorations des droits des salariés, objectif qui dès lors devenait celui du plus grand nombre d’électrices et d’électeurs. Quand les deux principaux partis vantent en quelque sorte les bienfaits d’un bilan commun, rien de tel pour boucher toute perspective d’avenir et pour favoriser, dans le contexte de crise, le vote perçu comme le plus « sécurisant ». D’autant plus que Die Linke et les Verts ne pouvaient, ni l’un ni l’autre, à eux seuls, incarner une alternative crédible. Le refus déclaré du SPD de construire une alliance à gauche, ferme toute perspective de changement qui porte tort à toute la gauche et aux écologistes.
La Chancelière a donc réussi l’exploit de l’emporter pour la troisième fois consécutive quand dans les autres pays, les sortants sont régulièrement sortis. Et elle l’a accompli alors que son modèle social, auquel se réfèrent de plus en plus les principaux responsables politiques français, a provoqué une augmentation considérable des inégalités dans un pays qui n’a pas de salaire minimum, qui vient de reculer l’âge de la retraite à 67 ans, qui voit désormais l’espérance de vie diminuer de deux années pour les plus modestes et sa natalité en panne. Contrairement à ce qui se dit, l’endettement de l’Allemagne reste au dessus de celui de la France. Son modèle industriel, non dénué d’intérêt quand on le compare à notre capitalisme de rente, doit beaucoup au tissu de petites et moyennes entreprises, avec l’exploitation du travail bon marché des pays de l’Est de l’Allemagne qui, elle-même sert à faire pression à la baisse sur l’ensemble des salaires allemands. Ce qui est de plus en plus contesté par les salariés et leurs organisations syndicales. L’excédent commercial élevé n’est qu’une apparence de bonne santé, au moment où les choix allemands et ceux de la Banque centrale européenne d’un euro surévalué, asphyxient les autres pays européens, principaux acheteurs de ces productions.
La compression de la demande en Europe aura rapidement de nouvelles conséquences négatives sur l’emploi en Allemagne. Le système allemand qui consiste à aller toujours plus loin dans la « déflation salariale » au nom de la compétitivité, conduit toute l’Europe dans le mur. Ajoutons que le déclin démographique que connaît le pays entraînera une baisse massive des recettes, alors que les dépenses de santé et de protection sociale devraient augmenter.
La France est confrontée à la tendance inverse puisque l’augmentation de sa démographie appelle une augmentation des dépenses publiques pour accueillir les enfants, les éduquer, les former, construire plus d’équipements collectifs. Tout le contraire des politiques d’austérité et de réduction des services publics, donc. Tout le contraire des recommandations de la Cour des comptes qui veut des lunettes encore moins remboursées et des hôpitaux sans lit, où encore des fermetures de maternité comme celle des Lilas, près de Paris.
Forte du vote des électeurs, Mme Merkel risque de se sentir pousser des ailes pour peser encore davantage contre l’augmentation du budget européen, le programme d’aide aux plus démunis et pour une austérité maintenue pour tous les autres pays européens, de la France aux pays du sud de l’Europe.
Elle peut même être tentée de remettre sur la table son projet de relancer un nouveau traité européen pour accélérer le démantèlement des droits sociaux et maintenir un euro-mark fort afin de satisfaire le capital européen, particulièrement celui des firmes allemandes, dans le cadre de l’union bancaire ou encore de porter plus loin et plus vite le projet de « marché transatlantique ».
Cependant, rien ne dit que le peuple allemand demeurera longtemps sans réagir, ni d’ailleurs ceux des autres nations de l’Union européenne. Peu à peu, est appelée à grandir la conscience que les choix de la chancelière, dominants en Europe, ne se font pas au nom des intérêts des populations du continent ni de celui des citoyens de la République fédérale allemande, mais qu’ils doivent tout à la promotion égoïste des oligarques d’outre Rhin. Que le gouvernement français s’aligne le plus souvent sur eux se démontre malheureusement aisément. De l’acceptation du traité budgétaire, il y a un an, à la loi sur la flexibilité; du crédit dit de « compétitivité », que les salariés comme les retraités paient en hausse de TVA et avec la création d’un nouvel « impôt environnement », jusqu’aux contre-réformes en cours sur les retraites et les collectivités territoriales. Notre pays a tout à perdre à rechercher à capter de prétendus dividendes de la domination allemande sur l’Union européenne.
C’est pourtant l’opposé de cette voie qu’il faudrait choisir. L’heure n’est pas à s’aligner toujours plus sur les normes allemandes et l’ultralibéralisme européen, mais bien de revenir à un engagement du Président de la République : celui de réorienter la construction européenne. On peut compter sur nous pour contribuer à favoriser le débat et l’action en ce sens car, à nos yeux, il est indispensable que les forces progressistes sociales, syndicales françaises et allemandes puissent dialoguer, se rassembler et intervenir ensemble afin de sortir de l’austérité et de changer l’Europe. Tous les peuples ont à y gagner !