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Après des mois de travail et de débats, la Commission emploi et affaires sociales a voté lundi dernier 20 mai un rapport important pour un fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD)
Fondée en 1987, l’aide alimentaire européenne, assure le financement de 240 banques alimentaires européennes, et via ses structures la fourniture de repas à plus de 18 millions d’Européens dans le besoin. 80 millions de personnes sont en situation de grande pauvreté en Europe. 43 millions de nos compatriotes européens ne peuvent plus subvenir a leurs besoins alimentaires. Voilà qui en dit très long sur la nature de l’actuelle construction européenne. Ses dirigeants sont plus promps à venir au secours des financiers que des êtres humains.
Ainsi en 2011 l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Suède, le Danemark, les Pays-Bas et la République Tchèque qui s’étaient maintenus volontairement hors du précédent programme européen d’aide alimentaire (le PEAD), obtiennent de la Cour de Justice européenne une décision remettant en cause la base légale de l’aide alimentaire européenne. Une aubaine pour le Conseil européen qui s’engouffra dans la brèche pour le supprimer.
Il aura fallu une multitude d’interventions, d’actions des associations soutenues par les forces progressistes, les élus locaux pour remettre le sujet sur le tapis.
L’aide alimentaire était en effet menacée de disparition pure et simple. C’est la mobilisation populaire qui a obligé la Commission européenne à soumettre une nouvelle proposition sous le nom de Fonds européen d’aide aux plus démunis, le FEAD.
Le travail parlementaire autour de ce programme relève de plusieurs commissions. Mais c’est celle de l’Emploi et des affaires sociales, présidée par Pervenche Bérès dans laquelle je siège qui élabore une proposition au fonds. C’est en tant que représentant de mon groupe parlementaire (GUE-NGL) que j’ai été chargé de travailler sur cet important enjeu au sein de cette commission. Il s’agit d’éviter à ce programme un détricotage en règle, après la première tentative pilotée et réussie par le gouvernement Allemand pour tuer le programme européen d’aide alimentaire.
L’autre enjeu important est d’assurer au futur fonds les moyens financiers indispensables pour venir réellement en aide aux plus démunis. Les associations de solidarité françaises considèrent que celui-ci devrait être doté d’au moins 4,75 milliards entre 2014 et 2020. Or la Commission et le Conseil européen ne proposent jusque là que 2,5 milliards d’euros.
Le rapport voté par la commission “emploi” du Parlement européen fixe au futur FEAD des objectifs, plutôt ambitieux comparés au point de départ: un programme obligatoire à tous les États, ce qui garantit sa pérennité, et qui ne se contente pas de fournir une aide alimentaire mais s’attaque aussi au problème de la pauvreté matérielle.
Mais ces bonnes volontés ne bénéficient pas d’un budget suffisant puisque le budget européen est lui aussi victime des mesures austéritaires. De 500 millions d’euros annuel pour le précédent programme on passe à 350 millions par an, alors que c’est désormais 28 États au lieu de 20 qui doivent participer à un programme qui ambitionne en plus de s’attaquer aux privations matérielles.
J’ai soulevé à plusieurs reprises cette contradiction, avec mon ami Younous Omarjee député de La Réunion qui a défendu un rapport sur ce même sujet à la Commission développement régional.
Afin d’affaiblir le programme, des parlementaires des pays du nord de L’Europe ont repris le travail de sape de leurs gouvernements et tenté de tronquer son cadre en tentant de rendre la participation volontaire, en maintenant un budget bien trop faible et en rajoutant des contraintes administratives lourdes pour les associations de solidarité qui en bénéficient. Par exemple et les adossant aux cadres existants du Fonds social européen.
Lors du vote en commission Emploi je me suis donc opposé à ces tentatives avec le soutien d’autres élus progressistes, mais aussi des élus français quelles que soient leurs appartenances politiques. Nous avons ainsi pu maintenir une participation obligatoire et une référence à un cadre budgétaire au minimum” équivalent à celui du précédent programme”. Il s’agit là d’une orientation de compromis mais il n’y a toujours aucun engagement chiffré. Or c’est tout de même l’essentiel.
D’autre part tous mes amendements visant à simplifier les conditions d’accès au fonds ont été rejetés par une coalition hétéroclite. Or, ces contraintes administratives supplémentaires compliqueront inutilement le travail des organisations caritatives et de leurs bénévoles. J’ajoute que la question d’une participation volontaire ou pas des Etats est plus que floue, puisque sur les deux amendements soutenant ce principe nous n’avons pu nous opposer qu’à un seul.
Dans le souci de faire encore évoluer le débat et les contenus du texte j’ai soutenu le rapport. Cependant je n’ai pas suivi la demande consistant à donner un mandat à notre propre Commission pour aller discuter d’un “compromis” directement avec le Conseil européen et la Commission de Bruxelles, sans passer par un débat en séance plénière du Parlement. Il est sur qu’un tel compromis se ferait sur le dos des associations et des pauvres. Le combat pour obtenir que soit écrite la somme d’au moins 3,5 milliards d’euros dans le cadre du budget pluriannuel doit se poursuivre. Les associations ont tout à gagner d’un tel débat public. Rien ne servirait de nous parler “d’Europe sociale” et de ne pas donner les moyens aux pauvres de survivre. Le temps qui nous sépare d’un débat et d’un vote en séance plénière doit être mis à profit dans toute l’Europe par les organisations de solidarité et les citoyens pour que leurs élus, toutes tendances confondues, soutiennent des propositions solides et pérennes pour un Fonds européen d’aide aux plus démunis ambitieux et non raboté. Un programme réel et non virtuel car insuffisamment doté financièrement et bureaucratisé.
De cette mobilisation peut dépendre le contenu du futur fonds d’aide alimentaire et matérielle européen pour les 120 millions d’Européens malheureusement menacés de pauvreté.
Patrick Le Hyaric
Député au Parlement européen
Vice-président du groupe GUE/NGL
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