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Pour celles et ceux qui auraient pu en douter encore, il suffisait d’entendre Mme Parisot, les ténors de l’UMP et de lire Le Figaro pour comprendre que le vote de la loi d’amnistie sociale est un événement politique de grande portée. Réclamé depuis le mois de juin par Bernard Thibault, le Président de la République avait refusé de s’y engager. Pourtant avant N. Sarkozy cette pratique était naturelle de la part de tous les Présidents de la République qu’il s’agisse de M. Mitterrand ou de M. Chirac.
Même si certains amendements ont voulu en limiter la portée, le vote du texte présenté par le groupe communiste et Front de gauche au Sénat, contredit ce qu’avait dit le président du groupe socialiste au Sénat lors de ses vœux, affirmant « qu’il fallait prendre acte de ce qu’il n’y a plus de majorité de gauche au Sénat ».
La démonstration vient d’être faite que la gauche peut exister en faveur des travailleurs et de lois progressistes. Et la ministre garde des sceaux, Mme Taubira y aura joué un rôle positif. Pour la justice comme pour les idéaux de la gauche, il serait maintenant de bonne politique que l’Assemblée nationale préserve cette loi et le vote en y incluant l’amnistie des militants associatifs qui ont aidé les sans-papiers, celles et ceux des réseaux « éducation sans frontières », ceux qui ont défendu des écoles, des hôpitaux, l’environnement, les droits des migrants, des professions libérales ou des exploitants agricoles. De telles demandes sont-elles exagérées ? Pas du tout ! Une nouvelle majorité a été portée au Sénat puis à l’Assemblée nationale et un Président de la République, issu de la gauche socialiste, a été élu, précisément en rejet de choix politiques passés, contre lesquels se mobilisaient les militants aujourd’hui inquiétés, avec toute la gauche à l’époque. Ne pas amnistier ces citoyens pour leur activité militante aujourd’hui reviendrait, pour des parlementaires de gauche, à renier leurs combats d’hier et les manifestations auxquelles ils ont eux-mêmes participés.
C’est l’esprit même de la République depuis ses débuts, contrairement à ce qu’a déclaré un député radical de gauche, se réclamant de Clémenceau et de dame Parisot, n’hésitant pas à hurler à la radio que l’amnistie relevait de la période de la monarchie. A notre connaissance, il n’y avait pas de parlement au temps de la monarchie. C’est précisément Clémenceau, qui pourtant n’a jamais été tendre avec les ouvriers, qui en mai 1876 défendit quatre propositions de loi pour l’amnistie des Communards. C’est le 22 mai 1876 que Victor Hugo, tout en dénonçant certains actes de certains communards, défendit l’amnistie au Parlement. Il se fit même battre deux fois aux élections, en juillet 1871 puis en janvier 1872 pour avoir inscrit en tête de son programme : « Amnistie pour les crimes et délits politiques. Abolition de la peine de mort en toute matière ». L’amnistie, votée le 10 juillet 1880 est une œuvre de la gauche républicaine, n’en déplaise aux falsificateurs de l’histoire et aux tenants de la réaction. Le même journal, Le Figaro, qui écrivait le 23 mai 1876 : « L’amnistie est enterrées sous un discours de Victor Hugo », publie un éditorial au vitriol contre toute amnistie, ce vendredi, 1er mars 2013, sous le titre « loi scélérate ». Quant aux mots de la dirigeante du Medef, qualifiant la loi d’un « appel à encourager la destruction et le cassage », ils révèlent la haine et la brutalité des classes dominantes contre les classes populaires. Le cassage et la destruction sont bien du côté de la violence sociale qu’impose la loi de l’argent qui saccage le pays, avec les fermetures d’entreprises, les licenciements boursiers, la destruction souvent de l’outil de production agricole et industriel. Et que dire de cette violence sourde, de ces cris muets de désespoir qui conduisent des salariés, des cadres, des paysans à mettre fin à leurs jours. La vérité est que le grand patronat -qui refuse que les salariés et leurs représentants aient leur mot à dire sur les choix des entreprises- ne supporte pas que des salariés, des citoyens, avec leurs syndicats et leurs associations puisse se faire entendre et se défendre. C’est la même logique qui conduit le Medef à vouloir faire valider son programme contre la sécurité du travail dans la loi. Le refus de l’amnistie vaut pour hier certes. Mais il vaut surtout pour demain. Les représentants de l’oligarchie et de la finance veulent à tout prix que les salariés, les peuples acceptent en silence les destructions des droits sociaux et économiques à l’œuvre. De leur point de vue, l’intransigeance aujourd’hui, élargirait la voie pour imposer une nouvelle modification négative des systèmes de retraite pour, tout à la fois, diminuer les pensions et porter l’âge ouvrant droit à la retraite à 67 ans ou pour faire accepter en silence le drame journalier des destructions d’emplois et de fermetures d’entreprises, ou encore faire transférer dans la loi cette partie du programme du Medef pour la « flexibilité » du travail. Celui-ci constitue une attaque à l’arme lourde contre le code du travail, hérité de l’action de générations de militants syndicaux et de gauche.
Le débat public sur l’indispensable amnistie n’est pas clos. Il convient maintenant de l’inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Celles et ceux qui agissent pour le bien commun, qu’il s’agisse de l’emploi, de l’environnement, de l’école, des migrants, doivent être protégés par la loi. Qui aujourd’hui défend l’intérêt général ? Celui qui, à la faveur des lois de la jungle européenne, trafique de la viande ou celles et ceux qui réclament l’arrêt de la fraude ? Celui qui réclame, conformément à nos principes constitutionnels un travail sécurisé pour toutes et tous ou ceux qui organisent de prétendus accords minoritaires pour rendre la vie de chacune et de chacun encore plus précaire, à l’opposé de la sécurité de vie ? Le salarié EDF qui remet le courant à ceux qui en sont privés en évitant des drames ? Le militant qui empêche les expulsions ? L’élu qui empêche la fermeture d’une gare SNCF ? L’enseignant qui protège un enfant menacé d’expulsion ? Non. Eux font respecter nos principes constitutionnels que bafoue la sauvagerie du capitalisme.
L’expertise et l’action citoyenne, la démocratie active, sont plutôt un bien commun au service de toutes et tous. Ils ne peuvent être traduits devant les tribunaux. Bien au contraire, il s’agit de les faire progresser dans l’intérêt général de la société.
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“Pour celles et ceux qui auraient pu en douter encore, il suffisait d’entendre Mme Parisot, les ténors de l’UMP et de lire Le Figaro pour comprendre que le vote de la loi d’amnistie sociale est un événement politique de grande portée.”
Les partisans comme les opposants les plus déterminés ont évidemment intérêt à monter le sujet en épingle, comme c’est déjà le cas pour le mariage pour les couples homos (auquel je suis favorable). Il n’en s’agit pas moins de sujets mineurs.
“A notre connaissance, il n’y avait pas de parlement au temps de la monarchie. ”
Votre connaissance est erronée : il y avait des parlements sous la monarchie avant 1789, même si ceux-ci avaient des fonctions judiciaires et n’étaient pas comparables aux parlements actuels. De 1815 à 1848, durant la Restauration puis la monarchie de juillet, il y avait un Parlement composé de 2 chambres. Les 2 Empires avaient aussi des parlements.
“C’est précisément Clémenceau, qui pourtant n’a jamais été tendre avec les ouvriers, qui en mai 1876 défendit quatre propositions de loi pour l’amnistie des Communards.”
Splendide anachronisme qui reprend l’image du Clemenceau briseur de grèves des années 1900 alors que le Clemenceau des années 1870 appartenait à l’extrême-gauche radicale (oui, les radicaux étaient considérés comme d’extrême-gauche dans les années 1870).
Personnellement, je suis contre l’amnistie par principe pour 2 raisons :
– elle va contre la séparation des pouvoirs en annulant des décisions des juges pour des raisons politiques ;
– elle empêche légalement d’évoquer les faits commis (cf la guerre d’Algérie et certains actes de torture).
En ce qui concerne le cas particulier de cette amnistie, j’y suis hostile à cause de la première raison. Je ferais néanmoins une exception pour les vieux mineurs sanctionnés dans les années 40 : ils ont déjà (et beaucoup trop) payé pour cela ; et ces faits étaient bien moins graves que ceux commis en Algérie et qui ont été amnistiés par Mitterrand.