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Ce n’est pas une inflexion, c’est un retournement ! En annonçant à la hâte un nouveau plan d’austérité, après les réductions des dépenses publiques induites par le projet de budget toujours en cours de discussion, le Premier ministre prend malheureusement le parti de répondre positivement aux exigences formulées par le MEDEF, les marchés financiers et les leaders de la droite. Mme Parisot ne s’y est pas trompée, affichant la satisfaction de ceux qui viennent de gagner une bataille. Ce choix intervient quelques jours après le congrès du Parti socialiste qui n’a pas eu à en débattre et alors que les discussions avec les organisations syndicales, lancées en juillet, sont loin d’être terminées. Quant au Parlement, comme les citoyens, il a été mis devant le fait accompli de décisions qui n’ont même pas été discutées en Conseil des ministres. Tout le contraire, sur le fond et la forme, de ce que le candidat François Hollande avait promis et qui donne un goût amer au thème de la rénovation de la vie politique.
Le plan gouvernemental officialise et accentue un nouveau partage inéquitable des richesses, au seul bénéfice de ceux qui n’ont cessé de les amasser au cours des dernières décennies. Ils l’ont fait en ponctionnant toujours plus celles et ceux qui les produisent. Ceux qui n’ont que leur travail ou leur pension de retraite pour vivre. A l’oligarchie qui porte la responsabilité de la crise et du manque de compétitivité de nos industries, on rend ce qu’on avait menacé de lui prendre en réduisant encore de dix milliards d’euros les dépenses publiques tout en ressuscitant des hausses de TVA pourtant vouées aux gémonies il y a encore quelques semaines. Et un impôt supplémentaire qui n’aura d’écologique que le nom va être créé.
Ainsi, vingt milliards de réduction d’impôts sans contrôle, sans la garantie qu’ils seront utilisés pour l’emploi, l’investissement productif, l’innovation et la recherche vont s’ajouter aux 175 milliards d’euros de réductions fiscales et sociales dont bénéficient déjà les plus grandes entreprises. Celles-ci seront bénéficiaires du « crédit d’impôt » car celui-ci est calculé sur la base du nombre de salariés. Celles-là mêmes qui réalisent déjà le plus de profits et qui versent le plus de dividendes aux actionnaires. A mille lieues des besoins des PME. Personne n’a encore pu démontrer que cela permettra à nos entreprises d’exporter plus, dès lors que notre potentiel économique et nos droits sociaux sont sans cesse placés dans une concurrence débridée à l’intérieur de l’Union européenne qui, d’une part généralise l’austérité qui comprime la demande et, d’autre part, est devenue une véritable passoire, grâce à l’orthodoxie ultralibérale énoncée dans les traités de « marché ouvert où la concurrence est libre ». A cela s’ajoute une monnaie européenne surévaluée de près de 30%, comparé à la valeur du dollar.
Au lieu de corriger cela, le gouvernement se plie aux injonctions européennes et surtout allemandes, en procédant à de nouvelles « dévaluations » salariales et sociales. Considérant que cela n’était pas encore suffisant, le journal allemand « Die Zeit » a révélé, il y a quelques jours, que le ministre allemand des finances, M. W. Schäuble, a demandé à un groupe d’experts économiques de présenter de nouvelles propositions sur les politiques à mener en… France.
Le gouvernement justifie ce « choc » antisocial par la crise et la nécessité de défendre l’emploi. Que n’écoute-t-il les propositions des organisations syndicales et des forces sociales et politiques qui l’ont porté au pouvoir ! Toutes sont prêtes à débattre des meilleures solutions à apporter aux problèmes et difficultés rencontrées. Dans leur diversité, elles s’écartent du « pacte euro plus » (1) élaboré par Mme Merkel et M. Sarkozy en novembre 2010. Quand on voit dans quel état ses orientations ont enfoncé l’Europe, s’en écarter devrait être un devoir impérieux alors que la majorité socialiste-écologiste ne cesse de s’en rapprocher, non sans provoquer des remous en son sein.
Hier dans l’opposition, avec le Front de gauche, socialistes et écologistes combattaient à juste titre ce pacte. Pourquoi l’appliquer aujourd’hui avec cette violence et cet acharnement ? La réponse se trouve sans doute dans les déclarations de MM. Moscovici et Gallois. Le premier n’a pas hésité à dire que « le pacte de compétitivité est une révolution copernicienne pour la gauche » (2). Le second, que « le pacte social de 1946 est à bout de souffle, il faut le renouveler » (3). Les mots ont un sens ! Cela nous arrache le cœur de l’écrire. Mais, nous refusons que ce soit un gouvernement socialiste et écologiste qui remplace « le pacte social » issu de la Résistance par « un pacte de compétitivité » ! Ce qui est en marche n’a rien à voir avec la recherche d’un processus inédit, populaire et moderne, qui permette de sortir de la crise et de renouer avec le progrès social, économique, démocratique et culturel. Par contre est en cause la recherche d’un « nouveau compromis historique » entre le capital et le travail, prenant appui sur les ravages de la crise, le sentiment de fatalité qu’elle exacerbe, la terrible perte de confiance dans la politique et l’exercice du pouvoir d’état. Une révolution copernicienne ? Ceci veut dire qu’au mépris du programme socialiste, voté par les militants et surtout au mépris des idéaux du socialisme historique français, les dirigeants du Parti socialiste au pouvoir décideraient une rupture radicale, « à froid », alors qu’ils disposent du pouvoir d’État, de la majorité au Parlement et dans la plupart des collectivités territoriales.
Nos concitoyens n’ont encore qu’une conscience diffuse de l’ampleur de ce qui se joue pour leur vie de tous les jours et le devenir des nouvelles générations. Qu’ils soient impatients, désarçonnés, interrogatifs voire même en colère, ils sont l’enjeu principal d’une formidable bataille d’idées disposant de moyens médiatiques énormes qui vise à les convaincre qu’il n’y a qu’une politique possible : celle que préconisent les puissants. Rien n’est encore joué mais il est grand temps de porter la réaction et les exigences populaires au niveau de ceux des puissances d’argent. Ces dernières marquent des points, avec un gouvernement pour l’heure plus sensible à leurs pressions qu’aux attentes du monde du travail et de la création, pourtant souvent beaucoup plus attaché aux performances industrielles, économiques et sociales des entreprises que ceux qui les dirigent, tout acquis qu’ils sont à la rente de la finance et aux dividendes des actionnaires.
Un formidable bras de fer est engagé. Son issue est loin d’être décidée tant sont nombreux les progressistes, les démocrates qu’inquiète le cours actuel des choses et qui sont disponibles pour prendre leur part d’un rassemblement unitaire qui ait suffisamment de force pour faire triompher tout ce qui relève de « l’humain d’abord ». Tous sont conscients des terribles dégâts que provoqueraient les choix actuels, avec une droite qui se mobilise avec hargne et une extrême-droite en embuscade. Ils ne se sont jamais trompés d’adversaire et peuvent contribuer à ce que s’exprime une volonté populaire qui ne demande qu’une seule chose : que soit respectée l’exigence de changements mise majoritairement dans les urnes il y a sept mois.
15/11/2012
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(1) Voir « Le pacte des rapaces » par Patrick Le Hyaric – Éditions de l’Humanité
(2) Le Figaro économie – le 7 novembre 2012
(3) Commission des affaires économiques et sociales du Sénat – le 7 novembre 2012
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