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Dans le cadre de la journée européenne pour l’emploi et l’industrie, la CGT a eu mille fois raison d’appeler à la mobilisation et au débat mardi dernier. Il faudra encore d’autres mobilisations unitaires pour faire entendre plus fort la voix des travailleurs, des privés d’emplois, des retraités qui souffrent, de celles et ceux que l’avenir angoisse.
Il faudra que le gouvernement socialiste les entende et crée les conditions d’une amélioration de leur situation en se plaçant à leurs côtés.
Car, en face, du côté du grand patronat, des actionnaires et autres banquiers, la pression est forte, la mobilisation est déjà très élevée, avec une multitude de chantages aux délocalisations, aux fuites de capitaux et aux hurlements qui sont autant de refus de contribuer aux biens communs de la Nation.
Il paraît assez incroyable qu’une petite équipe de patrons-bobos, dont certains sont déjà installés à l’étranger, ait pu exploiter les légitimes inquiétudes de dirigeants de PME, jusqu’à faire plier le gouvernement en quelques heures en refusant de payer un impôt sur les plus-values de cessions d’entreprises. Et donc en oubliant allègrement qu’ils doivent pour une large part leur richesse aux salariés de leurs entreprises qui, d’une manière ou d’une autre, devront compenser ce qu’ils refusent de verser. Ils se sont baptisés les « pigeons », alors qu’ils sont plus proches des rapaces.
Un gouvernement de gauche ne peut continuer sans cesse à répondre à des demandes de droite. A commencer par ce nouveau traité européen qui n’est rien d’autre qu’un traité de classe au service des puissants, qu’il s’ingénie à faire adopter sans débat public, sous les yeux rieurs et moqueurs de la droite, du Medef et de la Banque centrale européenne.
Selon de nombreux experts, le respect des dogmes européens va conduire à une augmentation de 300 000 chômeurs et à une récession ou quasi récession. Ce qui revient à dire qu’il y aura moins de recettes fiscales et sociales et donc que les déficits s’aggraveront encore !
Sous couvert de la crise qu’elle a elle-même générée, l’oligarchie mène une vaste campagne idéologique et politique pour obtenir plus de flexibilité de l’emploi et une baisse du « coût » du travail, avec une pression accrue sur les salaires, le démantèlement des droits sociaux, du contrat à durée indéterminée et de nouveaux cadeaux sociaux au grand patronat.
Après avoir fait grand bruit sur un choc « budgétaire », dans le cadre de l’anticipation de l’application du nouveau traité européen, voici que les milieux patronaux et de la finance appellent à un « choc de compétitivité ».
D’autres évoquent un « choc de l’offre », dans le cadre d’une guerre économique, portée au paroxysme. Pour pouvoir supporter la concurrence des produits importés, ils proposent de baisser le prix des leurs…grâce à une réduction du montant des salaires et des contributions sociales patronales. Ainsi, les salariés et les consommateurs seraient doublement perdants, sur leurs feuilles de paye et sur leurs achats. C’est à un choc contre les charges financières, contre les dividendes qu’il faudrait procéder.
Malheureusement, le gouvernement n’est pas insensible à ces pressions. La TVA sarkozyste avait déjà cet objectif. Elle prévoyait de transférer treize milliards d’euros des cotisations familles à la charge des employeurs vers la TVA. La gauche a annulé cette décision au Parlement en juillet. Mais à quoi bon, si le principe revient cet hiver. Il s’agit cette fois d’une somme comprise entre trente et quarante milliards d’euros.
Dans une tribune parue chez nos confrères du Monde, des économistes, liés aux banques, écrivent sans rire que « les ménages peuvent sauver les entreprises ». Je leur pose la question : les entreprises ou les actionnaires ? Car rappelons que s’il faut trouver trente milliards, on pourrait aisément le faire avec les dividendes que vont encore toucher les actionnaires cette année. Qui osera encore prétendre que la lutte des classes a disparu ! Elle fera pencher le rapport des forces soit du côté de la satisfaction des puissants en ponctionnant les familles populaires, soit de celui de la justice et l’efficacité économique. Le monde du travail, créateur de richesses, doit lui aussi élever la voix et combattre pied à pied toutes les fausses idées et arguments répandus pour faire accepter la situation comme fatale.
Il n’est pas vrai que le « coût » du travail soit plus élevé en France qu’en Allemagne. Ce ne sont pas non plus les robots qui tuent l’emploi en France. L’Allemagne en a 120 000 de plus que nous. Ce qui fait la compétitivité d’un pays et de ses entreprises, c’est la part de ses ressources qu’il consacre à la formation, à la recherche, à l’innovation, à la culture comme à la santé et à la protection sociale de sa population. Encore conviendrait-il que cette compétitivité ne ne soit pas handicapée par le niveau surévalué de la monnaie européenne qui affaiblit nos industries et notre agriculture. Qu’elle ne soit pas non plus spoliée par l’économie de rente et la soif de rentabilité des actionnaires qui conduit inexorablement à réduire les investissements d’avenir. Les financiers n’avaient-ils pas rêvé pouvoir remplir leurs escarcelles avec une société sans usines.
Défricher les chemins inédits, par le débat et l’action, pour inventer une autre voie que celle qui nous a conduit dans le mur, telle est bien la responsabilité, à l’échelle du continent, de toutes celles et ceux qui partagent une même ambition de renouveau de la France et de l’Europe. Ambition qui lie, coordonne, associe dans un nouveau système productif, pensé dans le cadre de la métamorphose écologique, les fonctions de formation, de recherche-développement, de production stimulées et orientées par un crédit sélectif en faveur du travail et du développement humain. L’individu doit être protégé, sécurisé, convenablement rémunéré, dans le cadre d’un autre partage des richesses avec un droit inaliénable au travail garanti et sécurisé, tout au long de la vie. Cela demande de garantir à toutes et tous l’accès aux formations, aux qualifications nouvelles en prenant en compte les mutations technologiques et écologiques.
Il ne suffit pas de protester contre les plans de licenciement et les fermetures de sites industriels. Il faut avoir le courage de produire une loi protégeant les usines menacées comme PSA Aulnay, ou la sidérurgie à Florange et bien d’autres. Mais, au-delà, il faut remettre sur le tapis des projets fondamentaux. L’un octroyant de nouveaux pouvoirs aux salariés dans l’orientation de l’entreprise. L’autre ouvrant la voie à une maîtrise publique et sociale des secteurs industriels et bancaires décisifs. Les faits sont là, ne pas le faire rend impuissant. Autant d’objectifs qui s’inscrivent et participent à l’indispensable réorientation de la construction européenne qui donne un tout autre rôle à la Banque centrale et ne fasse plus de la mise en concurrence des salariés, des services publics, des Etats et des régions, l’alpha et l’oméga de l’Europe.
En faisant voter le nouveau traité européen, ce n’est pas le chemin que prend le pouvoir socialiste. A la stratégie du choc, nous opposons celle de la rupture avec les choix qui font faillite partout où ils sont mis en œuvre. Mais, nous n’insisterons jamais assez, l’issue ne sera positive qu’avec une grande bataille des idées et une mobilisation populaire unitaire d’un nouveau type.
11/10/2012