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Le Parlement européen s’est réuni en session plénière du 2 au 5 juillet à Strasbourg.
Voici les principaux éléments discutés et votés durant cette session.
Brevet unitaire européen : le Parlement rejette les concessions excessives
Lundi 2 juillet le Parlement européen s’est opposé aux concessions excessives autour du futur système de Brevet européen.
La création d’un système de Brevet (titre de propriété qui protège une invention de la concurrence) est un sujet récurrent dans l’histoire de la construction européenne. Pouvoir déposer dans un pays et dans une langue un Brevet européen qui serait respecté dans toute l’Europe simplifierait énormément les procédures administratives. Celles-ci découragent parfois. Pour l’instant déposer un brevet à l’échelle européenne coûte 36 000 euros, pour l’essentiel des frais de traductions-homologations, contrairement à la simplicité du système américain qui revient à 2 000 euros environ.
Le “paquet brevet” comprend le brevet unitaire, le régime de la langue et la juridiction des brevets unifiés. La question de la langue du brevet européen a longtemps constitué le principal blocage puisque la plupart des grands pays voulaient pouvoir déposer le brevet dans leur propre langue. En décembre dernier, l’Espagne et l’Italie ne voulant pas lâcher sur cette question, les autres États de l’Union européenne ont décidé de faire sans ces deux pays par le biais d’une coopération renforcée.
Il restait à décider de l’installation du siège de la juridiction des brevets. Le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne étaient candidats. Un compromis a été trouvé : le siège du Tribunal à Paris, et deux succursales dans les autres pays candidats : la pharmacie-chimie à Londres, l’ingénierie-machine-outil à Munich.
On pensait le sujet enfin résolu pour le plus grand bénéfice des PME et petits inventeurs qui n’ont pas l’ampleur et les fonds suffisants pour se lancer dans les procédures d’homologation européenne des brevets nationaux. Mais une semaine avant le vote au Parlement européen censé valider le nouveau système, le Royaume Uni a introduit une clause qui remet tout en question.
Avec la nouvelle législation, la Cour de justice européenne devait servir de recours en cas de contestation sur un brevet. La clause britannique abandonne le recours à la Cour de justice européenne, pour un système indépendant et déconnecté des institutions européennes, ce qui replonge le dossier dans une guerre institutionnelle.
Lundi 2 juillet le Parlement a refusé de valider ce compromis en enlevant de son ordre du jour l’adoption du nouveau système censée être votée ce mercredi 4 juillet.
Le régime de brevet ne devrait donc être adopté qu’en octobre prochain, si un accord est trouvé.
Un Conseil européen qui valide le pacte d’austérité
M. Van Rompuy et M. Barroso ont fait un compte rendu de la réunion du Conseil européen qui s’est tenu les 28 et 29 juin derniers. Ce sommet des chefs d’Etat européens a été l’occasion d’un fléchissement limité des institutions européennes envers les pays du Sud.
L’Espagne et l’Italie, qui luttent contre la spéculation des marchés qui leur imposent des taux d’intérêts exorbitants, ont obtenu un sursis avec le soutien tacite de la France. Ce sursis, c’est la possibilité pour les fonds européens, « le mécanisme européen de stabilité », de prêter directement aux banques en difficultés de ces pays sans passer par la dette nationale. Pour l’Espagne cette question était très importante car ce sont près de 100 milliards d’euros de dette pour sauver ses banques qui alourdiront d’autant son bilan. L’Italie a obtenu de pouvoir emprunter aux fonds européens sans être soumise aux missions de la Troïka imposant ses conditions.
Pour autant, il ne s’agit pas d’un chèque en blanc puisque le déblocage de ces fonds passe par le respect des trajectoires budgétaires fixées par la Commission. Au final des concessions n’ont été faites que pour les bons élèves qui pratiquent l’austérité demandée.
Durant ce Conseil a aussi été solennellement annoncé un Pacte de croissance doté d’un budget de 120 milliards d’euros. Mais celui-ci ne consiste au final qu’en un assemblage de fonds structurels non utilisés, avec les effets escomptés d’une augmentation de capital de la Banque européenne d’investissement. Ce chiffre est à comparer aux 4 500 milliards d’euros d’aides d’Etat qui ont été versées aux banques depuis le début de la crise.
D’autant plus que ce Pacte de croissance est accompagné d’un texte qui prône une ouverture totale des économies européennes : libéralisation des industries de réseau (rail, électricité), réforme du marché du travail, ouverture des professions protégées, et même la promesse d’une négociation poussée avec les Etats-Unis afin de créer un grand marché transatlantique à terme.
Ce Pacte de croissance est surtout le prétexte nécessaire pour ne pas revenir sur le Traité d’austérité négocié par Sarkozy et Merkel. A aucun moment la révision de ce texte faisant entrer l’austérité comme règle budgétaire dans toutes les constitutions des Etats de l’Union européenne n’a été évoqué.
Toujours lors de ce sommet, le président du Conseil, Herman Van Rompuy, a pu proposer sa vision d’avenir pour l’Europe. Ce document, rédigé par quatre personnages clés dans les institutions – le Président de la Commission José Manuel Barroso, celui de la Banque centrale européenne Mario Draghi, celui de l’Eurogroupe Claude Juncker, et Herman van Rompuy (que des gens non-élus) – a pour objectif de définir les orientations pour le futur de l’Europe. A la lecture de ce document, on constate que pour ces quatre là, l’idéal de solidarité européenne s’arrête à une solidarité bancaire très hypothétique. Pour le reste, un instrument de partage des dettes reste un doux rêve dont on sent qu’ils n’ont pas envie de se rapprocher ; à l’inverse de toujours plus d’intégration économique. C’est en décembre que devra être présenté le rapport final de ce que doit être le futur de l’Europe.
En attendant, ce Conseil a validé le futur proche que la Commission assigne aux Etats en adoptant les “lignes directrices”. Ces lignes directrices sont le programme économique que la Commission souhaite voir mis en place dans chaque Etat de l’Union Européenne dans le cadre du semestre européen.
Pour la France, ce document dénonce par exemple, les effets d’une hausse trop importante du SMIC sur la compétitivité du pays et demande un transfert de la charge fiscale des entreprises vers la consommation, pour au final être à la charge des ménages, tout en rappelant les engagements des Etats à réduire les déficits.
Plutôt que de dénoncer ces avancées qui sont autant de reculs pour notre modèle social, les députés ont préféré critiquer Van Rompuy sur la désunion qui est apparue lors de ce sommet entre les pays mis à genoux par l’austérité et ceux qui ne sont prêts à aucune concession (Pays-Bas, Finlande et Allemagne en tête).
Lors de son intervention, la présidente de notre groupe de la Gauche Unitaire Européenne – Gauche Verte Nordique, Gabi Zimmer a raillé “la percée tant attendue qui ouvrira la voie à la sortie de la crise” :
“L’UE, les Etats membres et la zone euro restent en crise car les priorités n’ont pas changé. Nous nous en tenons au programme raté de déréglementation néolibérale, de privatisation des biens et services publics et de coupes de sécurité sociale.
Le pacte pour la croissance et l’emploi est vague et manque d’objectifs. On nous dit que 120 milliards sont ‘disponibles’ mais la question essentielle de la façon dont ils vont être dépensés reste en suspens. De même, une taxe sur les transactions financières, dont l’efficacité n’est plus à prouver, tarde à venir.
Même dans les cas du réveil des campagnes électorales et des élections en Grèce et en France, ceux du gouvernement n’ont pas encore réalisé la nécessité d’adopter des mesures strictes pour réguler le secteur financier”. Elle a ajouté qu’il nous faut remercier la population grecque et “Syriza pour nous avoir aidé à égratigner une politique d’austérité allemande irrationnelle”.
Concernant l’idée d’utiliser 1% du Revenu National Brut (RNB) pour le pacte de croissance comme l’a suggéré le Président François Hollande, notre présidente de groupe a déclaré l’idée “intéressante jusqu’à ce qu’Angela Merkel ait stipulé que cet argent devait être alloué principalement au financement des partenariats public-privé. Ce qu’ils vendent comme programme de lutte contre le chômage n’est qu’une autre façon de transférer les profits du secteur public vers le secteur privé”.
Elle a terminé son intervention par ces mots : “Ce que je considère comme l’une des mesures les plus efficaces pour empêcher la spéculation sur la dette souveraine – faire de la BCE un ‘prêteur de dernier recours’ – a été négligée dans ce qui s’est avéré être un sommet décevant”.
La libéralisation du rail
Le Parlement européen a conforté une vision purement mercantile du rail. Il met en danger ses missions de service public en les soumettant aux seules règles de la concurrence.
En adoptant le rapport Serracchiani, le Parlement confirme les orientations prises lors d’un vote en première lecture le 11 novembre 2011 sur la refonte du premier paquet ferroviaire.
Ce premier paquet est un ensemble de directives organisant la libéralisation du rail. Lors de la refonte de ces textes, le Parlement en a profité pour pousser à davantage de concurrence dans le secteur du rail, allant jusqu’à mettre en danger l’organisation de logiques industrielles développées sur des décennies.
Dans la première lecture de ces directives, le Parlement obligeait les compagnies nationales ferroviaires à revoir de fond en comble leur modèle d’entretien des véhicules afin de faire de la place à la concurrence. Il imposait également des autorités de la concurrence dans le secteur ferroviaire avec des moyens renforcés pour les nouveaux entrants. Il demandait également à la Commission de préparer pour fin 2012 des textes législatifs pour une ouverture complète à la concurrence.
Notre groupe de la Gauche Unitaire Européenne – Gauche Verte Nordique s’était déjà opposé à ce texte qui met en danger le service public au seul profit de l’organisation de la concurrence. Le texte qui nous a été présenté est le fruit de ces discussions qui ont suivi entre le Parlement et le Conseil (institution qui représente les gouvernements européens).
S’il est légèrement amélioré sur quelques aspects techniques, notamment sur le fait que les opérateurs historiques ne sont plus obligés d’ouvrir automatiquement un accès à leurs installations d’entretien, l’essentiel demeure tout de même, comme à pu s’en féliciter la rapporteure socialiste italienne Debora Serracchiani.
Le Parlement, avec les voix de l’ensemble des groupes, y organise la concurrence en demandant des règles strictes pour favoriser l’arrivée de nouveaux entrants sur le « marché » du rail: des régulateurs nationaux indépendants y veilleront, épaulés à terme par un organisme de contrôle européen. Le texte organise une séparation financière et décisionnelle complète entre le gestionnaire de réseau et l’entreprise historique qui l’utilise mettant fin à toutes les synergies qui avaient pu se développer entre les deux activités.
Plus grave encore, le texte maintient la demande du Parlement européen de préparer d’ici fin 2012 de nouveaux textes pour achever l’ouverture du marché (par exemple : en séparant pour de bon le réseau ferroviaire et l’entreprise historique qui l’utilise). Enfin il prône une mise en place à marche forcée des textes adoptés en exigeant que toutes ces nouvelles règles soient effectives d’ici une année, alors que le Conseil en demandait trois.
Mon groupe s’est opposé, comme il l’a toujours fait, à cette marchandisation d’un service public fondamental dans la cohésion de nos territoires et pour nos concitoyens.
Des prix rémunérateurs du travail agricole pour soutenir les petites exploitations
Nous avons eu une discussion sur le régime de soutien direct aux agriculteurs.
Le régime de soutien direct aux agriculteurs est un système adopté par les pays de l’Est lors de leur entrée dans l’Union européenne pour soutenir leur agriculture. A l’inverse du système de paiement dans les anciens pays de l’Union Européenne, comme la France, le régime de paiements directs est basé sur la surface, ce qui privilégie les grandes exploitations industrielles.
Ce rapport de transition permet aux agriculteurs de ces pays de continuer à bénéficier de subventions jusqu’au prochain cadre de révision de la politique agricole commune qui commencera en 2014. C’est la raison pour laquelle je l’ai soutenu, alors que dans le cadre de cette réforme, j’appelle à un système de prix rémunérateurs sur un volume de production contrairement au paiement sur la surface.
Ce système permettrait de remettre le travail et la qualité des produits au centre de notre agriculture, tout en assurant aux petites exploitations un revenu décent et une vision de long terme pour leur choix avec une stabilité des prix assurée.
Voici mon intervention lors de ce débat :
Monsieur le Président, je veux, moi aussi, féliciter notre collègue, Luis Manuel Capoulas Santos, pour son travail sur ce rapport.
La proposition transitoire qui nous est soumise est de bon sens. Nous la soutiendrons, même si je reste opposé au système de paiements découplés et d’aides à la surface. Le plus juste et le plus efficace est un mécanisme de rémunération basé sur le travail et non pas sur la surface, qui favorise une agriculture industrielle.
Je profite d’ailleurs de l’occasion pour dire qu’il faut réexaminer, à mon avis, dans le cadre du débat sur la réforme de la politique agricole commune, un mécanisme de fixation des prix de base pour un ensemble de données de production avec les modulations des aides en fonction des données géographiques, de l’emploi et de l’environnement.
Enfin, nous aurons à défendre, fermement je crois, le budget de la politique agricole commune pour les revenus agricoles, pour l’emploi, et en définitive pour la justice sociale et l’écologie.
Présidence chypriote
Mercredi 4 juillet le Président de Chypre a défini le programme de la présidence de l’Union européenne par son pays.
Lors du débat, Chypre a confirmé sa singularité. Singularité d’une île dont la partie Nord est toujours occupée par la Turquie – qui a fait savoir qu’elle boycottera la présidence chypriote -. Singularité de son Président issu du parti progressiste des travailleurs AKEL, et qui est l’unique chef d’Etat d’opinion communiste dans l’Union européenne. Et surtout singularité de son programme qui a fait de la promotion de la cohésion sociale et de la lutte contre la pauvreté sa première priorité.
Dans son intervention il a fustigé “les politiques néo-libérales, sans contrôle social et étatique, qui ont échoué. Car une économie libre est une chose mais l’impunité des marchés en est une autre. Il ne faut en aucun cas laisser nos sociétés à la merci des marchés et des intérêts qui les inspirent”. Il a ironisé face au Parlement en ajoutant: “Ne vous inquiétez pas, le communisme ne va pas nuire à l’Union européenne. Je ne vais pas faire la révolution, n’ayez crainte. Il s’agit de marier la rigueur budgétaire à la cohésion sociale et à la croissance”.
Il a ensuite énoncé les priorités de sa présidence. Avec les institutions en place, la présidence est surtout honorifique. Mais elle permet à l’Etat qui en a la charge de mettre les points qui lui tiennent à cœur en avant et d’organiser un agenda qui fait avancer ces dossiers.
Chypre ne déroge pas à la règle : à côté de la cohésion sociale, c’est la cohésion en matière de migration qu’elle veut mettre en avant afin d’arriver à la fin de l’année à un régime d’asile européen commun. Elle a également mis en avant la question du budget avec le bouclage des négociations du prochain cadre pluriannuel 2014-2020 du budget européen. C’est dans ce cadre que seront définis les fonds alloués à l’agriculture, aux fonds structurels, à la recherche etc.
Pour Chypre, qui, comme les nouveaux Etats membres, est très dépendante de ces fonds et surtout de ses relations avec l’Union européenne pour sortir de l’isolement que veut lui imposer la Turquie, la présidence est un moment important. Nous la soutiendrons donc pour porter une autre voix au sein du Conseil et aussi avancer la question de la partition de l’île depuis l’invasion turque.
Un accès pour tous aux services bancaires
Mercredi 4 juillet le Parlement a largement adopté le rapport de Jürgen Klute (GUE/NGL – Allemagne) sur l’accès aux services bancaires de base pour les personnes en difficultés.
Tente millions d’européens ne disposent pas d’un compte bancaire, pour six millions d’entre eux ce sont les banques rejettent leur demande. Ces services sont pourtant essentiels pour certains types de paiements (toutes les transactions électroniques par exemple, de l’achat sur internet jusqu’au paiement en ligne de ses impôts), mais aussi tout simplement pour recevoir son salaire sur un compte.
Le rapport de Jürgen Klute demande de limiter les interdictions aux antécédents de blanchiment d’argent ou au financement d’activités illégales. Il rejette ainsi toutes les raisons qui sont pricnipalement invoquées pour refuser l’accès à ces services : niveau de revenu, situation professionnelle, antécédents en matière de crédits etc. Il demande également une autorisation pour les “petits découverts” qui servent souvent à joindre les deux bouts.
Pour une fois, la Commission européenne et les élus de notre groupe sont sur la même longueur d’onde puisque les services du Commissaire Barnier ont déjà produit un document dans ce sens il y a un an. Le rapport de Jürgen Klute demande d’accélérer le rythme, avec une proposition législative d’ici janvier 2013 pour obliger les Banques à fournir ces services de base à tous.
La mobilisation citoyenne entraine un rejet massif de l’ACTA
En rejetant massivement mercredi 4 juillet l’accord ACTA (478 voix contre 39 et 169 abstentions), le Parlement s’est fait l’écho de la forte mobilisation citoyenne contre ce texte. Il n’a pas succombé aux sirènes des grands groupes qui ont souhaité cet accord et des gouvernements qui l’ont négocié en secret.
L’ACTA ou « Anti-Counterfeiting Trade Agreement » est un accord de lutte contre la contrefaçon qui vise la création d’une nouvelle architecture indépendante de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), ui conférant d’énormes pouvoirs sans que l’on sache précisément où s’arrêteront ses prérogatives et pouvoirs de sanction.
Négocié en catimini et sans aucune transparence depuis 2007 par l’Australie, le Canada, la Corée du Sud, les États-Unis, le Japon, le Maroc, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, Singapour et l’Union Européenne, cet accord a beaucoup inquiété les acteurs de la société civile que l’on avait volontairement écarté.
Les premières inquiétudes portaient sur les libertés civiles (le droit à la protection de la sphère privée) des citoyens des pays signataires, que l’accord rognait au nom de la lutte contre la contrefaçon. Il s’attaquait également à la neutralité d’internet en assignant aux fournisseurs d’accès un rôle de surveillance des contenus téléchargés par leurs clients. Par exemple, Médecin sans frontières s’était inquiété des conséquences sur l’accès aux médicaments génériques dans les pays en développement.
Au nom de mesures justifiées de protection de la propriété intellectuelle et de lutte contre la contrefaçon, cet accord s’affranchissait du respect des droits fondamentaux pour faire primer dans le plus grand secret ceux du commerce.
Une forte mobilisation s’est organisée contre ce texte partout dans le monde, trouvant au Parlement et en particulier au sein du groupe de la GUE-NGL, les Verts et les Socialistes, un relais à ses positions.
Pour retarder un désaveu, la droite du Parlement et la Commission ont constamment essayé de retarder le vote au Parlement, notamment en arguant de la nécessité de consulter la Cour européenne de justice avant tout positionnement.
Le Parlement européen a refusé de les suivre dans ces intrigues byzantines pour sauver le projet d’accord ACTA. Il n’a pas retardé son vote comme demandé en commission plénière et s’est massivement prononcé ce mercredi 4 juillet contre cet accord.
Ce cinglant désaveu du contenu comme de la méthode est avant tout le fait de la forte mobilisation des citoyens pour défendre leurs libertés. En s’exprimant, en alertant, en écrivant à leurs élus, en manifestant, ils ont fait échouer les pressions habituelles des gouvernements et des grands groupes pour imposer les textes qui les arrangent.
Je me félicite donc de cette mobilisation citoyenne contre ce texte liberticide. Elle a démontré son efficacité en mettant les élus du Parlement face à leurs responsabilités. Elle doit désormais continuer pour nous aider à défendre les acquis face aux logiques libérales et au poison de l’austérité.
Schengen, les députés contre la prise de pouvoir des Etats sur la circulation des personnes
Mercredi 4 juillet s’est déroulé un débat sur le respect par les Etats des règles de Schengen.
L’espace Schengen crée une zone de circulation entre pays signataires (toute l’Union européenne ainsi que la Suisse et la Norvège sauf le Royaume-Uni) sans visas et ni contrôles aux frontières. Depuis que certains Etats – comme la France -ont rétabli par à-coup des contrôles aux frontières entre pays signataires (ce qui est normalement interdit), un débat s’est de nouveau installé concernant cet espace. Depuis, la Commission et le Conseil s’affrontent pour définir qui aura le contrôle de l’espace Schengen.
Lors du débat, les députés ont dénoncé l’ambiguïté des positions de la Commission. Celle-ci cherche d’un côté à calmer les velléités des Etats de reprendre le contrôle de leurs frontières et de l’autre elle les ménage en cas de violation flagrante des règles de l’Espace Schengen.
Le meilleur exemple reste celui du rétablissement des contrôles à la frontière italienne par la France lors du printemps arabe (l’affaire du train Vintimille-Paris : ce train transportait de jeunes Tunisiens venant d’Italie. Ces derniers avaient été refoulés par des douaniers français). Dans cette affaire, la Commission a conclu que la France était restée dans la légalité même si l’esprit de la libre-circulation avait été “violé”.
A la suite de cette sérieuse entorse à la libre circulation, la Commission a accéléré son processus de réforme de Schengen. L’idée étant de ne pas laisser les Etats rétablir un “pilotage politique” du contrôle des frontières et donc s’arroger la possibilité de faire des contrôles quand bon leur semble.
Exemple type : les patrouilles de police aux frontières néerlando-belges, les contrôles aux frontières du Danemark, entre l’Allemagne et la République Tchèque etc… En tout, dix Etats ont fait l’objet de demandes de clarification de la part de la Commission. Mais celles-ci ne sont pas poussées comme l’a montré le cas français.
Pour le Parlement ce débat était surtout l’occasion de dénoncer l’accord conclu le 7 juin entre les Etats, qui permet les contrôles aux frontières.
Il suffit de désigner un Etat défaillant dans ses contrôles avec les pays hors de la zone Schengen et qui n’ a pas reçu l’approbation du Parlement européen. Le coupable tout trouvé a été la Grèce. Si une majorité d’Etat l’estime défaillante dans sa gestion des frontières, avec la Turquie par exemple, les Etats pourront remettre en place des contrôles sans être inquiétés et la Grèce sera encore une fois montrée du doigt.
Cornelia Ernst (GUE/NGL – Allemagne) a dénoncé “la soumission des règles communautaires aux décisions arbitraires des Etats”. Dans son intervention elle définit quatre points qui doivent être mis au centre du débat sur Schengen :
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Le contrôle de l’espace Schengen ne doit pas être totalement laissé aux Etats comme il est actuellement proposé,
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L liberté de mouvement doit être renforcée,
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La Commission doit tirer les conséquences des actions unilatérales des Etats et les décourager à l’avenir
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Le Parlement doit être impliqué dans toutes les décisions concernant Schengen.
Le Parlement soutient la réforme de la Cour de justice européenne
Le Parlement a soutenu à une très large majorité (584 voix pour, 26 contre et 7 abstentions et 591 pour, 26 contre et 7 abstentions) deux textes qui permettront à la Cour de justice européenne de fonctionner plus rapidement en augmentant le nombre de juges statuant sur les affaires qui lui sont soumises.
Ces nouvelles règles qui seront appliquées en automne devraient permettre à terme une réforme du système judiciaire européen en le rendant plus réactif et donc plus accessible. Les arrêts de la Cour de justice, du Tribunal de l’Union européenne et du Tribunal de la fonction publique permettent d’interpréter le droit européen et de faire appel de certaines mesures des Etats. Les délais importants dissuadent les recours.
En augmentant le nombre de juges ou en permettant à des juges comme les anciens de la Cour de réaliser des missions temporaires, cette réforme, basée sur des propositions de la Cour elle-même, devrait permettre de désengorger ou tout du moins de réduire les délais. Ce que nous avons soutenu.
Sommet Rio+20, déception ! Peu d’avancées !
Le Parlement a été unanime pour dénoncer le manque d’ambition et de résultats de ce sommet.
La déclaration finale du sommet a été très critiquée, car elle ne contient que des orientations dénuées d’objectifs contraignants ou de calendrier. Le Commissaire à l’environnement, Janez Potočnik s’est également montré déçu, la déclaration finale étant “moins ambitieuse que ne l’espérait l’Union européenne”.
L’UE reste finalement un des seuls grands acteurs de l’économie mondiale qui souhaite voir des objectifs de réduction des émissions de CO2 afin de limiter l’impact du réchauffement climatique. Dans son intervention, le Commissaire a fait un constat clair : “A Rio, aucun pays n’a atteint les objectifs qu’il s’était fixés. On s’est mis d’accord sur beaucoup d’éléments utiles. Maintenant il faut mettre l’accent sur la mise en œuvre. Rio est-il un succès ou un échec ? La réponse dépendra de ce qu’on fera de ce document”.
Kartika Liotard (GUE/NGL – Pays Bas) a ajouté :
“Je ne doute pas de vos bonnes intentions, mais je pense que nous sommes tous d’accord ici pour dire que les résultats de ce sommet Rio+20 sont très décevants.
Le but de ce sommet était d’arriver à un accord concret et des lignes directrices pour le développement durable. Malgré les couts de ce sommet et tout le tintamarre autour, rien n’a été fait.
Il est ridicule qu’à un sommet qui se déroule à Rio nous n’ayons même pas pu avancer sur la question de la déforestation. Si nous n’y arrivons pas là, où y arriverons nous ?” ajoutant que, chaque minute, c’est l’équivalent de la surface de trente-six terrains de football qui disparaissent du fait de la déforestation.
Un texte pour la Palestine malgré l’opposition franche de la droite
Jeudi 5 juillet le Parlement a voté contre la droite un texte dénonçant la politique israélienne dans les territoires occupés et demandant une reprise immédiate des négociations.
Par une courte majorité, (291 voix pour, 274 contre et 39 abstentions) les groupes progressistes du Parlement avec le soutien des libéraux ont réussi à mettre en échec la droite qui voulait faire tomber ce texte.
Et pour cause, celui-ci dénonce sans concession les conditions de l’occupation, la colonisation, les détentions -particulièrement le système de détention administrative qui se fait sans procès-, le blocus de Gaza et toutes les politiques qui réduisent la viabilité d’un Etat palestinien. En conséquence, le Parlement rappelle qu’il ne reconnaîtra aucun changement aux frontières de 1967 non-agréées par Israéliens et Palestiniens et réaffirme son attachement à une solution à deux Etats, avec Jérusalem-Est pour capitale du futur Etat palestinien.
Voici les passages auxquels nous avons participé pour obtenir le contenu le plus élevé possible :
1. réaffirme son appui sans réserve à la solution des deux États, sur la base des frontières de 1967, avec Jérusalem pour capitale des deux entités, avec l’État d’Israël à l’intérieur de frontières sûres et reconnues, et un État de Palestine indépendant, démocratique, d’un seul tenant et viable, vivant côte à côte dans la paix et la sécurité; […]
4. souligne que les négociations directes entre Israéliens et Palestiniens en vue de la solution des deux États doivent reprendre sans délai et conformément au calendrier préconisé par le Quatuor, afin qu’il soit mis un terme à un statu quo inacceptable;
5. exprime son inquiétude la plus profonde devant l’évolution sur le terrain dans la zone C de la Cisjordanie et à Jérusalem-Est, telle que décrite dans les rapports des chefs de mission de l’Union européenne, respectivement, en juillet 2011 sur la zone C et la construction de l’État palestinien et en janvier 2012 sur Jérusalem-Est;
6. insiste sur l’importance de la protection de la population palestinienne et de ses droits dans la zone C et à Jérusalem-Est, qui est essentielle à la viabilité de la solution des deux États;
7. réaffirme que toutes les colonies demeurent illégales au regard du droit international et demande au gouvernement d’Israël de cesser la construction et l’extension de colonies en Cisjordanie et à Jérusalem-Est et de démanteler tous les postes de contrôle érigés depuis mars 2001;
8. condamne fermement tout acte d’extrémisme, de violence ou de harcèlement perpétré par les colons au détriment de civils palestiniens et appelle les autorités et le gouvernement israéliens à poursuivre en justice les auteurs de tels agissements et à les faire répondre de leurs actes;
10. invite le gouvernement et les autorités d’Israël à remplir leurs obligations en vertu du droit humanitaire international […]
11. demande la fin de la détention administrative sans mise en accusation officielle ni procès, pratiqué par les autorités israéliennes contre les Palestiniens, l’accès à un procès équitable pour tous les détenus palestiniens et la libération des prisonniers politiques palestiniens, en particulier des membres du Conseil législatif palestinien, parmi lesquels Marwan Barghouti, et des détenus administratifs
14 […] maintient, dans ce contexte, son soutien à la politique de résistance non violente du président Abbas et ses encouragements à la réconciliation intra-palestinienne de même qu’à la mise en place d’un État palestinien
19. demande instamment, une fois encore, que l’Union européenne et ses États membres jouent un rôle politique plus actif, […]
20. renouvelle son appel à la levée immédiate, durable et inconditionnelle du blocus qui pèse sur la bande de Gaza pour les personnes […]
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L’issue de ce vote constitue un désaveu pour la Commission européenne. Elle avait exhorté les élus à sauver l’accord, au nom de la défense des intérêts économiques des entreprises. Depuis trois ans, des centaines de milliers de personnes ont manifesté contre l’accord, et une pétition contre Acta a recueilli 2,8 millions de signatures.