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EDITORIAL DE L’HUMANITE DIMANCHE
Notre critique du système institutionnel mis en place depuis 1958 porte sur la présidentialisation, l’abaissement du rôle du Parlement, un mode de scrutin ne respectant pas la réalité politique du pays. L’inversion du calendrier électoral voulue par M. Jospin a accentué tous ces traits négatifs d’un pouvoir de plus en plus concentré en de mêmes mains.
Mais, aujourd’hui, n’assiste-t-on pas à un « dépassement régressif » de ce système déjà dépassé ? Il s’installe imperceptiblement un nouveau régime, progressant vers le stade suprême d’une monarchie présidentielle, caractérisée par un césarisme à peine caché.
C’est l’une des leçons à tirer à la moitié du mandat de M. Sarkozy. Cette dérive tient certainement à la personnalité du Président élu il y a deux ans. Mais, au-delà, elle doit correspondre à la période historique nouvelle dans laquelle nous sommes entrés.
Celle d’une crise historique du capitalisme dont le caractère financiarisé et mondialisé accentue encore une guerre économique dont les dégâts sociaux et environnementaux sont trop sous-estimés. Nous ne sommes plus dans la tradition politique de la droite française telle qu’on l’a connue depuis la fin de la seconde guerre mondiale. De nombreux phénomènes ont ouvert la voie à ce qui se passe aujourd’hui, parmi lesquels : les bouleversements internationaux, les mutations sociologiques et industrielles, l’affaiblissement des syndicats, de la gauche de transformation, notamment du Parti communiste.
Au-delà, la nouvelle oligarchie a besoin de ce changement de régime et de dirigeants comme M. Sarkozy en France, Berlusconi en Italie, Brown au Royaume-Uni pour tenter de faire perdurer le capitalisme dans le violent ouragan de sa crise.
C’est le sens de la tentation d’installation de ce nouveau régime que ni les gesticulations médiatiques, ni un anti-sarkozysme primaire ne permettent de déceler, ni de combattre efficacement. Il y a besoin d’éclairer le fond de scène. Il est marqué par le service du capital, dans les conditions d’aujourd’hui. Il conduit au besoin d’accélérer les démolitions sociales pour les puissances financières. Pour en déblayer le chemin, il leur est devenu indispensable de diviser plus les individus entre eux, de brouiller un ensemble de valeurs issues de la tradition et de la culture politique française. C’est le sens des discours du Président de la République, s’appuyant sur des éléments du progressisme à la française pour mieux les enterrer et pour cacher le véritable basculement politique, social et démocratique qui est en train de se produire.
L’expérience des trente mois de gouvernement montre que ce n’est pas le travail que le sarkozysme valorise mais la rente, la banque privée, le profit. Avec lui, c’est ouvertement, la promotion permanente du dieu « Argent ». Songeons que la semaine dernière, le Parlement a délibéré sur la marchandisation des jeux en d’argent en ligne, alors que tout débat sur la rémunération du travail y est empêché par le pouvoir. Songeons qu’on banalise désormais la promotion de la « carotte-cagnotte-fric » dans les établissements scolaires sous l’égide d’un ministre prétendument d’ouverture. Les droits régressent. Les libertés sont entravées par le retour de fichiers de sinistre mémoire.
Au-delà de la concentration de plus en plus grande du pouvoir à l’Elysée, l’abaissement permanent du rôle du Parlement, le mépris des citoyens comme lors de la votation pour la Poste ou à propos du traité de Lisbonne, on peut parler d’une privatisation des institutions au service d’une caste.
L’énergie mise à faire de M. Sarkozy-fils, le président de l’Etablissement Public d’Aménagement de la Défense, n’en est qu’un révélateur parmi bien d’autres. Les élus de la majorité parlementaire eux-mêmes sont méprisés, les préfets, les commissaires de police et d’autres hauts fonctionnaires qui ne courbent pas suffisamment l’échine au gré des désirs du petit groupe qui siège au Palais, sont mis au pas ou relevés de leur fonction. La majorité elle-même est dirigée depuis l’Elysée dans un comité stratégique incluant l’ultra réactionnaire vicomte De Villiers.
L’affaire de la présidence de l’établissement public de la défense n’est pas une anecdote. Il s’agit du lieu de résidence de la plupart des entreprises françaises cotées en Bourse. Ce lieu où l’immobilier se transforme en or. Ce lieu où béton rime souvent avec corruption. Ce lieu stratégique pour faire du grand Paris une place financière internationale. Ce lieu d’où on veut écraser la commune populaire voisine : Nanterre et sa gestion sociale et solidaire, animée par l’union de la gauche sous la présidence de Patrick Jarry.
Concomitamment, c’est tout le socle de la République tel qu’il existait jusque là qui est attaqué. Le gouvernement compte peu. Le Parlement est rabaissé. Le nombre de décisions prises selon la procédure d’urgence augmente. Et au bouclier fiscal s’ajoute désormais, grâce au charcutage des circonscriptions, un bouclier électoral dont l’objectif est d’assurer à jamais une majorité de droite au Parlement.
La loi sur le réaménagement du territoire, en début de cette semaine, conduit à un démembrement total des structures territoriales et démocratiques du pays, pour répondre aux objectifs de l’Europe de l’argent et une réduction considérable du nombre d’élus de proximité.
Et l’élection des conseillers territoriaux en 2014 se ferait selon un scrutin majoritaire uninominal à un seul tour. Il s’agit ainsi d’éliminer à jamais les forces de transformation sociale, en enfermant le choix des citoyens dans un bipartisme de type anglo-saxon. Le socle démocratique et républicain français est désormais touché en son fondement. Et ce d’autant plus que tout cela conduit un nombre croissant de citoyens à se détourner de la politique elle-même : moins de 4 sur 10 ont participé dimanche à un scrutin, abondamment médiatisé, opposant un de nos plus grands champions au maire de la ville. Seul Nicolas Sarkozy peut se réjouir de cette grave et dangereuse désaffection électorale !
Pas un démocrate, pas un républicain qui ne soit concerné par de telles dérives, négations de l’intérêt général.
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Il me semble qu’il faudrait ajouter dans cette volonté d’imposer le bipartisme la mise en place par le PS de primaire a “gauche” qui est dans la suite de l’inversion du calendrier par Jospin et auquel il est fait référence au début. Une seule réponse est dans la réalisation d’une démarche politique commune de “frond de Gauche” et ce dès les régionales à venir!