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Il serait naturel, alors que la planète vient d’accueillir le 7 milliardième habitant, que le groupe des pays les plus importants du monde, appelé G 20, réuni cette fin de semaine, se donne l’objectif de faire respecter le premier des droits humains : celui de pouvoir se nourrir. C’est le contraire et la famine va encore s’amplifier. L’argent pour le surarmement, on le trouve ! Pas celui pour lutter contre cet inadmissible fléau du 21ème siècle, la faim, qui, comme Jean Ziegler l’écrit si bien dans un livre documenté qui paraît cette semaine, est une « arme de destruction massive ».
Au delà, un G 20, soucieux du devenir de l’humanité et de la planète, devrait lancer de grands projets pour le droit à l’eau potable, à l’énergie, à l’éducation, à la santé, au travail, au respect et à l’accès à la culture. Pour cela, il devrait s’évertuer à inventer un nouveau mode de développement humain durable, qui change progressivement les systèmes productifs dominants et certains modes de consommation. Il se fixerait l’ambition d’impulser un nouvel âge de la démocratie mondiale. De promouvoir un projet d’égalité entre tous les êtres humains, quel que soit leur lieu de vie, leur sexe ou leur origine. A cet effet, les chefs d’Etat et de gouvernement de ces vingt pays ne pourraient-ils pas lancer un appel mondial à tous les peuples et inviter tous leurs représentants à se réunir en une grande conférence mondiale exceptionnelle sous l’égide d’une Organisation des Nations-Unies rénovée, démocratisée, pour lancer ces grands projets afin que la vie s’améliore partout, que la justice gagne, que les menaces contre l’environnement reculent ? Cela obligerait à cesser les spéculations monétaires et celles sur les matières premières agricoles sans frontières, à réguler les échanges, à partager les coûts de grands programmes mondiaux pour la recherche, la santé, l’alimentation, l’énergie. On pourrait y parvenir en taxant les mouvements de capitaux spéculatifs, en asséchant les paradis fiscaux, ce qui libèrerait beaucoup d’argent pour agir en ce sens. Rien n’interdirait de décider de nouveaux mécanismes de coopération et d’échange, notamment avec les peuples arabes et africains. Les missions fondamentales du Fonds monétaire international et de la Banque Mondiale seraient radicalement changées et mises au service du bien commun humain. Pour combattre une concurrence meurtrière, la création d’une monnaie commune mondiale serait à l’ordre du jour. Elle permettrait des échanges équitables et de défendre le travail, les productions, l’environnement dans chaque pays. Un G 20, décidant enfin de changer l’orientation du monde pour la faire bifurquer vers ces choix, ne susciterait-il pas un formidable enthousiasme sur tous les continents ? Une dynamique populaire mondiale de nature à balayer tous les obstacles pour vraiment sortir de la crise ?
Croire que les maitres du monde le feraient serait rêver car leur seule préoccupation est de sauver les banques, les institutions financières et le un pour cent d’individus qui détient la quasi-totalité de la richesse mondiale contre les quatre-vingt dix-neuf pour cent de la planète, comme le dénonce le mouvement des indignés dans le monde entier. Croire à la faculté des peuples rassemblés d’imposer ces transformations profondes, a, à l’inverse, beaucoup de sens quand la lutte des classes à l’échelle internationale prend de nouveaux contours, une nouvelle vigueur, une nouvelle ampleur. L’unité des peuples contre les oligarchies financières et les démantèlements des systèmes démocratiques, peut être largement ressentie partout par des majorités de citoyens. Ce qui ressort du Sommet européen du 27 octobre dernier, après celui du 21 juillet et tant d’autres, le confirme amplement. Leurs résultats sont extrêmement préoccupants pour l’avenir des citoyens européens et de l’idée de solidarité européenne elle-même. Ceci de plusieurs points de vue. M. Sarkozy et la droite, qui depuis des années sacrifient notre industrie, notre agriculture, ainsi que les services, a consacré en une nuit la suprématie définitive des dirigeants et financiers de l’Allemagne qui dictent leur loi, sans jamais tenir compte de l’intérêt commun. Le Président français fait croire qu’il a obtenu un geste des banques en faveur de la Grèce alors qu’elle agonise et que le couple Merkel-Sarkozy s’est couché devant l’internationale des banques en négociant avec leur représentant, qui n’est autre qu’un ancien haut fonctionnaire du département d’état américain et de la banque américaine JP Morgan.
En vérité, les banques délestent les pays au nom du rachat de leur dette mais ce sont les Etats et donc les citoyens qui fournissent l’argent pour cette basse œuvre. Révoltant ! Ajoutons que M. Sarkozy a ouvert la voie à une mise sous dépendance totale de l’Europe et de notre pays aux fonds d’investissements privés et aussi à des pays émergeants comme la Chine ou le Brésil. Ce qui revient à relancer la spéculation d’une part et le libre échangisme intégral dans la concurrence pour l’industrie, l’agriculture et les services d’autre part. Tout ceci ouvre la porte à un nouveau tour de vis drastique contre les familles populaires au moment où le chômage augmente à nouveau et que les plans de licenciements reprennent dans de nombreux secteurs dont l’automobile. Enfin, M. Sarkozy, dans la lignée du Pacte euro plus, a signé sans mandat un texte dans lequel il transfère les choix économiques et politiques au contrôle direct des institutions européennes non élues notamment la Commission de Bruxelles (1), entérinant ainsi la destruction de la souveraineté populaire et nationale qu’il a pourtant pour mission de faire respecter.
Seule l’intervention populaire unitaire, rassembleuse, à l’échelle de chaque pays et du continent, imposera que les institutions financières principales et les banques soient nationalisées pour instiller un nouveau type de crédit sélectif en faveur de projets de relance économique, de développement humain, à partir de grands services publics démocratiques. La Banque centrale européenne ne doit plus être autonome. Elle doit avoir pour mission de racheter tout ou partie des dettes des Etats, notamment par création monétaire si nécessaire. Evidemment pour cela, devient urgente la relance d’un grand débat public concernant tous les peuples européens pour changer radicalement les traités européens. Laisser faire serait abdiquer nos choix économiques budgétaires et politiques. Abdiquer ce serait s’empêcher de changer quoi que ce soit en faveur des familles populaires.
Voilà quel sera l’un des chantiers auquel la gauche devra s’attaquer demain avec courage pour renégocier ces choix. Le Front de Gauche, qui a refusé le traité de Lisbonne et combat pied à pied le Pacte euro plus, devra porter cet enjeu avec beaucoup de force. Il ne s’agit ni plus ni moins pour nos concitoyens d’éviter un désastre. Voilà pourquoi les quatre-vingt dix neuf pour cent, c’est-à-dire la grande majorité, doivent se faire entendre avec force.
(1) : Paragraphe 26, alinéa 2 des conclusions du sommet du 27 octobre 2011.
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Merveilleux Jean Ziegler (comme vous Patrick), pourquoi n’est-il pas plus écouté. Personnellement, il me fascine. Quel humaniste….
La dernière fois que j’ai adressé la vidéo d’un discours de Jean Ziegler à mes contacts, j’ai reçu en retour, la réponse d’une femme, élue de son état : “merci de ne plus m’adresser les leçons des moralisateurs en tous genres qui m’insupportent tout autant que celles de prétendus spécialistes experts en tout et n’importe quoi.”
Direction “indésirables” pour ce contact ; ce n’est pas le premier malheureusement, et heureusement pour moi, puisque ceux qui m’entourent sont plus proches de mes aspirations.
Quand je pense qu’il est parfois question de mettre une taxe aux frontières, avec les produits chinois, si cela se met en place, nous allons être gâtés puisqu’il n’y a bientôt plus que cela.