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Le Commissaire européen à l’agriculture a présenté la semaine dernière les propositions législatives pour la réforme de la Politique agricole commune. Ainsi nous entrons dans une nouvelle phase de discussions qui va durer de nombreux mois, jusqu’à l’année 2013 au moins, pour élaborer une politique européenne qui s’appliquera pour les années 2014 à 2020.
Cette fois, la réforme fera l’objet d’une procédure de codécision entre la Commission européenne, le Conseil européen (composé des ministres de l’agriculture de tous les pays) et le Parlement européen. Cela peut donner un levier supplémentaire aux organisations syndicales, associations, aux élus locaux et nationaux pour interpeller les députés européens, le Conseil et la Commission.
Les documents rendus publics pèsent à peu près un kilo et rentrent dans une multiplicité de détails techniques sur lesquels il faudra être très attentif. Venons-en aux orientations générales. Certes, le Commissaire européen est moins brutal que son prédécesseur, énumère convenablement les défis à venir pour la planète, des enjeux alimentaires à ceux de l’environnement. Mais, à aucun moment, les choix européens ne se donnent les moyens de faire respecter un droit humain universel et fondamental : le droit à l’alimentation. Certes, des inflexions sont apportées dans les mots. Comme ceux concernant des aides directes plus ciblées vers les zones défavorisées, l’aide à la diversification des cultures, au pâturage permanent, un certain plafonnement des aides ou ce qui est appelé « l’agriculture de la connaissance », avec l’augmentation des moyens financiers pour la recherche et l’innovation. Encore qu’il ne soit jamais dit s’il s’agit d’aider plus la recherche publique ou privée. De même est avancé le projet de simplification de la PAC pour éliminer une part de la bureaucratie que subissent les agriculteurs.
Fondamentalement, les propositions législatives présentées ne constituent pas une réorientation des choix précédents. Au contraire, elles s’inscrivent dans le prolongement de la très négative réforme de 2003 qui s’était préparée dans le cadre du cycle de discussions de l’Organisation mondiale du commerce pour une « libéralisation plus grande des échanges internationaux ». Ce cycle n’est d’ailleurs pas terminé. Et les forces de l’argent et de l’agro-business poussent pour accélérer ses conclusions négatives. Lors de la précédente réforme, l’Union européenne avait anticipé des décisions de l’OMC en abaissant les prix à la production, tout en abandonnant tous les outils de gestion des marchés et en couplant les aides à la surface. Cette fois, les projets de modification de la PAC ont lieu en même temps qu’un débat sur la pérennité des volumes du budget européen. Il n’y a donc pour l’instant aucune certitude, aucune assurance donnée sur les moyens du budget européen, en cette période d’austérité pour les peuples.
Ainsi, l’une des questions principales reste celle du « libre échangisme intégral » et « du marché ouvert, où la concurrence est libre », qui écrase ici et ailleurs les petits et moyens agriculteurs, détruit les fermes et l’emploi, promeut une agriculture intensive de type industriel. Rien ne sert donc de faire semblant de soutenir une agriculture dite « plus verte » tant qu’on importera du soja et du manioc, produits à la place de grandes forêts tropicales pour développer en Europe des usines à lait et à viande, contre nos producteurs de lait et de fromage et l’élevage du Massif Central, sans parler des pollutions générées par le transport de ces produits par avion ou bateau.
Tant que les choix politiques agricoles seront insérés dans cet ultralibéralisme, on ne peut espérer de changements tangibles pour les paysans-travailleurs et nos campagnes.
Ainsi, la Commission ne propose pas de s’attaquer à la question principale de la rémunération du travail par des prix. Elle envisage simplement un « filet de sécurité au revenu » et une « clause de perturbation des marchés ». Cela pourrait être mieux que rien. Mais cela ne changera rien. Face à cette volatilité extrême des prix à la production, due à la spéculation, il n’est proposé ni système de régulation, à partir de la production, ni instrument de stabilisation des marchés. Or la Commission propose d’accepter cette volatilité en demandant aux agriculteurs de souscrire une assurance. Ces mêmes assurances qui sont en partie responsables de la spéculation sur les produits agricoles. Ce serait donc aux agriculteurs d’alimenter ces rapaces de la finance et de payer avec les contribuables les dégâts causés par l’ultralibéralisme.
Les quotas sucriers comme les quotas laitiers sont définitivement abandonnés et les droits de plantation des vignes supprimés. Ainsi, aucun mécanisme de maîtrise ou d’orientation des productions n’est envisagé pour obtenir des prix rémunérateurs et stables. Quant aux aides directes, elles continuent d’avoir un défaut majeur : celui d’un paiement à la surface et non une aide soutenant le travail, c’est-à-dire un paiement par actif travaillant sur les exploitations. De même, aucune indication nette et efficace n’est mise en débat pour une meilleure répartition de la valeur ajoutée dans la chaîne de production et de valorisation alimentaire. Pourtant l’une des causes principales de la baisse des revenus paysans est bien le pillage du travail par les secteurs économiques d’amont et d’aval de la production agricole.
Le projet de plafonnement des aides est positif. Mais le montant doit être abaissé pour soutenir réellement les petits et moyens exploitants. L’aide aux rotations obligatoires pour la diversification des cultures et l’aide aux prairies permanentes est intéressante. Par contre aucune proposition nouvelle n’est avancée pour lancer en Europe un grand plan protéines, pourtant indispensable pour notre souveraineté alimentaire, la valorisation des territoires et l’environnement et les équilibres économiques.
On le voit, toutes celles et ceux qui agissent pour la souveraineté alimentaire, une rémunération convenable du travail paysan, la défense de l’emploi agricole, agro-alimentaire et rural, la valorisation de tous les territoires, doivent s’emparer de ce débat, s’engager pour influencer la nature des propositions pour une réforme progressiste de la PAC, favorable au travail et à la vie rurale.
Des idées nouvelles émergent en ce moment, dont certaines que nous défendons ici depuis des décennies pour peser sur le cours des choses. Mettons-les plus largement en débat. C’est du droit fondamental à l’alimentation pour toutes et tous, c’est de la sécurité alimentaire dont il s’agit.
A voir également : l’émission Europe Hebdo (LCP/Public Sénat) du 21 octobre “La nouvelle PAC avec l’exemple polonais” (cliquez ici)
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Il ne faut pas oublier les “biocarburants” qui n’ont rien de bio et que j’appelle plutôt “nécrocarburants” puisqu’il s’agit d’aliments qui passent dans le réservoir des voitures alors que des milliers de personnes souffrent de la faim, et que des enfants meurent à cause du manque d’eau et d’alimentation !
Bruxelles fait du patin sur place !
“des idées nouvelles”.
Il est grandement temps d’occuper l’espace des supports médiatiques disponibles pour informer sur les actions des élus du Front de Gauche d’au moins 30% de propositions, de débuts de solutions et de perspectives positives.
Plus particulièrement, les journaux se cassent la figure les uns après les autres également à cause du fait que les informations qui sont publiées sont toutes tellement négatives, ou inintéressantes, ou grossies voire grotesques que les gens s’en détournent. Il faut absolument ouvrir toutes les perspectives maintenant !
Bien que totalement urbain depuis ma jeunesse, j’ai beaucoup apprécié la manière claire de présenter par P LH la situation des agriculteurs et de l’agriculture. Il est évident qu’il s’agit d’un problème de société essentiel : sans les paysans et leur travail; pas de vie urbaine, pas de production industrielle. Il faut tout faire pour maintenir,voire développer une agriculture faisant bien vivre ceux qui y travaillent et qui doivent en vivre correctement. Si des aides sont nécessaires, elles doivent aller aux hommes et non aux groupes entre les mains directes ou indirectes multinationaux. Le PCF et autres vrais partis de gauche européens et mondiaux, doivent mieux mobiliser dans les campagnes mais aussi dans les villes : il faut trouver des pratiques alternatives aux grandes manifs et aux grèves pour que les paysans se sentent concernés et impliquent les urbains.