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A quelques jours des élections cantonales, tout est fait pour détourner les électrices et les électeurs des urnes et pour brouiller les cartes. Voici une nouvelle campagne tendant à faire croire que Mme Le Pen sortirait en tête du premier tour de l’élection présidentielle.
Certes, des sondages réalisés à plus d’un an de l’élection présidentielle alors qu’on ne connaît toujours pas le nom des candidats, et dans les conditions où ils l’ont été, restent aléatoires. Cependant, ils indiquent et confirment des tendances sur lesquelles nous alertons ici depuis des mois. En tout état de cause, ils deviennent par eux-mêmes, un outil politique qui peut influer sérieusement sur le choix des électeurs. Ces résultats coïncident avec l’enquête de la Sofres, pour le Figaro Magazine, qui existe depuis trente ans –et qui s’est révélée plutôt fiable- qui montre un affaissement sans précédent du Président de la République. Huit français sur dix ne font en effet plus confiance au chef de l’Etat.
Examinons ces données. En quoi sont-elles un outil politique de nature à influencer le choix des électrices et les électeurs ?
Remarquons d’abord que, depuis plusieurs mois, les citoyens sont placés devant une incroyable situation où les tests d’opinion se font en référence aux idées nauséabondes de l’extrême-droite. Ceci dans un climat où, de M. Zemmour à M. Galliano, le racisme, voire l’hitlérisme sont banalisés ou réhabilités, tandis qu’est promotionnée Mme Le Pen.
Maintenant, les éventuels candidats pouvant se trouver au second tour de l’élection présidentielle, ne sont évalués qu’en fonction d’un score éventuel de cette dernière. Comme si il était devenu évident que le second tour se jouerait forcément entre elle et M. Sarkozy ou un candidat socialiste. Une telle opération peut donc servir à influer sur les primaires internes du Parti socialiste en plaçant M. Dominique Strauss-Kahn au-dessus des autres candidats potentiels. Une part de l’opération consiste donc à en appeler, à gauche, à un homme prétendument providentiel en la personne du directeur général du FMI ! Tout un programme !
Surtout, c’est un terrible piège pour la gauche de transformation sociale et les écologistes qui, face à un tel scénario, seraient sommés une nouvelle fois de voter prétendument utile, dès le premier tour. Ils seraient mis ainsi dans l’impossibilité de choisir librement leurs candidats, voire même poussés à les retirer. Tel est pour une part le but de ces manœuvres. C’est diabolique ! Cela répond aux demandes de la finance internationale qui souhaite qu’au moment où le capitalisme fait la démonstration de son incapacité à résoudre les graves problèmes auxquels est confrontée l’humanité, et alors que les révolutions arabes montrent que les peuples peuvent prendre leur destin en main, le choix soit limité entre l’ultralibéralisme et le social-libéralisme pour mettre en œuvre peu ou prou la même politique.
Contrairement à ce que pensent des gens de bonne foi qui, pour donner un coup de pied dans la fourmilière, choisissent le vote Le Pen, cela n’améliorera en rien leur situation, ne réduira pas leurs insupportables souffrances. Au contraire ! Cela enfermera nos concitoyens dans le capitalisme financier qui les écrase. L’extrême-droite n’a nulle part, amélioré le sort des travailleurs. Elle a toujours et en tout lieu défendu les intérêts des forces de l’argent contre les peuples et leur démocratie. Il faut d’urgence mener la discussion avec des travailleurs, des retraités, des citoyens, écœurés qui disent « on n’a plus rien à perdre ». Au contraire ! Ils ont encore beaucoup à perdre, de leurs droits sociaux jusqu’à leur liberté. Et l’utilisation de Mme Le Pen ne sert qu’à déporter la politique du côté droit, du côté des puissants.
Venons-en maintenant aux causes de la montée de l’extrême-droite. Car elle est réelle. Elle est plus qu’inquiétante. Elle est observée dans plusieurs pays européens. Elle s’est accélérée après le discours de M. Sarkozy à Grenoble, fustigeant les Roms et les étrangers, les rendant responsables de l’insécurité. Et toute l’orientation politique de M. Sarkozy, depuis des mois, n’a abouti qu’à banaliser l’extrême-droite et Mme Le Pen, à tel point que peu à peu les barrières qui existaient jusque là entre la droite et l’extrême-droite tombent. Une partie des électeurs de droite s’en inquiète d’ailleurs beaucoup. Et je suis au regret de devoir dire clairement que les grands médias qui ont participé à la campagne interne du Front National en valorisant Mme Le Pen ont eux aussi une grande part de responsabilité. A moins que dans certains cercles sarkozystes, on ait pensé que le meilleur dispositif électoral pour le second tour de la présidentielle était d’aboutir à un duel Le Pen – Sarkozy pour assurer la réélection de ce dernier.
L’objectif de la droite sarkozyste est de déporter la totalité du débat sur ces valeurs puantes ou sur l’insécurité qui n’a pas reculé malgré les coups de menton présidentiels pour éviter le débat fondamental. L’extrême-droite comme toujours pousse sur le terreau des souffrances sociales aggravées, des promesses non tenues et de la crise politique, voire même des prémices d’une crise des institutions et de la République que M. Sarkozy a piétinées. Evidemment, le Président de la République ne peut pas, sans de graves difficultés, affronter le débat fondamental : celui qui porte sur les résultats catastrophiques de sa politique économique et sociale, alors que la principale préoccupation de nos concitoyens reste la forte insuffisance de leur pouvoir d’achat, le chômage et le précariat. Ils savent, peu ou prou que les gouvernants veulent leur faire payer la crise, pendant que les plus fortunés continuent de s’enrichir. La promesse de la réhabilitation du travail ou des salaires s’est révélée mensongère aux yeux de l’immense majorité de nos concitoyens et plus encore à ceux qui avaient voté Sarkozy qui enragent d’avoir été trompés.
Dans ce contexte, le pouvoir sarkozyste croit pouvoir s’en sortir en déplaçant les questions. Il crée de toutes pièces un débat sur l’islam et utilise le concept de la laïcité, sorte de nouvel épisode grotesque du pseudo débat avorté sur l’identité nationale, en créant un climat de peur. Il a été jusqu’à justifier le dernier remaniement gouvernemental en mentant effrontément puisqu’il a affirmé qu’il découlait des conséquences des révolutions arabes avec ses mots qui pousseraient selon lui « à des flux migratoires devenus incontrôlables et au terrorisme ». Rien de tel pour exciter les peurs au service de l’extrême droite. Il va même jusqu’à imputer la hausse du prix du pétrole à ces mouvements de démocratisation. Rien de tel pour camoufler les agissements rapaces des spéculateurs. L’image subliminale renvoyée est de justifier son soutien, jusqu’au dernier moment, à des dictatures qui maintenaient « l’ordre » et la « stabilité ». N. Sarkozy reste dans la droite ligne du discours de Grenoble sur l’équivalence entre immigration et insécurité.
Cet amalgame heurte le cœur de tous les humanistes, quelles que soient leurs opinions. Qu’à cela ne tienne, le chanoine de Latran décide de compléter sa panoplie par un tour de France de génuflexions dans toutes les églises catholiques de France. A mille lieux de ce que doit porter dans ses activités publiques un Président de la République laïque française ! La République sociale est chaque jour défigurée. C’est l’insécurité sociale qui nourrit l’insécurité. C’est l’application de la « réforme générale des politiques publiques », qui n’est pas autre chose que le démantèlement de nos services publics, la réduction d’emplois d’enseignants, d’infirmières, de médecins, de magistrats et de policiers, qui nourrit des tensions et l’insécurité. Quand, après avoir entendu tant de promesses de responsables politiques divers, seize millions de personnes ont du mal à joindre les deux bouts à la fin du mois. Quand six millions vivent avec moins de 720 euros par mois, alors que les profits des grandes entreprises vont dépasser 80 milliards d’euros, dont la moitié sera reversée en dividendes à quelques actionnaires, la désespérance gagne. La recherche de solutions extrémistes aussi. Il en a toujours été ainsi en période de crise. Il y a donc bien danger.
La gauche dans son ensemble a aussi sa part importante de responsabilités. Une partie d’entre elle donne le spectacle ahurissant de primaires alors que nos concitoyens souffrent jusqu’à ne pas savoir vers qui se tourner. Or, la gauche et l’écologie politique, dans leur diversité, devraient s’atteler, non pas à la bataille des egos, mais à la guerre contre la pauvreté, le chômage, la mal vie et la mise à mal de la planète. Telle devrait être leur unique obsession. Le Front de Gauche pourrait y jouer un grand rôle et être cette grande innovation politique au service de l’expression populaire et d’un véritable changement progressiste. Pour y parvenir, il doit s’ouvrir à toutes celles et ceux qui recherchent du côté gauche des issues à la situation actuelle. Ce ne sera possible que s’il s’attache, en permanence, à devenir une création commune, capable d’agglomérer, de fédérer diverses cultures de gauche, à condition de se placer résolument au cœur de cette dernière, et non pas à sa périphérie, sous peine d’inefficacité et d’être perçu comme facteur de division. Ce Front de gauche de nouvelle génération a vocation à favoriser un débat politique susceptible de s’élargir en permanence à des socialistes, des écologistes, des syndicalistes, des militants d’associations diverses, pour ensemble, faire front pour un nouveau progressisme à la française. Ecarter tout ce qui est politicien, inciter les militants dans leur diversité à une démarche ouverte, constructive pour se lever face à toute injustice, toute humiliation, toute expulsion, tout en portant un programme de législature –une sorte de nouveau contrat social et écologique- permettant d’améliorer la vie quotidienne de celles et ceux qui n’en peuvent plus de cette vie et qui craignent pour leur avenir, telle devrait être la feuille de route.
Le pouvoir d’achat et un travail sécurisé grâce à une nouvelle répartition des richesses et une nouvelle manière de les produire, l’égalité et la justice sociale grâce aux services publics, à la protection sociale, une attention nouvelle portée à l’enseignement et à la recherche, une autre fiscalité et un nouveau crédit, la démocratisation de la société et des pouvoirs aux travailleurs à l’entreprise, un projet audacieux pour les jeunes, la transformation de l’Union européenne et la coopération avec les pays du Sud, le désarmement et la paix, devraient être l’armature simple d’un tel programme.
De ce point de vue, un grand combat de toute la gauche et des écologistes devrait être lancé maintenant contre le projet de pacte de compétitivité concocté par M. Sarkozy et Mme Merkel.
Voilà qui nous ramène à l’importance des élections cantonales du 20 mars. Elles ont lieu juste un an avant l’élection du Président de la République et des députés. Après le découpage des circonscriptions, le vote aux cantonales va reproduire des mécanismes électoraux souvent à l’œuvre pour les législatives. Certes, il s’agit d’élire des conseillers généraux. Mais c’est aussi l’occasion de faire reculer la droite tout en bloquant les ambitions de la dangereuse extrême-droite et de placer partout des candidats du Front de gauche en situation de faire gagner une gauche utile, rassemblée, combative, au service de l’amélioration de la vie quotidienne de nos concitoyens et d’un ancrage du côté des attentes populaires.
En menant campagne, refusons de laisser la vie politique tourner autour de la seule référence à Mme Le Pen. Mettons les idées progressistes au cœur du débat.
La gauche est face à de grandes responsabilités, pas pour quelques unes de ses têtes d’affiches, mais pour le pays, au service du peuple.
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Excellent édito, hélas bien ancré dans l’actualité.
Et, enfin, apparaît un peu moins timidement, l’importance fondamentale du programme. (Combien de temps devra-t-on subir les conséquences de l’amertume (de Georges Marchais?) d’avoir perdu la bataille du programme commun et d’avoir été floués(aurait-il pu en être autrement par les “gérants loyaux du capitalisme?)…
Manque encore l’auto critique concernant le maintien des communistes au pouvoir (de 1997 à 2002) : notre “gestion loyale du libéralisme” (pour payer nos permanents ?) n’est pas, non plus, pour rien dans la radicalisation du “lumpen proletariat”.
Surtout, il manque cette rigueur et cette volonté proclamée et démontrée d’être une référence (un recours?) du point de vue de l’honnêteté politique. Quand on pense que Le Pen et sa fille ont pu s’engouffrer dans l’espace déserté des “mains propres”. Eux!
Ce qui peut sembler un détail aux grands stratèges, est un élément fondamental de jugement, et donc de choix, au niveau des bureaux, des usines, de la rue.
Comment, pourquoi laisser ce terrain à ceux qui en sont si peu digne.
Ce n’est pas cultiver la nostalgie paralysante que de rappeler nos valeurs qui faisait notre fierté et, je crois, notre audience:
“Le parti n’existe pas pour lui-même, mais pour servir le peuple” (des alliances politiques ou des silences ne doivent donc pas primer sur les choix politiques);
“Paix et désarmement” : cette lutte historiquement, source de centaines de milliards de fonds non attribués aux politiques sociales, qu’est-elle devenue ces trente dernières années?
“Nous disons ce que nous faisons et nous faisons ce que nous disons”, formule qui plaisait tant aux militants de base et qui est synonyme de pérennité politique, qu’en a-t-il été?
Et surtout, surtout, la lutte, fondamentale pour un parti démocratique (a fortiori, révolutionnaire), pour un programme clair, répété, martelé, structuré, chiffré, illustré de programme de gouvernement de changement radical, s’attaquant au capitalisme (dont nous n’osions même plus prononcer le mot entre 1983 et 2008 !).
Le mouvement communiste a (encore) en lui suffisamment de valeurs et de capacité de propositions pour ne rien affadir de son identité révolutionnaire. Il n’a nul besoin de se comporter ni en comptable de postes à garder, ni en nostalgique d’une époque révolue.
Nous avons encore les outils : continuons à faire notre vrai métier.