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Contre toute évidence, la Commission de Bruxelles, fidèle à ses pratiques, avait rédigé un rapport où elle contestait que la montée des prix des matières premières était le résultat de la spéculation, organisée par les fonds financiers et les grandes banques. Nul ne conteste les accidents climatiques, la croissance de la demande mondiale, résultant des augmentations de populations et d’une amélioration du pouvoir d’achat dans certains pays, dont la Chine, qui permet d’améliorer leurs rations alimentaires. Mais, ce n’est pas la pénurie qui menace à ce jour. Les stocks de céréales qui étaient de 428 millions de tonnes en 2008, sont de 525 millions de tonnes actuellement. C’est donc le système de régulation mondiale, l’achat et la revente pour faire du profit qui font monter les matières alimentaires et le pétrole.
L’un des grands manitous des placements financiers aux Etats-Unis, un certain M. Rogers, pariait la semaine dernière sur un prix du baril de pétrole passant à 200 dollars. Ceci augmenterait de fait tous les coûts. On sait aussi que les liquidités injectées dans le système financier américain, ou les aides que donne la Banque centrale européenne aux banques qui font d’énormes profits en reprêtant aux Etats, permettent cette spéculation inadmissible sur les matières premières.
Pour camoufler cela, c’est-à-dire les méfaits et les drames que génèrent les tables de la loi des traités européens, de « la liberté totale de circulation des capitaux », « des marchandises », donc des matières premières, la Commission a écrit dans un document non rendu public : « Il n’y a aucun élément probant qui atteste d’un lien de causalité entre les marchés des dérivés et la volatilité excessive et la hausse des prix des marchés physiques ». C’est toujours ainsi que procède la Commission. Elle écrit des rapports justifiant par avance sa politique, sans jamais d’avis, ni d’expertise contradictoire.
Derrière cette tentative se cache celle plus fondamentale de justifier l’ultralibéralisme en agriculture. Celle de donner une orientation encore plus libérale à la réforme de la Politique agricole commune. Sous couvert de prix de matières premières élevés, l’objectif est de poursuivre la destruction des mécanismes de soutien public, notamment pour revenir à un mécanisme de prix de base garantis à la production. Cette opération de la Commission européenne et la situation réelle où les paysans vivent de plus en plus mal, où la famine se développe, où les consommateurs paieront plus cher pour manger, ne rend que plus indispensable encore le débat qu’a lancé notre journal « la Terre » sur la prochaine réforme de la Politique agricole européenne. Partout, incitons, impulsons, aidons ce débat et les actions nécessaires en direction de la Commission de Bruxelles. D’autres choix existent dont :
– Le respect des souverainetés alimentaires par continent avec la mise en place de prix minima à la production, rémunérant d’abord les petits et moyens paysans ;
– La mise en place de mécanismes de stockage publics, pour réguler les approvisionnements et empêcher la spéculation sur l’alimentation ;
– Des aides publiques au développement des cultures vivrières. La part de l’agriculture dans l’aide publique au développement représente environ 44 milliards par an. Les dépenses d’armement s’élèvent à 1500 milliards de dollars ;
– Il faudra aussi trouver de nouveaux mécanismes s’inspirant de la préférence communautaire avec des droits de domaines variables aux frontières pour des objectifs sociaux écologiques et d’indépendance alimentaire de tous les peuples.
L’indignation et la révolte des peuples contraindront les puissants de ce monde et les institutions à leur service à bouger, à changer et à laisser leur place à des processus démocratiques de construction d’une nouvelle Europe et d’un nouveau monde.