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La coulée de communication gouvernementale et les intrigues de Palais dans le quartier parisien des ministères, alors que des milliers de personnes ont disparu sous l’enchevêtrement de boue et de tôles à Mayotte, frisent l’obscénité.
Les images sont pourtant terribles : celle de ce jeune garçon assoiffé qui ouvre la bouche vers le ciel pour tenter d’aspirer quelques gouttes de pluie à l’occasion d’une rare averse ; celle de ces autres enfants qui viennent de marcher une bonne heure pour rapporter à leur maman un peu d’eau qu’ils ont récupérée dans l’une des sources de l’archipel ; celle encore de ces enfants errant dans la boue infestée de déchets qui jonchent Mayotte.
Comme dans une sorte d’hiver mahorais, les verdoyantes collines sont devenues marron. Les cocotiers dénudés, aux palmes arrachées, sont métamorphosés en trouées longilignes. Les fragiles bidonvilles ne sont plus qu’amas de tôles déformées et tranchantes, détachées des poutres continuant de porter leurs clous, augmentant encore le nombre de blessés.
Mayotte, la dévastée, la délaissée, la désespérée crie ses douleurs. Nos concitoyens l’entendent et se mobilisent massivement pour leur venir en aide avec les associations et les municipalités.
Le cyclone a été d’autant plus ravageur que tout, à Mayotte, est précaire, les bangas comme les vies humaines.
Après la sidération viennent l’incompréhension et la colère. Nos sœurs et frères mahorais n’ont pas besoin de cette communication ministérielle ou présidentielle avariée. Ils ont, dans l’immédiat, besoin d’eau potable, de nourriture, d’électricité et de matériaux solides pour construire et reconstruire leurs habitations afin de pouvoir se protéger en urgence. C’est le rôle de l’État de leur venir en aide.
D’exceptionnels moyens doivent et devront être déployés, en n’hésitant pas à rechercher de l’aide européenne et internationale. Mais, du haut de leur morgue, ceux qui dirigent la sixième puissance mondiale refusent, par exemple, de demander l’aide du voisin Madagascar capable, grâce à ses usines de traitement, d’apporter de l’eau potable en quantité suffisante.
Dans cette sixième puissance mondiale, tel un roi visitant ses sujets dans le malheur, il se trouve un président de la République qui croit qu’une famille peut vivre avec une bouteille d’eau et quelques boîtes de sardines.
Quand devant lui s’agglutinent des femmes, des enfants, des hommes affamés, assoiffés, parfois blessés ou en deuil, il ne sait rien faire d’autre que de les insulter : « Si vous opposez les gens, on est foutus, parce que vous êtes contents d’être en France. Parce que si ce n’était pas la France, vous seriez 10 000 fois plus dans la merde ! », leur a-t-il asséné. Voilà le niveau du nouveau bourgeois gentilhomme de l’Élysée ! Très proche du deuxième sous-sol ! Et, comme son ultra droitier et sinistre ministre de l’Intérieur, il a moins vu le malheur et le désespoir que la « nécessité de durcir la lutte contre l’immigration » et s’en est à nouveau pris au droit du sol. Comme si les réseaux d’eau potable détériorés, les réseaux d’assainissement inexistants, les réseaux électriques non enfouis étaient de la faute des étrangers. Comme si l’insuffisance en moyens pour la santé ou l’école était de la faute de l’immigration. Et que dire d’un département de notre République « une et indivisible » où le niveau du smic et des minima sociaux est très inférieur à celui en vigueur dans l’Hexagone et où le niveau moyen des retraites est de 600 €. Pourquoi le méprisant de la rue du faubourg Saint-Honoré et de la station balnéaire du Touquet se sent-il obligé de dire aux Mahorais dans le malheur qu’ils devraient « se sentir heureux » comparés à plus pauvres qu’eux ?
Décidément, les mandataires du capital n’ont qu’un rêve : que tous les êtres humains descendent un à un tous les barreaux de l’échelle jusqu’au dénuement.
C’est le même raisonnement qui conduit à comparer les salaires pratiqués à Pau à ceux de Lisbonne ou de Madrid, ceux d’Amiens à ceux de la banlieue de Varsovie. Dans quel objectif ? Abaisser tous les salaires et les retraites. Raisonnement typique des serviteurs du capital et, s’agissant de Mayotte, des colonialistes. C’est ainsi avouer en creux qu’on se satisfait, dans ce territoire que la France a exigé d’administrer contre l’avis de l’ONU, d’un taux de pauvreté de 77 % et d’un taux de chômage de 34 %. Un département dans lequel la dotation globale de fonctionnement par habitant est de 125 €, alors qu’elle est de 381 € dans la Creuse et de 564 € en Lozère, collectivités pourtant sous-dotées en comparaison des Hauts-de-Seine ou de Paris.
Celui qui préside l’État qui devrait être républicain refuse de reconnaître le cheminement par lequel la misère enveloppe Mayotte de sa dureté. Un État qui ne fait rien pour combattre les inégalités sociales et environnementales. Un État qui laisse dévaster la terre et les corps.
Un colonialisme qui ne dit pas son nom, mais qui s’inscrit en lettres grises dans le sous-développement, les infrastructures défaillantes, le manque d’eau, d’écoles et d’hôpitaux, le refus de déployer les moyens indispensables pour aider les populations à faire face au réchauffement climatique et à la perte de la biodiversité.
La France, qui a acheté Mayotte en 1841, l’a laissée végéter en périphérie de la puissance qu’elle compte déployer dans l’océan Indien pour participer aux grandes manœuvres du monde de l’argent et des marchands, dans le canal du Mozambique, et aux assourdissants chambardements militaires face à la Chine. Pourtant, les nécessités de l’heure appellent à rechercher les coopérations pacifiques et humanistes, et à prendre la tête du combat pour le développement harmonieux de tous les pays alentour de Madagascar, aux Comores et au continent africain.
À l’opposé des imbéciles salves du méprisant de la République, c’est un traitement commun de tous les problèmes communs à tous les humains qu’il faut rechercher, en poussant vers le haut les sécurités sociales, humaines et environnementales.
La colère des dépossédés, à qui le capitalisme ne laisse rien que les miettes rassies d’un monde qu’on leur refuse, ne doit pas étonner. Elle est plutôt saine. Et des élus, des parlementaires de toute opinion politique à Mayotte la partagent.
Nous partageons cette interpellation de Frantz Fanon dans Les Damnés de la terre : « La décolonisation, qui se propose de changer l’ordre du monde, est un programme de désordre absolu. » Avec les peuples mahorais et tous ceux des périphéries, un tel programme devient une requête vitale, un grand cahier de doléances portant en lettres d’or les demandes de justice sociale et de justice climatique en même temps qu’un nouvel ordre démocratique dans lequel s’appliqueraient au moins les lois communes de la République.
Au lieu de criminaliser en permanence les populations marginalisées, au lieu de laisser courir un rance racisme, nos communs combats doivent obliger les pouvoirs politiques et économiques à tenir compte des recommandations du GIEC qui a maintes fois alerté sur les risques de telles catastrophes et à déployer une politique internationale qui réoriente les astronomiques sommes, aujourd’hui consacrées à la course aux armements, vers la lutte contre les modifications climatiques. Là, comme ailleurs, les plus exposés, les plus vulnérables sont ceux qui ont le moins profité du système économique, mais subissent le plus violemment ce que celui-ci génère : le désastre écologique. Il met à l’ordre du jour de nos consciences et de nos combats, le grand projet d’évolution révolutionnaire vers notre commune humanité.
Celle qui se manifeste déjà en actes avec l’immense mobilisation populaire aux côtés des associations, des municipalités, dans l’engagement courageux des agents publics nationaux, territoriaux et de ceux des services de santé.
La même mobilisation doit se prolonger pour que tous les moyens soient déployés pour réparer des vies humaines traumatisées. Oui, « réparer les vivants », pour reprendre le titre de l’émouvant livre de Maylis de Kerangal.
Mobilisation aussi pour obtenir de l’État et de l’Union européenne qu’ils s’engagent à aider à la reconstruction ou à la construction des habitations, des infrastructures et des villes autrement, en tenant compte des dérèglements climatiques. Mieux, en créant avec les populations un espace original d’expérimentations pour de nouvelles conditions de vie qui permettent d’affronter les colères de la nature.
Espérons que le Parlement puisse se saisir de cette tragédie pour en tirer toutes les conséquences. En effet, en pareille situation, à Pau ou au Touquet, on aurait sans doute mieux anticipé, mieux sécurisé, évacué, relogé, et plus vite. À Mayotte, on compte les morts et les blessés, on constate les larmes aux yeux, les dégâts, et le pouvoir des méprisants s’affaire dans d’interminables mécanos politiques pour sauver le capitalisme, tout en accablant des personnes dans le malheur et en faisant le tri des êtres humains selon leur situation juridique. Mayotte n’appelle ni Chido ni le méprisant. Elle appelle la République !
Patrick Le Hyaric
23 décembre 2024
2 commentaires
Merci Patrick le Hyaric pour ce beau texte d’Humanite !!!
Un matin de Noël cela fait du bien.
Joyeuses fêtes malgré tout Camarade !
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