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C’est au moment où les déchirements et les fracas du monde, où de nauséeux brouillards tentent de camoufler et d’étouffer raisons progressistes et repères de classe que nous est enlevé Jérôme Skalski.
Son cœur en crise a refusé d’aller plus loin. Il lui a refusé de continuer à bêcher le terrain humain et celui des idées, celui de la philosophie et de l’histoire. Sa grande stature d’haltérophile, son visage parfois sans expression, son assurance, cachaient un être sensible, surement tourmenté par l’avenir, aux contrariétés à fleur de peau, mue de milles passions, de milles recherches, de milles éruditions. Il avait les goûts des passeurs de savoirs, des passeurs de neuf. Il était à la fois enseignant et journaliste, défricheur et débatteur.Passioné et passionnant. A l’époque de la révolution des casseroles en Islande puis celle des indignés d’Espagne comme celle de la jeunesse rebelle de « Occupy Wall Street » aux Etats Unis se manifestaient, comme des mouvements prometteurs, il vint rejoindre mon équipe d’assistants à L’Humanité. Très vite je fus convaincu qu’il pouvait enrichir les pages « débats –Tribunes et idées- de nos journaux que je voulais renforcer tant il est indispensable pour nous toutes et tous que L’Humanité soit cet espace de partage d’idées progressistes et marxistes alors que les nouvelles traductions de Marx nous donnent des matériaux nouveaux pour les combats aux côtés d’autres penseurs qui ont émergé durant toute cette période. Autant de travaux qui régénèrent le communisme et nous sortent de sa caricature. Ainsi au sein de cette rubrique animée par Pierre Chaillan il enrichira considérablement nos journaux. Il nous enrichira nous-mêmes de l’étendue de ses connaissances, de ses passions, de ses insistances. Avec l’ensemble du service « tribunes –idées » Il mit L’Humanité en lien avec une multitude de penseurs, d’intellectuels déplissant des idées neuves, libérant le résultat de leurs recherches lors de grands entretiens ou lors de débats s’étalant sur plusieurs pages. Ainsi vit la création intellectuelle, la création communiste dans sa diversité. Il fut l’un des animateurs des belles journées « Agora » de L’Humanité que nous avons organisée durant quelques années. Dans la revue La Terre, il décortiquait chaque trimestre l’histoire, l’odeur, la saveur d’un produit. Tel était Jérôme : pluridisciplinaire, penseur de l’avenir, démêleur d’idées, décortiqueur de textes, discuteurs ou parfois rêveur. Cette image de lui debout scrutant l’horizon sous la visière de sa casquette en disait long de lui. En silence il songeait sans doute dans ces moments des temps long de l’émancipation humaine. Cela pouvait lui jouer des tours car dans un journal, et surtout pour cette rubrique dont les thèmes sont décidées plusieurs semaines à l’avance , il ne faut pas oublier de rendre à l’heure le compte rendu de tel débat, tel reportage, tel entretien sinon c’est la rubrique et parfois le journal en son entier que l’on met, malgré soi, en difficulté. Il faut donc trouver cette difficile dialectique et le regard sur l’horizon et le bouclage quotidien d’un journal.
Les pierres que Jérôme a apportées à L’Humanité s’ajoutent à celles de toutes ses grandes plumes, à l’image des « agrégés » qui entouraient Jaurès dès sa fondation. Jérôme aura été de cette lignée d’intellectuels qui sans cesse ont augmenté L’Humanité. Qu’il soit remercié de cette œuvre. Nous continuerons à nous en inspirer.
En ces temps où il faudrait remettre le monde à l’endroit, à l’heure où la question d’un audacieux et nouveau processus communiste de rassemblement et de lutte au quotidien par-delà les échéances électorales, se pose dans les soubassements des colères et des aspirations actuelles Jérôme va manquer à notre travail, à nos débats et combats communs.
Que sa compagne, sa famille, toutes et tous ses proches trouvent ici l’expression de notre reconnaissance et de notre soutien en ces moments si difficile.
Patrick Le Hyaric
2 novembre 2024
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