Non, à la guerre

le 5 mars 2024

Tout en refusant l’envoi de troupes au sol sur le territoire ukrainien, l’immense majorité des citoyens raisonnables s’est demandé si la déclaration de M. Macron, le 26 février dernier, était une bévue ou une provocation. Le président de la République leur a répondu le 29 février en assurant que chacun de ses mots a été « pesé » et « mesuré ».

Les services de la présidence ont même demandé à la presse de bien relire la déclaration qui confirme que ce sujet a bien été évoqué au cours de la réunion des chefs d’État et de gouvernement, précisant que les discussions concernaient seulement l’envoi de troupes « de manière officielle, assumée et endossée ».

Bien lire ce membre de phrase, c’est disposer d’un éclairage inquiétant. Il veut exactement dire qu’il y a déjà des militaires occidentaux sur place. Le journal « The New York Times » a révélé, le 25 février, que depuis 2014 la CIA a implanté douze bases secrètes en Ukraine et formée les services ukrainiens à l’espionnage à grande échelle de la Russie tout en faisant exécuter des responsables russes ou séparatistes.

Des sources militaires ukrainiennes révèlent que « tous les États alliés sont présents en Ukraine ».

C’est ce qui conduit le chancelier allemand à refuser, pour l’instant, de livrer des missiles Taurus d’une portée de 500 kilomètres, car il faudrait selon lui accompagner cette fourniture, des militaires pour les faire fonctionner. Dans une déclaration à une agence de presse allemande, il fait ce terrible aveu : « Ce qui est fait concernant le ciblage de la part des Britanniques et des Français ne peut pas être fait en Allemagne ».

Il sous-entend donc que les deux alliés seraient déjà présents sur le sol ukrainien.

Une explication du président de la République et du gouvernement à la représentation nationale devient indispensable.

N’oublions pas l’autre proposition de M. Macron de partager l’arme nucléaire française avec les autres pays européens. Il n’a pas précisé si chacun des 28 chefs d’État aurait accès au bouton déclenchant le feu nucléaire. Quel dangereux aventurier ! L’arme nucléaire n’existe que pour un État-nation, pour la dissuasion et pour n’être utilisé que si ses intérêts vitaux sont menacés. Les intérêts vitaux de l’Estonie ou de Chypre ne sont pas les mêmes que ceux de La France ou de la Grande-Bretagne.

Nous sommes ici à la limite de la co-belligérance. Les répliques du maître du Kremlin aux déclarations de M. Macron sont cinglantes, violentes et très inquiétantes. « Les conséquences de telles interventions seraient tragiques » a-t-il menacé. « Les dirigeants occidentaux doivent comprendre que, nous aussi avons des armes capables d’atteindre des cibles sur leurs territoires. Tout ce qu’ils inventent en ce moment, en plus d’effrayer le monde entier, est une menace réelle de conflit avec utilisation de l’arme nucléaire et donc de destruction de la civilisation ». Glaçant ! Effarant et effrayant !

Le fait que la presse chinoise ait relevé « le ton inhabituel de Poutine » sur l’utilisation de l’arme nucléaire ajoute encore à l’épouvantable caractère de ces déclarations. La simple menace de l’utilisation de l’arme nucléaire est un enjeu sérieux dans les relations internationales, puisque les conventions internationales garantissent une sécurité absolue contre les attaques nucléaires. Comment les peuples pourront accepter plus longtemps d’être sous la menace atomique destructrice de l’humanité. Ce sont ces armes qu’il faut détruire et non pas la vie sur terre !

Il y a urgence à appeler à la désescalade et à rechercher une voie pour le cessez-le-feu et la paix. Les États-Unis ne le feront pas, car ils savent que cette abominable et injustifiable guerre qui tue, blesse et mutile des Ukrainiens bouche l’avenir des enfants, troue la peau de jeunes Russes, affaiblie l’Union européenne. Celle-ci est sommée de verser 50 milliards à l’Ukraine, alors que la précarité et la pauvreté y bat des records.  

Une cohorte d’anciens militaires de haut rang à la retraite et de journalistes déguisés en spécialistes se contredisant d’un mois à l’autre, nous abjure de suivre le président de la République dans sa croisade guerrière au nom de « nos valeurs » européennes. En vérité, il s’agit plutôt des « valeurs » sonnantes et trébuchantes des forces du capital qui investissent partout dans l’armement engraissant des dividendes de la guerre les oligarques de part et d’autre.

Ils croient pouvoir contenir les dramatiques effets de l’austérité et de la destruction des capacités de production en développant l’industrie d’armement dont les cotations boursières sont au Zénith.

C’est le sens du plan d’investissement pour renforcer l’industrie d’armement en Europe présenté cette semaine par la Commission européenne. Celle-ci ne trouve pas de moyens pour le développement social et environnemental, mais elle envisage un fond de 100 milliards d’euros pour le développement militaire.

De son côté le pouvoir russe développe la même stratégie mortifère.

Ces armes sont bien destinées à servir et à nourrir la guerre d’usure engagée par la Russie contre l’Ukraine. Les seules victimes de cette course à l’abîme sont les peuples sommés d’accepter le concept « d’économie de guerre ».

S’y soumettre reviendrait à subir de nouvelles souffrances sociales et de nouveaux risques pour les libertés publiques. Voici que certains cercles influents des milieux d’affaires proposent en plus de « l’impôt de sang » envisagé par M. Macron de lever « un impôt de guerre ».

Face aux névroses guerrières des fondés de pouvoir du grand capital, il est urgent de toutes nos forces de faire primer le combat pour la paix. S’il y a une valeur à défendre, c’est celle de « l’économie de paix ». Celle d’un monde de justice et de paix. L’absurde thèse selon laquelle « il faudrait se battre jusqu’au dernier Ukrainien » n’est que la plongée dans l’obscurité du premier acte du drame fatal qui peut survenir à tout moment.

Il n’a pas de sécurité dans le surarmement et la guerre alors qu’il y a tant à faire pour sauver le climat et gagner le bien-être humain et animal, éradiquer la famine et les maladies. L’Europe doit cesser d’être un supplétif des États-Unis et leurs projets de domination, utilisant le droit international selon leurs volontés hégémoniques, dans une totale hypocrisie, comme on le voit dans leur soutien et la fourniture d’armes au pouvoir d’extrême droite israélien qui étouffe et détruit Gaza.

Le devoir de la France, puissance nucléaire et membre du conseil de sécurité de l’ONU n’est pas de s’aligner sur les intérêts américains. Notre pays ne peut non plus continuer à être affaibli, moqué, raillé, ridiculisé par les positions changeantes du président de la République sur cette guerre comme sur celle que livre le pouvoir israélien au peuple palestinien.

Les travailleurs, les citoyens, les créateurs doivent faire entendre de puissantes voix pour le cessez-le-feu et la paix à Gaza, en Ukraine ou au Congo et ailleurs.

Réclamer la paix n’est pas être un suppôt de Poutine. C’est refuser de marcher comme des somnambules jusqu’à la guerre totale.

Ce sont nos mobilisations qui obligeront la France à s’engager dans la construction d’une coalition pour la paix en lien avec la Chine, l’Inde, l’Afrique du Sud et tant d’autres avec le possible parrainage du Pape, en s’appuyant sur le droit international et la souveraineté territoriale.

Au lieu de laisser le char de la guerre passer sur nos corps, et ainsi ouvrir les voies du chaos, il est temps de s’atteler avec l’ONU et quelques pays non-européens à dresser la table des négociations et envisager la construction d’un mécanisme garantissant la sécurité de tous les pays européens dont la Russie et l’Ukraine qui ainsi n’aurait aucune raison d’entrer dans l’OTAN. Organisation militaire agressive qu’il faudra bien dissoudre.

Pour obtenir la paix, il faut préparer la paix. Absolument.

Patrick le Hyaric

4 mars 2024


6 commentaires


chb 9 mars 2024 à 23 h 05 min

Oui, des conseillers, formateurs, techniciens spécialisés et autres militaires font déjà la guerre à la Russie. La fourniture d’armes sur le champ du conflit, déjà une co-belligérance, est interdite par les règles de l’UE, et pourtant elle dure et participe de l’escalade qu’on se plaît à imputer à l’ennemi (incarnation du mal). L’Europe espace de paix met même le grand braquet pour nous plonger tous dans la guerre !
Sous divers prétextes “humanitaires”, cette pratique a mis de l’huile sur le feu par exemple en Libye ou en Syrie, jusqu’à permettre une punition de l’Hitler du moment et de sa population rétive à notre morale impériale.
Le parlement suivrait-il un chemin plus pacifique, s’il lui était donné de se prononcer ? J’en doute. Corrompus ou juste incapables de contredire le pouvoir, les élus sont eux aussi tombés dans le panneau d’un Zelinski démocrate et d’un peuple ukrainien attaqué sans raison. Marteau pilon médiatique aidant, bien des français sont persuadés qu’il est légitime, et même moral et courageux, de censurer et sanctionner tout ce qui est russe, et du coup de plomber notre économie, notre industrie, nos services publics pour battre le Kremlin et tous ses affiliés. Plus besoin des épouvantails communiste puis islamiste pour engraisser les marchands d’armes et répandre misère et destruction : un bon plan comm’ et c’est reparti… comme en 40 ?
Patrick Le Hyaric oppose à ce processus mortifère une diplomatie apaisée, aux côtés d’autres partenaires que les fous de l’OTAN : chiche qu’on fait la révolution ?
Perso, je n’y suis pas prêt, mais ce serait utile. Et urgent.

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