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Céline, Ciara, Domingos, c’est ainsi qu’ont été baptisées, les tempêtes et fortes pluies successives qui se sont abattues sur le pays. Ces beaux prénoms sont devenus synonymes de cauchemar pour des milliers d’habitants, de commerçants, de paysans, d’entrepreneurs, du Pas-de-Calais et de quelques autres départements.
Des centaines de familles ont perdu leur maison acquise au prix d’une vie de labeur. Les fruits du travail paysans sont détruits et les productions agricoles à venir fortement hypothéquées. Les locaux, les stocks et les outils de travail de très nombreux commerçants, artisans et entreprises sont également détruits. De multiples équipements sont hors d’usage. Les voies de communication, les axes routiers et les liaisons ferroviaires sont dégradés.
Seule la solidarité entre habitants, la mobilisation héroïque des secours, des agents des services publics et des élus locaux ont permis aux familles plongées dans un profond désarroi de tenir debout. Et voici qu’aujourd’hui, ces populations vont devoir faire face à une dure vague de froid.
Nombre de nos concitoyens du nord de la France sont d’autant plus dégoûtés, démoralisés, désespérés, qu’ils subissent ces intempéries pour la seconde fois en l’espace de deux mois. Nos cœurs se serrent, et notre émotion nous envahit à la vue de ces situations dramatiques, de ces souffrances et de ces angoisses, de leurs larmes aussi.
Les spécialistes expliquent que nous avons subi cet automne, les effets d’un puissant courant stratosphérique, alimentant les dépressions qui traversent l’Atlantique Nord, au-dessus de la moitié nord de la France. Puis la combinaison de la géographie et de la géologie qui oriente l’eau de pluie vers des vallées étroites et plates, ralentit l’écoulement de manière d’autant plus importante que le niveau moyen de la mer augmente régulièrement.
Devons-nous pour autant considérer cette situation comme fatale et verser des larmes de crocodile avec les ministres venus sur place en balade, costume bien taillé, souliers cirés, comme en balade pendant que les sinistrés pataugent dans la boue glacée.
Nos gouvernements ont toujours bien plus d’idées quand il s’agit de sauver une banque que pour protéger les populations victimes d’intempéries et de pertes dont ils ne sont en rien responsables. Mis à part de bonnes paroles, le gouvernement n’a rien à proposer de concret pour venir en aide aux habitants et aux élus, alors que les compagnies d’assurance gavées de profits financiers tardent à évaluer les dégâts et à faire connaître les modalités d’indemnisation.
Alors que partout dans le monde, des évènements climatiques d’ampleur se multiplient, que depuis des années de multiples experts, géographes ou géologues alertent sur les risques, le gouvernement s’est permis d’abaisser d’au moins 30 millions d’euros les ressources des plans de prévention des risques d’inondations, au nom, de ce fameux critère de la « réduction des dépenses publiques ».
Où est la fameuse solidarité européenne qui aurait pourtant permis aux équipes de secours et de protection ainsi qu’aux élus, de disposer de dizaines de grosses pompes, permettant d’évacuer l’eau et de limiter les dégâts ?
À quel moment le gouvernement va-t-il se décider à demander officiellement à bénéficier des fonds de secours et de solidarité européens, avec l’objectif de compenser à 100 % les pertes et les réparations à des populations qui subissent déjà la violence de l’inflation et la stagnation des rémunérations ?
Il est désormais avéré comme l’ont montré des chercheurs du CNRS et leurs homologues italiens que la hausse des précipitations est liée aux modifications climatiques.
Le cycle de l’eau est perturbé. Cela signifie que nous assisterons alternativement à des sécheresses plus fréquentes et plus longues puis à des séquences pluvieuses tout aussi intenses. Il semblerait qu’il faille désormais s’attendre à une augmentation des pluies hivernales dans la partie nord de la France, alors qu’on s’attend à une diminution du cumul des pluies dans la partie sud. Ceci n’empêchant d’ailleurs pas de fortes pluies ponctuelles. Il convient donc d’élaborer des politiques nouvelles et de se donner les moyens de les mettre en œuvre.
Dans l’immédiat, il y a urgence à déployer la solidarité nationale, à débloquer les fonds nécessaires pour permettre aux habitants, aux paysans, aux commerçants et entrepreneurs, soit de réparer maisons et outils de travail, soit de reconstruire dans des lieux plus sécurisés. Cela doit se faire, en lien avec la Banque centrale européenne, avec une mobilisation du secteur des banques et assurances pour avancer les crédits non remboursables indispensables aux populations, aux collectivités locales, aux entreprises, pour leur permettre de repartir de l’avant.
Évidemment, il faut désormais aller beaucoup plus loin. Il s’agit d’aider à bâtir des projets de vie sécurisée partout sur le territoire, en tenant compte des modifications climatiques, dont une multitude de nos concitoyens prend conscience avec gravité et parfois dans la souffrance.
Les collectivités publiques doivent disposer de moyens nouveaux considérables pour entretenir les canaux et les fossés afin d’évacuer l’eau des polders vers la mer du Nord.
Les conclusions doivent être tirées de la trop grande artificialisation des sols par des zones industrielles, des parkings et des équipements construits dans les fonds plats des vallées. Il faudra sans doute revenir sur le bétonnage et le goudronnage qui empiète sur la vie des sols et donc celle de la nature. Il est aussi nécessaire relancer la plantation de haies qui permet de ralentir le ruissellement de l’eau, et favoriser les cultures dans les champs tout au long de l’année. Bref, il est urgent de prendre des dispositions pour ne pas subir l’insécurité climatique qui s’avance avec ses terribles effets. Pour la vie humaine, la santé et la vie économique. Il ne suffit plus de parler de transition environnementale ou de planification écologique. Des actes politiques de haute portée sont urgents.
Patrick Le Hyaric
8 janvier 2024
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