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C’est la 35e fois que les États-Unis opposent leur veto à une résolution de l’ONU afin d’exonérer Israël de l’application du droit international.
Ils ont réitéré un vote de soutien à la guerre que mène Israël, lors de l’assemblée générale qui s’est tenu le mardi 12 décembre en ne s’associant pas aux 153 autres pays qui ont réclamé dans une résolution » une trêve humanitaire immédiate, durable et soutenue, menant à la cessation des hostilités » et la libération des otages. Les États unis se sont donc retrouvés aux côtés d’Israël dans l’infime minorité des 10 pays qui ont voté contre ce texte. 23 pays s’abstenant.
Le veto que l’impérium a utilisé le 8 décembre dernier contre la résolution pour « un cessez-le-feu humanitaire » constitue un inquiétant point de bascule. Ils ont été les seuls, sur les 4 autres États membres permanents du Conseil de sécurité et les 15 votants, à utiliser le prétendu « droit de veto »* contre la résolution présentée en urgence par les Émirats arabes unis, à la demande du secrétaire général des Nations unies. La Grande-Bretagne s’est, pour sa part, abstenue. Justifiant l’urgence de la réunion du Conseil de sécurité, M. Guterres avait alerté sur « un risque grave d’effondrement du système humanitaire » à Gaza et activé – fait rarissime – l’article 99 de la charte des Nations unies au nom du droit humanitaire. Dans un tel contexte, le veto américain constitue un feu vert supplémentaire donné aux droites et extrême droite israéliennes pour poursuivre leur destruction de la bande de Gaza, continuer à semer la mort, à répandre le sang des enfants, à éventrer les hôpitaux et les écoles, à pousser les familles palestiniennes, tel du bétail, dans la peur, l’errance, le dénuement, les déplaçant au gré de l’effroyable tapis de bombes que déverse l’État colonial, sans ménagement ni cœur sur des innocents.
En encourageant ainsi les crimes israéliens, l’auto-désigné « leader du monde libre » meurtrit un peu plus les valeurs communes de l’humanité au nom d’une prétendue « guerre de civilisations ». Laisser faire reviendrait à enfouir profondément le droit international sous les gravats de Gaza. Il est sans doute difficile de trouver un État dit « démocratique » qui, sur une période de deux mois a déversé tant de bombes sur un territoire si réduit, détruisant tant de vies humaines et d’équipements civils. Le veto de Washington est donc un blanc-seing au règne de la barbarie. Il sera interprété comme une jurisprudence aux conséquences catastrophiques.
Le prétendu « droit de se défendre » est devenu un permis de tuer, un droit de tout détruire. Les alertes et les cris d’alarme des responsables des agences de l’ONU ou du Comité international de la Croix-Rouge ne sont reçus que par le mépris par les dirigeants israéliens et étasuniens, pourtant présentés comme les « phares de la démocratie » dans les cercles de la bien-pensance occidentale.
Les Nord-Américains ont motivé leur veto par la crainte qu’une telle trêve, « planterait les graines d’une future guerre ». Quelle abominable farce ! Pendant qu’il prononçait ces mots, M. Biden décidait, sans vote du Congrès, la vente de 45 000 obus pour les tanks Merkava de l’armée israélienne qui tuent les femmes et les enfants de Gaza. Ces bombes que fournit le complexe militaro-industriel étasunien, sur demande du président démocrate, aux forces d’extrême droite israéliennes, préparent-elles le labourage sanglant de la bande de Gaza avec des semailles de fer et de mort, les remugles de la haine ?
Pendant ce temps, les dirigeants du Hamas sont désignés comme « meilleurs ennemis », placés au centre des conversations mondiales alors que des délégations conjointes israélo-étasuniennes viennent à Ramallah reléguer l’autorité palestinienne au rôle de supplétif du maintien de la paix en Cisjordanie. À Gaza, on détruit tout pour éjecter les Palestiniens de l’enclave et à Hébron, Naplouse et Jérusalem, on vole leurs champs et leurs maisons.
Le directeur exécutif d’Amnesty International aux États-Unis, M. Paul O’Brien accuse le gouvernement nord-américain « de tourner le dos aux souffrances des civils et à la catastrophe sans précédent à Gaza ». Quant à l’ONG Human Rights Watch, elle a mis en garde M. Biden contre le risque d’accusations de « complicité de crime de guerre » en continuant à fournir des armes au bourreau tout en le couvrant diplomatiquement.
Les États-Unis se sont une fois de plus isolés pour les intérêts de leurs marchands d’armes, de leurs groupes technologiques et leurs velléités régionales. Cent pays ont soutenu la résolution mise au vote : c’est dire l’ampleur de la fracture qui secoue le monde, mais aussi sa dangerosité à l’heure où les guerres commerciales, les guerres économiques intra-capitalistes, préparent les chocs militaires au risque de mettre l’humanité en péril. Ces tensions entre intérêts économiques de quelques firmes pétrolières – et de pays plus soucieux des pétrodollars que du sort de leurs populations – et la lutte contre les mortifères gaz à effet de serre se sont manifestées avec force à la conférence de Doha sur le climat.
Les « doubles standards » et « deux poids, deux mesures » dans l’application du droit international s’ajoutent dramatiquement aux inégalités sociales, économiques, environnementales qui poussent à la désespérance des populations en souffrance, rendues impuissantes par un système capitaliste et des impérialismes qui ont besoin de travailleurs soumis et d’une jeunesse placée dans de multiples insécurités, privée d’avenir.
Les combats pour la paix et le droit sont donc éminemment politiques et, pour une grande part aujourd’hui, indissociables. Le droit peut être une arme pour construire la paix et sauver notre humanité commune du naufrage. Cela implique d’être vigilant et de ne pas se laisser impressionner par le rouleau-compresseur idéologique et politique qui écrase tout repère et toute raison.
Ainsi, le concept de « droit de
se défendre » ou de « légitime défense » d’Israël face à la
barbarie du Hamas ne peut être invoqué. En effet, selon la 4e
Convention de Genève, cette caractérisation est inapplicable à un territoire
occupé : la légitime défense ne vaut que contre un agresseur extérieur.
Ajoutons que l’offensive guerrière d’Israël bombardant sciemment des civils,
des journalistes, des médecins, des personnels des agences de l’ONU ou d’ONG et
organisant la famine, les privations de soins et les déplacements forcés de
population est totalement contraire au droit humanitaire, et fera l’objet de
dépôts de plaintes. Ce même droit interdit de bombarder des équipements civils
comme des hôpitaux ou des écoles sauf à avoir préalablement, et dûment,
démontré qu’ils abritent des combattants.
Ainsi non content de ne pas appliquer une multitude de résolutions de l’ONU, d’enfreindre depuis des décennies le droit international, Israël bafoue le droit humanitaire, tord le droit « à se défendre » et ne respecte aucune règle du droit à la guerre. Il le fait avec l’impunité que lui accordent l’Union européenne et les États-Unis.
Les peuples et les travailleurs en
action ont donc une part de la solution entre leurs mains, en agissant pour
suspendre les relations économiques, commerciales et militaire tant que le
gouvernement israélien ne respectera pas le droit international.
Donner encore plus de force au mouvement de soutien à la cause palestinienne
est de l’intérêt de la paix et de la sécurité des Israéliens dont une part
seulement, à cette heure, a pris conscience que le messianisme religieux et le
nationalisme désormais théorisé et soutenu par les extrêmes droites européennes
et nord-américaines le met en danger. En effet, la politique israélienne
s’éloigne sans cesse de la déclaration d’indépendance de 1948 prônant
« une complète égalité de droits sociaux et politiques à tous ses
citoyens, sans distinction de croyance, de race ou de sexe ».
Ces nouvelles extrêmes droites et
droites extrêmes ont pour projet de faire advenir un nouvel « ordre des
États nationaux » contre la Déclaration universelle des droits de l’homme
(ONU, 1948) puisque ce nationalisme « refuse de transférer les pouvoirs du
gouvernement à des institutions universelles** ». Voici qui éclaire les
diatribes des ministres israéliens contre l’ONU et son secrétaire général.
Pourquoi les démocrates nord-américains et une partie des progressistes
européens se fourvoient-ils sur ces dangereux chemins du nationalisme, porteur
de barbarie et de guerre ? Attention au retour du monde vers le
tragique !
Il faudra bien pourtant soutenir toute initiative d’institutions ou de juristes qui saisissent la Cour pénale internationale (CPI), en vertu du Statut de Rome qui définit le crime de guerre dans son article 8 et le crime contre l’humanité dans son article 7. Ajoutons qu’en raison du caractère généralisé et systématique de l’offensive guerrière contre les populations, des juristes en appellent à l’article 6 qui caractérise « le crime de génocide ». La Cour internationale de justice***, pour sa part, doit rendre un arrêt sur « l’occupation de territoires palestiniens depuis 1967 » au cours de l’année 2024.
Agir. Agir sans cesse pour l’existence de deux états c’est agir pour l’application du droit international. Celui-ci ne peut être que le résultat de la construction d’un rapport de force internationaliste. N’hésitons pas à demander l’acte de reconnaissance officielle au président de la République soucieux « parait-il « de l’État de droit.
Jamais, nous ne devrions oublier que le préambule de la Charte des Nations unies commence par ces mots : « Nous, peuples des Nations unies, résolus à préserver les générations futures du fléau de la guerre… » La Charte investit donc les peuples du droit, mais aussi du devoir les uns vis-à-vis des autres, d’agir pour le respect des lois internationales. L’application du droit est bien un combat.
Patrick Le Hyaric
13 décembre 2023.
* Le « droit de veto » n’existe pas comme tel dans le droit international.
** C’est la thèse exposée par le philosophe et théoricien israélo-nord-américain , président de l’Institut Herzl de Jérusalem, Yoram Hazony, dans son livre traduit en une vingtaine de langues, Les Vertus du nationalisme.
*** Il faut distinguer la Cour pénale internationale (CPI), mise en place en 2002 et basée à La Haye (Pays-Bas), et la Cour internationale de justice (CIJ), organe juridictionnel de l’ONU institué en juin 1945 et dont le siège se trouve aussi à La Haye.
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jwmxbb