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La pandémie de Covid-19 est un événement propre à rebattre bien des cartes. On le pressentait mais voilà que l’actualité le confirme : le plan de relance annoncé par le nouveau président états-unien Joe Biden indique un changement de paradigme économique comme l’Histoire en réserve peu : 1900 milliards injectés immédiatement dans l’économie, puis 2300 milliards de dollars sur 10 ans, augmentation de la fiscalité des entreprises. Bien loin des théories des économistes libéraux européens qui squattent nos plateaux de télévision et du gouvernement comme de la droite.
Il convient de prendre la mesure des bouleversements à l’œuvre. L’ampleur de ce plan de relance est telle, et son financement si différent des précédents, qu’il aura sans aucun doute des conséquences au très long cours sur l’activité mondiale, l’organisation des sociétés et la géopolitique, du même ordre que ce que furent, dans des registres forts différents, le choc pétrolier et le tournant monétariste néolibéral, ou le New Deal de Roosevelt et le plan Marshall.
Ce plan puise sa source dans le constat fait par l’administration Biden que les années de fuite en avant néolibérale, de confiance aveugle dans les vertus du marché libéré de toute contrainte, si elles ont comme rarement permis de garantir la domination du capital sur le travail, ont en même temps et en conséquence produit des effets économiques et politiques désastreux, mettant en danger le système lui-même : les mauvaises allocations du crédit laissé aux mains de la finance ont laissé des secteurs stratégiques en lambeaux ; la financiarisation extrême de l’économie pour contrebalancer la baisse des gains de productivité s’est traduite par une explosion des inégalités et une pression continue exercée sur les droits sociaux et les conditions de travail, et par une exploitation démesurée des ressources naturelles accélérant la crise climatique ; la concurrence fiscale mondiale exacerbée a encouragé les délocalisations et affaibli les États, faisant naître un sentiment de déclassement propre à raviver les flammes d’un populisme nationaliste.
Cette maltraitance du corps social – pour assurer les profits des entreprises et le rendement du capital – débouche partout sur une crise profonde de la démocratie et l’émergence de courants nationalistes. Comment garantir la pérennité du système quand il craque de toutes parts, d’autant plus vite et fort avec la pandémie et ses conséquences ? Telle est l’équation que Joe Biden s’attelle à résoudre.
Voilà donc la principale puissance capitaliste contrainte à un compromis historique. Un compromis de type Keynésien ou social-démocrate reposant sur une « croissance verte », la réindustrialisation et le développement des secteurs sociaux laissés à l’abandon par un capital en roue libre.
Ce plan de relance replace donc l’action politique au cœur de l’économie. Après une année de ralentissement sévère du système productif mondial et de croissance négative, les dirigeants démocrates ont considéré que l’occasion d’une relance caractérisée pour maintenir la puissance nord-américaine au centre du jeu mondial ne devait pas être loupée. La balle a donc été saisie au bond, et de la plus spectaculaire des manières.
Tout d’abord par l’ampleur des masses monétaires mobilisées, à donner le tournis : 1 900 milliards de dollars injectés immédiatement dont une part considérable dans les ménages avec 400 milliards sous forme d’aides directes à destination de millions de Nord-Américains, auxquels s’ajoute un programme d’investissement de 2 300 milliards de dollars pour la prochaine décennie ciblant notamment les infrastructures. Cela donne en détail, pour en rester à quelques exemples, 213 milliards pour le logement social, 100 milliards pour les infrastructures électriques et la même somme dans l’école publique, 115 milliards dans les infrastructures routières, 80 milliards pour le ferroviaire, 66 milliards pour la distribution d’eau et l’assainissement, et 400 milliards pour les services à la personne !
Plus qu’un plan de rattrapage il s’agit d’un positionnement des Etats-Unis pour le siècle à venir, dans la perspective, notamment, d’une longue confrontation avec la Chine qui a acquis ces dernières décennies une avance technologique et commerciale décisive, assise sur des infrastructures de très grande qualité et soutenue par la puissance publique.
En arrière-fond se joue également la toute-puissance du dollar, réinjecté massivement dans le système monétaire mondial dans les transactions internationales au moment où la Chine développe une monnaie numérique adossée au Yuan, propre à passer au travers des fourches caudines des sanctions et conditions états-uniennes…
L’autre originalité de ce plan réside dans son financement. Fini, les baisses d’impôt sur le capital et la production. Ce plan entend profiter des taux bas pour mettre à contribution les fortes capacités d’endentement du pays du dollar et enrayer la menace d’une inflation trop incontrôlée. Ce plan sera également financé par une hausse de la fiscalité sur les entreprises inédite depuis plus d’un demi-siècle, avec un taux porté à 29%. Hausse qu’il vient relativiser eu égard à la baisse considérable de cette fiscalité décrétée par Donald Trump et passée sous son mandat de 35% à 21%. S’ajoute à cette mesure une hausse significative des impôts sur les revenus supérieurs à 400 000 dollars par an, c’est-à-dire sur les plus riches. S’il se refuse pour l’heure de toucher au système institutionnel, Joe Biden crée les conditions de l’émergence d’une forme de sécurité sociale, ou du moins d’un État-providence renforcé. Et ce n’est pas chose anodine qu’il se soit fait le héraut du monde syndical dans des prises de parole remarquées.
Pour couronner le tout, les États-Unis ont annoncé un plan d’harmonisation fiscale sur les bénéfices de l’ensemble des entreprises à pavillon états-unien, où qu’elles opèrent à travers le monde, en décrétant un taux minimal d’impôt sur les sociétés à 21%. Le FMI a aussitôt emboité le pas en soutenant le projet proposé par l’OCDE, jusqu’ici balbutiant, d’une taxation internationale minimum des entreprises qui s’alignerait sur le taux états-unien. Mieux, le Fonds, jusqu’ici acharné à mettre la tête sous l’eau aux États, recommande fermement de taxer les plus riches et les entreprises qui ont prospéré pendant la pandémie pour financer les systèmes éducatifs et de santé. On croit rêver ! Quand des propositions similaires sont émises en France, notamment par les parlementaires communistes, le gouvernement, plus libéral que le FMI, nous oppose son profond mépris. En conséquence de ces décisions, les budgets des États mis à mal par la pandémie vont s’en trouvés renfloués de beaucoup. Et de telles mesures, si elles sont bel et bien mises en œuvre, vont mécaniquement tarir les paradis fiscaux et menacer jusqu’à leur existence.
Le pari relevé par Joe Biden est donc de financer l’économie par la dépense publique au lieu de miser sur la seule accumulation du capital : un pari typiquement social-démocrate qui renaît outre-Atlantique alors qu’en Europe, il est rendu impossible par la politique conjointe, du macronisme et de la droite, celle des États membres et de l’Union européenne. Que la politique de baisse tous azimut de la fiscalité promue par M. Macron, son refus de rétablir l’ISF et sa chasse à la dépense publique font « ancien monde » devant l’audace états-unienne ! Et comparé à un tel effort, le plan européen et ses 390 milliards de subventions ou les 100 milliards du gouvernement français paraissent comme de misérables gouttes d’eau…
Et l’Europe dans tout ça ?
Les pays européens observent médusés les propositions états-uniennes. Bruno le Maire s’est dit satisfait du projet d’harmonisation fiscale internationale mais pour aussitôt rappeler ses préférences pour un taux à 12.5% contre les 21% proposés par les Etats-Unis ! Il faut dire que la France se distingue par son attachement aux dogmes ultralibéraux actuellement piétinés par son allié nord-américain. Ainsi le gouvernement français n’entend pas revenir sur sa politique de baisse sur la fiscalité des entreprises qui aura représenté 25 milliards de manque à gagner pour la puissance publique sur le quinquennat. Ce stupide entêtement va nous priver, cette année, de 10 milliards d’euros d’impôts dits « de production » qui, au nom de la compétitivité, iront gonfler les profits des plus grandes entreprises au lieu d’être investis dans le système productif.
La France et l’Europe restent arrimées au vieux monde, espérant tel de vieux rentiers profiter des investissements américains pour doper leur taux de croissance. S’il est indiscutable que le plan états-unien va doper les exportations européennes et françaises, il serait dangereux de s’y arrimer totalement. Les investissements nord-américains ont vocation à réaffirmer la puissance du modèle capitaliste états-unien sur le monde, notamment via les GAFAM et l’industrie culturelle. Le monde de la culture, notamment, devrait observer avec la plus grande vigilance les développements futurs. Par un suivisme dont ils font régulièrement la preuve, les gouvernements et institutions européennes risquent de laisser l’investissement nord-américain dicter l’avenir des pays européens autour de trois secteurs « locomotives » : l’armement, le numérique et le biotech.
Les failles du système capitaliste apparaissent donc au grand jour. Le pari de M. Biden est loin d’être gagné et il est fort probable que les entreprises et leurs actionnaires ne laissent pas si facilement rogner leur taux de profit, alors que celui-ci peine à se réaliser dans les sociétés modernes autrement que par l’exploitation renforcée du travail et de la nature. Une telle situation ouvre un espace considérable pour l’initiative communiste, en poussant les contradictions actuelles vers un système économique et social répondant aux besoins humains et environnementaux. Le capital prend peur. Profitons-en !
Extrait de la Lettre du 10/04/2021 : http://r.lettre.patrick-le-hyaric.fr/ae70uiqfzpt7e.html
11 commentaires
Encore s’agirait-il de passer du système économique et social au système économique social, ce qui exige de passer des populismes à la culture populaire majeure voire au nouveau monde et à l’Humanité supérieure : la crise de la culture date de bien avant le début de la pandémie du coronavirus et le président Macron n’en est pas le principal responsable.
La seconde gauche est au regard de la vision de l’Union Européenne depuis les années 60; la gauche communiste universaliste française et européenne puisque la France est fondatrice de l’Union Européenne, mais les communistes n’ont strictement rien fait à ce grand titre encore comme grand projet. Donc elle doit partir en 2021 pour 2022 lucide qu’en France presque plus personne n’a forte confiance en elle et que les gens ont plus de déception accumulée que de satisfactions à partager.
Moi je relativise sans le déconsidérer entièrement l’effort historique de l’Amérique du Nord qui cherche aussi sa sécurité sociale s’apparentant à une sécurité sociale universelle, c’est le point le plus positif à condition qu’il s’accompagne et je n’en lis pas une seule ligne d’une politique pour le progrès culturel réel, et pour la production des marchandises et des fournitures et des prestations sociales (les services aux personnes sont cités mais sont-ils ceux dont parle les populations, ça reste à voir!) qui demande de corriger après être passés des populismes à la culture majeure populaire plusieurs lignes des politiques en cours déjà différentes de celles du passé pire.
La culture populaire majeure est la seule culture lisible universaliste, et les deux gauches en perdition constante depuis 1995 voir depuis plus de 25 ans hormis quelques rares tentatives éphémères de travailler en gauche républicaines authentique et de réaliser une union de la gauche meilleure que la précédente dont l’alternance a été beaucoup trop empêchée par l’opposition forcenée des droites et le manque de travail sérieux en conséquence dans les deux gauches. D’où encore une hégémonie du lepénisme dans les sondages.
L’initiative communiste a un espace réel et ça ne date pas d’hier ! A condition d’être l’initiatvie communiste universaliste grand projet avec rattrapage autant que rattraper les retards est possible tout en sachant que quand le mal est fait, il ne peut plus être entièrement supprimé, il serait possible toutefois alors de parler d’entrée de la France et de l’Union Européenne dans leur meilleure destinée, ainsi que de nouveau monde car l’Amérique du Nord évolue mais elle n’est pas encore partie évidente du nouveau monde.
Il faut dire aussi qu’il y a de grands risques qu’une somme des nombreuses dépenses qui pourrait être consacrer pour des bornes de recharger de batteries au lithium se résume en un mot : gaspillage car si les batteries au sodium s’avère fiable de nombreuses bornes deviendront rapidement quasiment inutiles, recharger en quelques minutes ne demandant pas autant de bornes que recherger en quelques heures.
Les communistes français et européens disent plutôt n’importe quoi en 2021, c’est l’eurocommunisme universaliste (l’idée de l’eurcommunisme date des années 70 alors que la vision d’un eurocommunisme universaliste dans la vision générale de la vie de l’Union Européenne date des années 60 et du début des années 70) qu’il fallait, qu’il faut, comme troisième politique universaliste si le socialisme universaliste renaît de ses cendres ; tout autre chose que « le front populaire moins populaire que populiste, citoyen moins citoyen que sujet.
Les populations de l’Union Européenne paient très cher le manque de continuité dans les idées et les commencements à évoluer des communistes français peu fondateurs ainsi de l’Union Européenne, la vie pouvait être bien meilleure en Union Européenne depuis 1981, face à l’opposition à l’alternance historique forcenée, il fallait une gauche qui travaille sans abdiquer sur quelques propositions parmi les 110 propositions nécessaires et indispensables.
Il fallait, il faut commencer le communisme universaliste français et européen !
vivre l’humanité journal de la vérité
Jean Jaurès, ce n’est pas un journal unique : L’Humanité, mais La Lumière et l’Humanité.En création, ce n’est pas La Lumière ou l’Humanité ; c’est La Lumière et L’Humanité. D’où l’évolution piteuse de la Gauche depuis le passage au vingt et unième siècle et lui reste une année seulement pour réparer ses Erreurs.
Jean Jaurès, ce n’est pas le journal La Lumière ou le journal L’Humanité, c’est le journal La lumière et le journal l’Humanité.
Les US donne le ton économique pour la suite de ce siècle.
Malheureusement, les pays qui ont encore des marges de manoeuvre n’ont pas l’imagination.
La gauche n’ a pas résolu ses “paradoxes”, alors aborder le problème de l’économie ?
En regardant la diaspora qui forme l’UE, on peut comprendre les politiques économiques, sans nuance aucune, imposé.
Le potentiel de la Cotisation est passé sous le tapis dans la gauche ?
Pourtant l’économie est une affaire technique (1+1=2) la comptabilité de base, la clef de voûte ?
Le passage de la comptabilité à la financiarisation de tout et de rien, marchandiser la Vie.
Et des pusses pour tout et rien, au nom d’arguties.
L’économie une simple question technique.
Alors que la Condition Humaine est la véritable question pour la survie. Le principe manipulation-conditionnement.
Seul la vue d’ensemble nous donne accès aux causes et aux acteurs responsables, et la cohérence du questionnement à la vérité ou à la fausseté d’une chose.
Du Big Bang (théorie accepté) à la financiarisation de la Vie (marchandisation).
Le voir ou penser le voir (Krishnamurti).
«« Ce plan entend profiter des taux bas pour mettre à contribution les fortes capacités d’endettement du pays du dollar et enrayer la menace d’une inflation trop incontrôlée. Ce plan sera également financé par une hausse de la fiscalité sur les entreprises »»
C’est un peu drôle ces fortes capacités d’endettements. À qui doit les USA ?
«« de telles mesures, si elles sont bel et bien mises en œuvre, vont mécaniquement tarir les paradis fiscaux et menacer jusqu’à leur existence. »»
Éliminer la concurrence. Il existe des paradis fiscaux en sol États-Uniens.
Du moins les soumettre.
«« Le pari relevé par Joe Biden est donc de financer l’économie par la dépense publique au lieu de miser sur la seule accumulation du capital : un pari typiquement social-démocrate »»
Une pose en attendant un nouveau ronde de privatisation (une austérité). Il s’agit de trouver le prétexte.
«« chasse à la dépense publique font « ancien monde » devant l’audace états-unienne ! »»
L’audace du tout PIB à la Cotisation.
Mais pour cela il faut le pouvoir, l’audace, la stratégie, la cohérence et la coordination.
«« pour l’initiative communiste, en poussant les contradictions actuelles »»
C’est à dire ???