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L’éditorial de L’Humanité du lundi 23 novembre – par Patrick Le Hyaric.
Tout démocrate, tout républicain doit s’alarmer et résister. Nous basculons de « l’État de droit » au droit d’un État se donnant tous les droits. La proposition de loi à l’intitulé aussi grotesque que glaçant de « sécurité globale » fait frémir. Nombre de ses dispositions, sur les pouvoirs conférés aux polices municipales, le soutien apporté aux officines de sécurité privée, la généralisation abusive de l’usage des drones, et les graves atteintes au syndicalisme étudiant inscrites parallèlement dans la loi de programmation de la recherche, signent une sortie de route liberticide extrêmement préoccupante. Le tout couronné par des dispositions scélérates qui dénaturent les principes fondamentaux qui régissent la liberté d’expression en France. La surenchère verbale d’un ministre de l’Intérieur irresponsable demandant aux journalistes de stipendier le droit d’exercer leur métier auprès de l’autorité préfectorale condamne l’hypothèse d’un fourvoiement.
Mais on ne franchit pas impunément les lignes rouges. La loi relative à la liberté de la presse de 1881 en est une, absolue, qui figure au fondement des libertés civiles arrachées de haute lutte. Elle est frappée par les deux textes en discussion, celui dit de « sécurité globale », et celui dit de « renforcement des principes républicains ». L’un cherchant à empêcher journalistes et citoyens de relever les cas de violences policières, l’autre à extraire de la loi de 1881 les infractions d’incitation à la haine pour hâter les procédures et alourdir les peines.
L’histoire de la liberté de la presse est intimement liée à la conquête des libertés démocratiques et des droits sociaux. Point ici de corporatisme. En effet, la liberté d’informer des journalistes est la condition du droit de savoir des citoyens. Des peuples se sont mis en révolution au nom de cette liberté, particulièrement en France, et chaque épisode révolutionnaire depuis 1789 a été, sans hasard, l’occasion d’une floraison de titres de presse, vecteurs de l’expression démocratique. La loi de 1881 est une loi de consolidation républicaine édifiée contre les fossoyeurs de la Commune, partisans d’un ordre moral appuyé sur la censure et la répression populaire. En offrant une assise juridique aux articles 10 et 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen – qui fondent la liberté de conscience, d’opinion et d’expression –, elle lie la liberté de la presse à la liberté d’expression garantie pour chaque citoyen, « sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ».
Vouloir s’attaquer à l’une de ces libertés revient fatalement à s’en prendre à l’autre. C’est exactement ce à quoi s’emploie le gouvernement, signant ainsi sa mue, en force contre- révolutionnaire et antirépublicaine. Il a fallu plus d’un siècle pour transcrire ces droits dans loi. Faudra-t-il quelques années pour les en sortir ? Voilà une politique proprement réactionnaire, sous les applaudissements nourris de l’extrême droite qui userait sans vergogne de ces nouvelles législations si par malheur elle accédait aux affaires.
Heureusement, la société, dans son bon droit, manifeste sa juste colère malgré les règles du confinement et les nasses policières. Et l’ensemble des rédactions du pays s’est levé contre ces atteintes inédites à la liberté de la presse et d‘expression.
Le libéralisme, incapable de susciter l’adhésion populaire, est irrésistiblement gagné par des pulsions autoritaires. Un saut vient d’être effectué vers un lendemain sécuritaire sans rivage. Droit de manifestation, droits syndicaux, liberté d’information, laïcité sont passés au broyeur liberticide alors même que la République, sous état d’urgence permanent, devient un signifiant réactionnaire. Tout doit être entrepris pour obtenir le retrait de ce texte, et pour défendre et développer les libertés démocratiques. La République refondée, ne peut et ne doit être que démocratique et sociale.
3 commentaires
Liberté. Liberté d’expression ; et liberté d’expression exige égalité de diffusion et égalité de conservation, de protection, et de soin, de toutes les oeuvres pour la culture des arts majeurs. Il n’y a pas de vraie liberté sans cela.
La république refondée peut et doit être la république universaliste.
A quoi pouvait-on s’attendre, de la part du commis banquier capable d’emporter les foules et les médias sur la fin (en même temps !) des idéologies et des droits démocratiques du peuple ? Quelques mois de vacances au sortir des ministères avaient suffi à le faire passer pour un homme neuf ! ?
Dès sa campagne, il avait méprisé le droit à l’information, accréditant les seuls journalistes carpette. Pendant des mois au gouvernement Hollande, il avait privilégié l’intérêt du capital international et l’état d’urgence à tout va.
Et nous attendons Sa Parole ce soir pour être éventuellement autorisés à sortir un peu plus de chez nous ! ? En liberté conditionnelle, en liberté surveillée ou juste ré-incarcérés ?
De manière écœurante et redondante, et malgré des erreurs patentes et des caprices incompréhensibles, il reste le seul décisionnaire sur la marche de la nation, cachant toute tactique de crise au sein de son conseil de défense absolument a-démocratique : surfant sur la peur, il préside notre République comme le ferait un dictateur, même s’il serait inconvenant de le dénoncer comme tel.
Arrête ton broyeur liberticide, Ben Hur, c’est nous qui paye l’essence…
Ami entends-tu ……………..