- Views 1488
- Likes 0
L’éditorial de L’Humanité Dimanche du 08 octobre – par Patrick Le Hyaric.
Le mot est pesé, soupesé depuis des mois, choisi pour blesser, diviser, et malgré les précautions oratoires, stigmatiser. Dans son propos liminaire lors de sa conférence de presse aux Mureaux, le président de la République a d’emblée précisé que le projet de loi en gestation ne concernerait finalement que l’Islam. Le mot « séparatisme » n’avait donc qu’une vocation polémique et le pluriel qui lui a été accolé, censé atténuer sa portée, ajoute en définitive à la confusion. Ceci est d’autant plus regrettable que le président a formulé nombre de constats justes qui méritent débat.
Le mot séparatisme pose un sérieux problème en ce qu’il tenterait de faire croire à une République restée fidèle à ses fondements et qu’une partie de la population refuserait de gratifier. Or un paradoxe traverse ce débat : jamais la République n’a autant été citée, célébrée, glorifiée à tort et à travers, et jamais elle n’a autant été rabaissée, amputée, dénaturée, dans une dérive qui atteint toute la vie politique et par laquelle les mots, les discours et la communication médiatique se substituent aux réalités et aux actes.
Cette incantation permanente cache mal la lente transformation d’une République qui garantissait peu ou prou les libertés, sociales et démocratiques, en forme de gouvernement de plus en plus autoritaire et réactionnaire, mis au service exclusif du capital, et qui se révèle en conséquence incapable de rassembler la population française.
Loin de nous l’idée de nier les dégâts produits par des fondamentalismes religieux dont l’islamisme politique, souvent combiné à divers trafics. Celui-ci n’a pu se développer dans des territoires précis qu’à mesure que les pouvoirs ont porté des coups de ciseaux aux mécanismes de solidarité et de sécurité sociale, à l’école, et, il faut bien le dire, par la guerre menée contre l’implantation communiste dans les cités populaires et les déstabilisations de nombreuses municipalités d’union progressistes, notamment communistes. C’est un constat politique qui n’appelle aucune excuse mais dont il faut mesurer les dégâts politiques.
Nul ici ne conteste non plus que le monde musulman connaisse une crise globale ; qu’un discours théologico-politique s’y déploie qui conforte certaines tendances fanatiques financées par la rente pétrolière contre les mouvements progressistes et qui, au nom de Dieu, assassinent et terrorisent. Une minorité agissante cherche également, avec le soutien de gouvernements théocratiques alliés de la France, et des Etats-Unis via leur ambassade, à enfermer des citoyens français de confession musulmane dans une identité fantasmée et construite a postériori, profitant du terreau de la pauvreté et de la relégation pour avancer ses pions. Pourquoi parler de séparatisme ici tout en faisant allégeance à ces pouvoirs ?
Ajoutons que nous traversons une séquence historique où l‘obscurantisme et la haine de la pensée rationnelle se déploient un peu partout. L’élection de Trump ou de Bolsonaro, les rêves « Grand Ottoman » d’Erdogan, la poussée d’un évangélisme agressif en Amérique latine et la virulence des extrêmes droites européennes ne sont pas des phénomènes isolés et étanches les uns des autres. Il y a bien crise de la rationalité moderne par les attaques répétées contre les grandes espérances universalistes et progressistes, au profit de discours rétrogrades qui se drapent de religion pour mieux garantir la domination du capital.
Qu’il faille lutter contre cette tendance est l’affaire de l’ensemble de la société. Cela ne saurait se régler par des mesures administratives. C’est chose éminemment politique. Car comment faire abstraction du terreau où pousse cette mauvaise herbe, celui de la ghettoïsation liée à la métropolisation des grandes villes, des taux de chômage ahurissants et d’une pauvreté galopante qui s’y déploient, d’un parcage ethnique des populations par une politique du logement laissée en jachère. Tout ce que le plan Borloo prétendait combattre, avant qu’il ne soit envoyé aux oubliettes précisément par le pourfendeur du séparatisme. Sans oublier le racisme dispensé à haute dose sur des chaînes d’information qui en ont fait leur spécialité et leur rente.
Déjà la crise sanitaire, après les différents états d’urgence sécuritaires, met en veilleuse nombre de libertés fondamentales. Le pays est gouverné par décrets et ordonnances et voici que, désormais, pour lutter contre le repli religieux, le pouvoir s’en remet à l’autorité préfectorale contre les élus locaux, eux qui ont pourtant la légitimité, l’expertise de terrain, l’oreille de la population. Ils et elles devraient au contraire figurer en première ligne du combat contre l’enfermement identitaire.
Pour rajouter à la mise sous tutelle étatique, le président de la République a fait cette grave révélation qui n’est pourtant relevée nulle part : sa longue hésitation à placer l’Islam sous régime concordataire. Autrement dit le Président a pensé pulvériser la loi de 1905 instaurant la séparation des Eglises et de l’Etat. Il est à craindre que le projet de loi, présenté comme une provocation un 9 décembre, le jour anniversaire de la loi de Séparation des Eglises et de l’Etat, soit une tentative d’en saper les fondements, comme voulait s’y livrer M. Sarkozy en son temps.
Cette pente extrêmement dangereuse s’accompagne d’un capitalisme de la surveillance. L’étouffoir sur les libertés publiques, dont la loi de 1905 comme celles de 1901 sur la liberté associative sont des piliers, ne permettra en rien de rassembler la société française et ses enfants issus de l’histoire coloniale. C’est la République, ses missions, ses moyens dans l’éducation, la santé, pour un travail pour chacune et chacun, comme pour la sécurité, ses promesses d’égalité et de fraternité qui devrait être mises en débat. Sans vie démocratique forte, il est à craindre que ce débat soit lui aussi étouffé…
5 commentaires
Super fan
André Nicolas
Comment se fait il que l’humanité ne défende pas le traitement du professeur Didier Raoult attaqué de toutes part par les labos pharmaceutiques qui veulent nous fourguer leur médocs et vaccins qui vont coûter très cher à la sécurité sociale, alors que le traitement du professeur ne coûte pratiquement rien et a démontré son efficacité et son utilité sur toute la planète.
vivre l’humanité
L’étouffoir que le macronisme rêve de nous imposer affecte aussi, et durement, nombre de pays auxquels l’empire tente par une guerre multiforme d’arracher souveraineté et richesses.
Venezuela, Iran, Liban, Cuba de même que Russie et Chine, sont dans le collimateur qui a récemment visé l’Irak et l’Afghanistan, la Libye, la Syrie, le Yémen, Hong-Kong, l’Ukraine. Etc.
La France elle-même, qui depuis 2003 se comporte le plus souvent en vassal voire en fidèle caniche de l’oncle SamOtan, n’est pas épargnée par l’impérialisme prédateur si l’on en juge par le nombre des amendes (indues) infligées, des brutales captations de fleurons industriels, des pressions immenses et dénis de liberté de commercer.
Devra-t-on attendre l’hypothétique déconfiture du $ pour voir l’Huma dénoncer de nouveau franchement ce phénomène d’exploitation planétaire ? Ce sera alors trop tard, parce que les compagnies transnationales, gagnant chaque jour en puissance, n’auront plus besoin de leurs douillettes tanières à Wall Street et au Congrès US, elles n’auront plus l’usage du réseau militaro-économique tentaculaire de Washington ni même de ses trafics : contre les pays et contre l’humanité, elles s’y substituent !
Dans la bataille titanesque qu’elles mènent, l’instrumentalisation de l’islam global guerrier ou des fascismes locaux n’est qu’une arme parmi d’autres, comme le pilotage de guerres typiquement capitalistes.
Le sort de Jaurès, dont les combats pour la paix et pour la justice sociale équivalaient à un suicide, incite évidemment ses successeurs à quelques précautions. Et le procès bidon d’Assange, itou. Bon courage, donc !
“L’étouffoir que le macronisme tente de nous imposer” n’est rien d’autre que l’euro-mondialisme, piloté sur notre continent par “Bruxelles” l’ue,sa Commission “européenne” et une myriade d'”ONG ” financées par des milliardaires type Georges Soros.
De plus n’oublions jamais que la République qui s’est enracinée en France est une république bourgeoise qui a écrasé-écarté le peuple à partir de 1794, et elle a eu longtemps besoin d’une certaine “laïcité” qui facilitait notamment son expansion économique.
Tout ceci va évoluervpour aboutir aujourd’hui à la concentration et à la mainmise quasi-complète des multinationales et des marchés financiers sur le monde avec comme toile de fond et idéologie l’euro-mondialisme.
Il est regrettable dans ce contexte que beaucoup de partis progressistes et notamment communistes aient abandonné leur ancrage “patriotique-internationaliste”, le mieux à même de lutter et de sortir de cette spirale infernale.
Et militer pour la sortie de l’ue, de l’euro et de l’otan serait l’acte fondateur d’une vraie résistance efficace contre l’euro mondialisme.
Amen !