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Ils sont propriétaires de leur outil de travail qu’ils achètent parfois à crédit, et vendent leur force de travail à vil prix. La loi et leur employeur souvent niché très loin, leur ont fait croire qu’ils étaient « indépendants », « autonomes », « libres ». Et comme souvent ils étaient au chômage, ils n’ont pas eu le choix. Nouvelle classe de prolétaires, ils créent de la valeur au profit exclusif de firmes transnationales détentrices d’algorithmes qui les suivent et les poursuivent. Victimes d’une nouvelle forme de sujétion aux détenteurs de capitaux, on les voit pédaler dans les rues. Ce sont les livreurs de repas à domicile ou les chauffeurs d’Uber et d’autres groupes, forçats des temps modernes. Ainsi va le capitalisme de plate-forme. Il est permis par la conjonction de l’utilisation des innovations technologiques et numériques et des décisions politiques poussant sans cesse au « moins disant social », avec des choix politiques visant un affaiblissement du salariat stable, disposant de solides conventions collectives, issues de longues luttes ouvrières, avec notamment des codes du travail. Rien de tel ici. Les livreurs de Deliveroo sont victimes d’une diminution de moitié de leur rémunération alors que leur travail est difficile, dangereux, éreintant. Lorsqu’ils ne sont pas d’accord avec les conditions qui leur sont imposées, ils n’ont pour seule alternative que de disparaitre des écrans numériques, sans préavis ni indemnités. Leurs employeurs sont loin et comme pour d’autres groupes numériques, ils font fi des lois nationales et des règlements européens du travail. Pire, ils refusent de contribuer à leur part du bien commun en échappant à la fiscalité et aux contributions sociales.
A la mondialisation de la circulation des capitaux et des marchandises correspond la mondialisation de l’exploitation du travail, accélérée dans le capitalisme financier qu’encourage le pouvoir. « L’auto-exploitation » érigée en système pour mieux camoufler sa nature profonde ! Ils appellent cela « le nouveau monde » ! Heureusement, ces jeunes travailleurs précarisés, isolés parfois, aux statuts différents pour être mieux divisés, ne se laissent pas faire et sont entrés dans l’action dans plusieurs villes en France. Plus intéressantes et significatives encore, sont les actions communes, qu’elles soient juridiques ou de manifestations, initiées par-delà les frontières. Ainsi, pour les coursiers de Déliveroo, des grèves ont lieu à Toulouse et à Londres, à Nice et à Madrid, à Rome comme à Tours ou à Paris. Parfois, ils réussissent à faire requalifier leurs contrats de travail et parviennent même à se faire reconnaître comme salariés. De telles actions internationales ont eu également lieu dans les groupes Macdonald , Uber ou Amazon. Elles ont touché aussi des compagnies d’aviation privées comme Ryanair en 2018 ou Mark et Spencer en 2001. Preuve que de nouvelles formes de coopérations, de liens et d’actions peuvent émerger en Europe et à l’échelle internationale.
En effet, à cette mondialisation capitaliste qui déploie la mise en concurrence des travailleurs au sein de mêmes groupes ou de groupes se livrant une impitoyable guerre économique, devrait correspondre une nouvelle internationale ouvrière et des salariés, dans leur diversité. Une coopération intersyndicale ou une internationale syndicale adaptée aux nouvelles conditions d’exploitation, capable de fédérer, de manière ouverte et souple, les salariés, de les unir par-delà les pays, les barrières de la langue et des conditions différentes de travail et de protections sociales qui leur sont faites pour les diviser. L’appel de Marx « prolétaires de tous pays unissez-vous » reste d’une brulante actualité.