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Deux ans après le référendum et sept mois avant la date de sortie du Royaume Uni de l’Union européenne, un conseil européen avec tous les chefs d’états et de gouvernements s’est tenu mercredi 17 octobre à Bruxelles.
Ce devait être le dernier avant d’aborder la déclaration politique qui accompagnera l’accord de retrait et devra décrire la nature de la relation mutuelle entre le Royaume Uni et l’Union européenne. Les négociations vont se poursuivre jusqu’au mois de novembre. Le but est d’obtenir un accord qui puisse être ratifié dans les temps, c’est à dire avant la fin du mois de mars 2019. Il s’agit en fait d’un traité de sortie du Royaume Uni.
Les négociations portent sur « les modalités du retrait du Royaume Uni, en tenant compte du cadre de ses relations futures avec l’Union ». Il doit donc définir :
– les droits des 3,2 millions de citoyens européens qui résident sur le sol britannique, et des 1,8 millions de britanniques qui vivent dans l’Union européenne ;
– les engagements budgétaires (financements du budget européen, arriérés de paiement pour des projets européens, et facture des retraites des fonctionnaires européens britanniques) ;
– l’enchevêtrement / ou le démêlement des lois britanniques et européennes ;
– le maintien de la participation / ou pas à des programme européens (notamment Euratom) ;
– la question des frontières, notamment celle entre l’Irlande du Nord.
Le Royaume Uni et les négociateurs de l’Union européenne sont d’accords sur 90% des sujets. La question de la facture a été tranchée en juin, le Royaume-Uni a accepté de payer 44 milliards d’euros. La frontière entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande est beaucoup plus complexe et sensible.
L’Irlande du Nord fait partie du Royaume-Uni, alors que la république d’Irlande au sud est devenue un État indépendant après la guerre d’indépendance qui les a opposés aux anglais. L’île a été séparée en deux en 1921, le sud était très majoritairement catholique alors qu’au nord les protestants, souvent issus des familles de colons anglais, et les catholiques étaient mélangés.
Au tournant des années 60 et 70, une guerre civile a éclaté entre les deux camps en Irlande du Nord, elle va durer 30 ans et faire 3480 morts.
En avril 1998, les principales forces politiques d’Irlande du Nord se réunissent sous le patronage du Premier ministre de la République d’Irlande, Bertie Ahern, et de celui du Royaume-Uni, Tony Blair. Ils vont signer un accord de paix dit « accord du vendredi saint ».
Il prévoit le désarmement des groupes paramilitaires (IRA provisoire, UVF, UDA, etc.), la libération des prisonniers politiques et le renforcement du pouvoir du gouvernement d’Irlande du Nord qui devra être partagé entre les deux camps loyaliste et nationaliste.
L’accord dit également clairement qu’il ne doit pas y avoir de frontière physique entre les deux parties de l’île, c’est-à-dire que l’on doit pouvoir circuler librement sans être arrêté à la frontière comme entre la Belgique et la France aujourd’hui. Avec le Brexit, l’Irlande du Nord ne fera plus partie de l’Union européenne et donc du marché unique. La conséquence est qu’une frontière physique risque d’être remise en place.
Theresa May a présenté le 6 juillet dernier son plan pour la sortie, elle prône un Brexit doux qui ressemblerait à une union douanière. Cela permettrait de ne pas rétablir de frontière en Irlande. Le Royaume-Uni pourrait toujours commercer sans contraintes avec l’Union européenne mais il serait libre de ne pas accueillir les européens qui veulent s’installer sur son territoire. C’est inacceptable pour le camp européen car cela reviendrait à diviser les quatre libertés à la base du marché unique. Un tel accord pourrait donner des idées à de nombreux pays membres qui ne voient dans l’Union européenne qu’un grand marché et seraient donc tentés à leurs tours de sortir. C’est également inacceptable pour les partisans d’une séparation totale qui y voient une façon de contourner le vote populaire.
La proposition des européens était de garder l’Irlande du Nord dans le marché unique et de passer avec le reste du Royaume Uni un accord de libre échange qui ressemblerait à celui avec le Canada. Theresa May a tout de suite repoussé cette proposition car cela reviendrait selon elle à casser le Royaume Uni en deux.
On parle maintenant d’étendre la période de transition entre la sortie et le nouvel accord d’association afin qu’à aucun moment il n’y ait l’obligation d’ériger une nouvelle frontière entre les deux parties de l’île.
Pour rappel, l’Angleterre a activé l’article 50 du traité de l’Union européenne le 29 mars 2017. Il permet à un pays de sortir de l’Union européenne (voir ci-dessous). Il y est clairement indiqué que les deux parties ont deux ans pour négocier la sortie du pays et qu’au terme de ces deux années celui-ci ne sera plus un état membre. Cela veut dire que le 29 mars 2019 à minuit le Royaume Uni ne sera plus dans l’Union européenne.
L’absence d’accord poserait des problèmes considérables au Royaume Uni et à l’Union européenne.
La Grande-Bretagne est la deuxième économie et la troisième population de l’Union européenne. C’est un marché très important notamment pour l’agriculture. Elle représente 9% du total des exportations agricoles des autres pays membres de l’Union européenne, soit 47 milliards d’euros en valeur. Sans accord, les droits de douanes seront de retour tout comme ce que l’on appelle les barrières non tarifaires, c’est-à-dire les inspections sanitaires, les démarches administratives etc… Cela va augmenter le prix des produits européens au Royaume Uni et la conséquence serait une diminution de moitié du commerce agricole entre le continent et l’île.
S’agissant de la pêche, le Royaume-Uni possède les plus grandes eaux territoriales de l’Union européenne, et parmi les plus riches en poisson au monde. Les captures dans les eaux britanniques représentent 30% du total de la pêche française et cette moyenne peut monter jusqu’à plus du double dans les régions du nord. S’il n’y a pas d’accord, les pêcheurs français n’y auront plus accès dès le lendemain de la sortie.
La perspective d’une sortie sans accord ne serait bonne ni pour les travailleurs européens ni pour les britanniques. La première ministre britannique a dévoilé son plan de secours qui est ni plus ni moins de faire du Royaume Uni un paradis fiscal géant aux portes de l’Europe. Elle a promis le taux d’imposition sur les sociétés le plus bas des pays du G20, environ 12%, sachant que le Royaume-Uni a déjà acté une baisse importante de son impôt sur les sociétés, qui sera à 17% dès 2019 contre 23% en moyenne UE, 25% en France à horizon 2022. Madame May s’est également déclarée en faveur d’une régulation « intelligente » qu’il faut traduire par le moins de règles possible pour les multinationales.
L’administration Trump encourage le Royaume Uni sur cette voie car c’est selon eux le meilleur moyen de profiter du futur accord commercial qui sera négocié entre les deux pays.
La solution ne pourra pas venir des conservateurs qui souhaitent utiliser le Brexit pour imposer une politique de choc ultralibéral. C’est tout le sens de la campagne que mène Jeremy Corbyn et les travaillistes pour de nouvelles élections législatives. Ils reprennent à leur compte le slogan des partisans du Brexit qui appelle à reprendre le contrôle afin d’éviter que la sortie ne se fasse au détriment des travailleurs.
Au congrès du parti travailliste à Liverpool, les militants ont adopté à une large majorité une motion selon laquelle, « si nous ne parvenons pas à obtenir des élections législatives, le Labour devra soutenir toutes les options restant sur la table, y compris faire campagne en faveur d’un vote du public [référendum] ». Le référendum n’est pas la priorité du parti travailliste notamment pour ne pas se mettre à dos les milieux populaires qui ont voté pour le Brexit mais il n’est plus exclu.
Les partisans de cette solution pensent que malgré le vote de 2016 de nombreuses questions restent en suspens et qu’il faut maintenant se prononcer sur le résultat des négociations. En juin, 100 000 personnes ont défilé à Londres pour demander sa tenue, des hommes d’affaires commencent à verser des millions de livres pour financer la campagne en faveur du maintien et le premier syndicat du royaume, Unite, n’est pas opposé à cette idée.
Cependant, cette option pose de nombreux problème notamment d’organisation. La question à poser aux électeurs et les réponses à proposer par exemple. Le maintien dans l’Union européenne a déjà été tranché en 2016. Alors s’il devait y avoir un nouveau référendum ce ne pourrait être que pour ou contre le résultat des négociations. D’autres proposent trois choix, rester dans l’Union européenne, accepter le résultat des négociations de sorties ou bien un Brexit dur mais que faire si aucun des trois choix n’obtient la majorité ?
La stratégie de Corbyn est de battre le gouvernement de Theresa May afin de pouvoir gagner les élections et reprendre la main sur les négociations. Etant donné la division du camp conservateur, cela n’est pas impossible.
Il est partisan d’une relation avec l’Union européenne sur le modèle de la Norvège c’est-à-dire un pays non membre de l’Union européenne mais disposant d’un accès libre au marché européen ce qui maintiendrait la libre circulation des personnes et permettrait de trouver une solution au problème de la frontière irlandaise.
Le programme de Jeremy Corbyn prévoit de taxer plus lourdement les riches, de renationaliser les chemins de fer et les services publics. Un gouvernement travailliste permettrait de mettre fin à l’austérité qui est en place depuis 8 ans et d’investir dans 400 000 emplois axés sur la lutte contre le changement climatique. Les grandes entreprises seraient obligées et verser des dividendes annuels au personnel. Enfin, il mettrait fin au soutien britannique à l’Arabie saoudite dans la guerre au Yémen, reconnaîtrait immédiatement un État palestinien.
L’article 50
- Tout État membre peut décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l’Union.
- L’État membre qui décide de se retirer notifie son intention au Conseil européen. À la lumière des orientations du Conseil européen, l’Union négocie et conclut avec cet État un accord fixant les modalités de son retrait, en tenant compte du cadre de ses relations futures avec l’Union. Cet accord est négocié conformément à l’article 218, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Il est conclu au nom de l’Union par le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, après approbation du Parlement européen.
- Les traités cessent d’être applicables à l’État concerné à partir de la date d’entrée en vigueur de l’accord de retrait ou, à défaut, deux ans après la notification visée au paragraphe 2, sauf si le Conseil européen, en accord avec l’État membre concerné, décide à l’unanimité de proroger ce délai.
- Aux fins des paragraphes 2 et 3, le membre du Conseil européen et du Conseil représentant l’État membre qui se retire ne participe ni aux délibérations ni aux décisions du Conseil européen et du Conseil qui le concernent.
La majorité qualifiée se définit conformément à l’article 238, paragraphe 3, point b), du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
- Si l’État qui s’est retiré de l’Union demande à adhérer à nouveau, sa demande est soumise à la procédure visée à l’article 49.
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