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Patrick Le Hyaric
Directeur de l’Humanité
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Un hommage émouvant et magnifique à Pierre BOULEZ s’est tenu le jeudi 14 janvier 2016 à Saint-Sulpice à Paris.
Le lendemain Jack Ralite, membre d’honneur du Conseil d’Administration de l’Ensemble Intercontemporain, a fait une déclaration pleine de ferveur.
J’étais à l’hommage à Pierre Boulez à Saint-Sulpice, archi comble, des musiciens de l’Ensemble Intercontemporain interprétant au milieu de l’assistance des œuvres de Pierre Boulez. Trois grandes voies évoquèrent ce géant de la musique contemporaine. Le chef d’orchestre Daniel Barenboim, l’architecte Renzo Piano et le président de la Philharmonie Laurent Bayle.
Je ne suis pas musicien, mais j’ai conscience que dans cette église qui se prête à des hommages rares et précieux nous étions à un rendez-vous monumental pour la musique puisque Pierre Boulez nous a quittés et que dans cette soirée si triste et si douce à la fois, nous honorions un impétueux créateur portant en lui l’audace, la liberté et l’exigence de la création, article premier de sa politique musicale à laquelle il voua toute sa vie sans jamais s’accommoder de la moindre défaillance, ni du plus petit compromis. Il composait en sachant qu’il était toujours dans l’inachevé d’un nouveau commencement.
Pierre Boulez était magnifiquement tout cela. Compositeur audacieux de musique contemporaine, chef reconnu des principaux orchestres du monde, il inventa l’Ircam, prodigieux outil moderne où se rencontrent scientifiques, musiciens et publics notamment autour de l’« ordinateur », il créa l’« Ensemble Intercontemporain », cette réunion de solistes hors du commun, il « déplaça » l’Opéra (pensons au « Lulu » de Berg à Garnier et à la « Tétralogie » de Wagner aux cent ans de Bayreuth, ce travail à deux avec Patrice Chéreau). C’est lui qui inventa la Cité de la Musique, c’est lui qui arracha la Philharmonie. On a comme le frisson en songeant à tous ces outils de haute mer qu’il a pensés, proposés, imposés en truellant leur fonction. C’est lui qui, dans tous ces lieux novateurs, tira le meilleur des nouvelles technologies en les civilisant. Il était aussi assoiffé des autres arts, et regrettant d’être sélectif, énumérons Mallarmé, Vieira Da Silva, Peter Stein, Jean-Louis Barrault, Tinguely, Nicolas de Staël et remercions notre mémoire de nous souffler aussi René Char : « Comment vivre sans inconnu devant soi ? » ; Paul Claudel « La multiplicité d’être au monde » ; Paul Klee : « Le pays fertile » ; Varèse : « La sauvagerie concertée ».
Pierre Boulez était un batailleur, un rebelle, sans aucune trace de sectarisme. Au Conseil d’Administration de l’Ensemble Intercontemporain, il suffisait qu’il parle -il le faisait si bien- et on se mobilisait. Il a construit ses œuvres à la force du poignet souvent dans l’adversité.
Il m’a aussi laissé quelques souvenirs très personnels :
Quand il venait répéter au Théâtre de la Commune à Aubervilliers ses concerts parisiens, ses mains faisaient une calligraphie savante. Fascinant.
Quand il occupa pendant deux mois à l’invitation d’Henri Loyrette, directeur du Louvre, beaucoup de l’espace du Musée et y joua de tous les arts y compris de la philosophie. Etourdissant.
Quand à Garnier, j’ai vu « Lulu » trois fois. Patrice Chéreau m’avait assis sur le fauteuil juste derrière Boulez. Irrésistible.
Quand il prononçait ses conférences érudites et humanistes au Collège de France dans un amphithéâtre archicomble que Christian Bourgeois nous a transmises. Capital.
Quand il vint se joindre à Bartabas et son Zingaro au Fort d’Aubervilliers dans un opéra équestre le « Triptyk », le réunissant avec Stravinsky. Impressionnant.
Quand il présidait un dimanche d’automne au Théâtre des Amandiers pour « disputer » de l’Opéra. Inoubliable.
Quand il rédigeait avec Vilar et Béjart un projet d’Opéra populaire. Intelligence et peuple.
Quand Vitez recevait Nono au TNP et sa musique en présence de Pierre Boulez. « Crampes mentales interdites ».
A un concert sur Varèse, enthousiaste, j’ai sauté sur mon siège.
J’ai aimé cet homme, et je lui dois beaucoup.
C’était un chercheur et créateur d’avenir dont j’aurais tant aimé que la télévision lui rende en soirée un hommage à la mesure de sa démesure.
Je ne l’oublierai jamais fut-il à Baden-Baden qu’il aimait tant. C’est un bonheur d’avoir écouté jouer, parler, agir ce « chanteur de musique » comme aux Etats Généraux de la Culture ou au Conseil Scientifique du « Métafort » d’Aubervilliers.
Gardons la mémoire vive d’un de ses grands messages : « L’histoire n’est pas ce qu’on subit, l’histoire est ce qu’on agit ».
1 commentaire
J’ajoute que Boulez qui fut à l’origine de biens des créations citées ci-dessus a su assurer sa succession : toutes fonctionnent encore.