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C’est avec une immense tristesse que nous avons appris hier le décès de Claude Cabanes, ancien rédacteur en chef de l’Humanité. Voici le message que Patrick Le Hyaric a adressé à sa famille.
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Saint-Denis, le 26 août 2015
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Chère Marylène,
Chers Philippe, Cécile et Louis,
C’est avec chagrin que la terrible nouvelle du décès de Claude nous parvient en ce petit matin de la fin août.
Vous perdez votre mari, votre père. Nous perdons un ami, un combattant de plume, un camarade élégant, passionné et porteur de chaleur humaine et de fraternité.
L’Humanité perd une belle et grande voix qui aura porté jusqu’au bout de ses forces, la défense des humbles, les idées de justice et d’émancipation humaine sur la place publique, narguant tous ces derniers mois, cette satanée maladie qui le taraudait, le triturait sans relâche.
Claude était à la fois une voix portée par un bel accent du Gers qui n’affadissait jamais la puissance d’une explication, la force d’une démonstration, la pertinence d’un argument tranchant comme la lame et une écriture sans cesse polie, pour mieux peser, soupeser les mots, ajustés dans des phrases colorées, avant que l’encre ne sèche sur le papier.
Avec lui la pensée jaillissait au détour de la phrase, se mettait à vivre et prenait corps obstinément. Il débusquait l’obscur, le caché comme source de réflexions, pour rassembler celles et ceux qui n’ont rien à perdre.
Il écrivait bien et beau. Il portait l’élégance et le talent.
Sa plume légère et fertile aura accouché de milliers d’articles et d’éditoriaux taillés comme du diamant et de beaux romans.
De ce point de vue, il s’inscrit dans la lignée des plus grands journalistes qui ont fait l’Humanité et au-delà, de la presse française.
Nos lectrices et lecteurs s’en régalaient. Ses contradicteurs ou opposants le respectaient et l’estimaient, même après de passionnées et animées joutes oratoires. C’était le cas avec d’autres éditorialistes, chaque semaine à RTL où il aimait aller « refaire le monde » ou comme dans une courte période lors de l’émission télévisée du samedi soir « droit de réponse » de Michel Polac.
La plupart d’entre eux lui reconnaissaient sa culture, sa sensibilité, son esprit critique et son ouverture. C’est sans doute pour cela, à un moment où l’Humanité faisait sa mue, passant d’organe central du Parti communiste à journal communiste, qu’il fut choisi pour succéder à René Andrieu à la responsabilité de rédacteur en chef au printemps 1984, après avoir officié aux rubriques culture et politique de l’Humanité-Dimanche, puis de l’Humanité dès 1971. « Engagé » ! Ont dit certains hier. Au fond, qui ne l’est pas ? C’est vrai, Claude ne supportait pas cette société où dominent « la marchandise et le néant ». C’est son honneur.
Claude s’est trouvé à la direction de l’Humanité dans une période difficile, cumulant les débuts du fléchissement de la presse écrite et la crise du mouvement communiste. Autant de faits qui pesaient particulièrement sur son journal, l’Humanité.
Cela obligeait les équipes à inventer, à défricher des chemins nouveaux.
Il eut ce courage dans une période parsemée d’obstacles et de difficultés, tout en étant membre du comité central du Parti communiste français. Il a eu, avec Roland Leroy, l’audace de l’enrichissement et de l’ouverture du journal dans tous les domaines de l’écriture, des idées, de la culture et des arts.
Il souhaitait le meilleur pour son parti, tout en espérant qu’il pousse ses évolutions, pour toujours mieux tenir compte de notre époque et avait accueilli la création du Front de gauche comme une bouffée d’oxygène.
Parler avec lui était un délice. Toujours curieux des autres, du nouveau, de l’avenir et des possibilités de l’émancipation, il avait cette particularité de vous transformer, de vous transporter, de vous rendre plus informé, plus résolu encore, au cours d’une conversation.
Marqué par les horreurs du siècle et héritier du courage de la Résistance de son père, il nous exhortait souvent à faire du combat contre l’extrême-droite et ses idées brunes et noires, une priorité.
Claude aura été un homme d’humanité et de l’Humanité, son journal, qu’il a porté, enrichi, ensemencé quasi quotidiennement durant quarante quatre ans.
Notre tristesse et notre chagrin sont à la mesure de cette grande perte.
En ces instants si difficiles, si douloureux, au nom des équipes de l’Humanité, je vous adresse nos plus sincères condoléances.
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Patrick Le Hyaric
Directeur de l’Humanité
9 commentaires
Ses éditos m’ont permis de mieux comprendre le monde,loin de la pensée unique. Regrets…
tres bel hommage pour le deces d’un intellectuel très pertinent
Ceux que nous aimons ne disparaissent jamais. Ils vivent dans notre cœur.
Mes sincères condoléances…
“Quand un Algérien se disait arabe, les juristes français lui répondaient : non, tu es français. Quand il réclamait les droits des Français, les mêmes juristes lui répondaient : non, tu es arabe !”
[Ferhat Abbas – La Nuit coloniale – Julliard 1962]
Alors Claude ne supportait pas la domination de l’Homme par l’Homme. Avoir le coeur engagé pour l’amitié fraternelle sans frontières, c’est avoir une vie d’Homme de la Paix gratuite et de ma vie en harmonie. Sincères condoléances fraternelles.
Très belle lettre d’hommage, à une très belle personne… Merci!
Claude Cabanes avait une voix reconnaissable entre toutes,sa voix chaleureuse bien timbrée par un accent du Sud, fait penser par ce qu’elle avait de commun à Jean Jaurès.Et Jaurès était Poésie comme en atteste le chant de Jacques Brel.
Je me rappelle surtout de ses interventions chez Michel Polac, dans l’émission Droit de réponse, au début des années 80.
Claude Cabanes était un homme admirable avec de vrais valeurs. Toutes nos condoléances à sa famille
Claude Cabanes portait les idées communistes avec talent et élégance.J’admirais et admire toujours l’homme de média (grand journaliste assurément),l’homme de culture et surtout l’homme de plume,l’écrivain qu’il était.Je me souviens d’une manifestation,dans les années 80,alors que le cortège passait sur les grands boulevards (Bonne Nouvelle ??)et que l’Humanité y avait encore quelques bureaux….nous apercûmes à la fenêtre d’un immeuble sur la gauche des personnes nous saluant d’un geste amical.Se trouvait parmi elles Claude Cabanes et,chose remarquable que je n’ai pas oubliée, les manifestants,spontanément,naturellement se mirent à applaudir nos sympathiques spectateurs.En vérité ce jour-là Claude Cabanes fut ovationné par la foule,par les manifestants.J’applaudis également non pas pour imiter mes voisins ou ne pas être en reste non j’applaudis parce que je connaissais assez bien finalement ce personnage atypique des média français et j’avais pour lui plus que de la reconnaissance et de l’affection,je l’admirais sans pour autant le connaitre personnellement.Il convenait surtout de le lire,dans votre journal,pour apprécier qui il était.A mon sens peu ont aussi bien su faire vivre leurs idées que Claude Cabanes.C’est pourquoi c’est une cruelle perte pour la gauche.
Sincère tristesse,merci de pouvoir l’exprimer en quelques mots.