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C’est avec une tristesse immense que nous parvient ce matin, de la bouche même de Frédéric, son fils, le décès de notre ami, de notre camarade Paul Boccara. Ainsi il n’aura pas pu vaincre cette fichue maladie qu’il a combattue avec ténacité et courage. Paul était un continent de tendresse et d’exigences mêlées, une force de travail multidisciplinaire et un être de cœur. Un professeur et l’ami qui obligeait à se surpasser, à se dépasser soi-même pour affronter les complexités du monde et pousser un projet économique, social, environnemental et démocratique au seul service du bien commun. De l’université d’Amiens à Buenos Aires, de Pékin à Brasilia, de New-York à Bamako ou dans les pages de L’Humanité et d’Economie et Politique, il professait une méthode de renversement du système dont il détectait, souvent bien avant tout le monde, les spasmes, les soubresauts et les abimes.
Penseur marxiste, il faisait connaitre les différentes facettes de Marx, mais sans cesse il allait au-delà : il le portait en avant, l’enrichissait, l’augmentait, se « hissait sur ses épaules » comme il le disait avec l’accent de Tunis qui adoucissait les rugosités des théories économiques. De la mise à nu du capitalisme monopoliste d’État, à la détection des prémisses de la crise du capitalisme, de l’invention de la nécessité de nouveaux critères de gestion, outils pour les syndicalistes comme pour les gestionnaires d’entreprises, des travaux anticipateurs sur les portées à venir de la révolution informationnelle, quand peu de monde en parlait encore, au renversement de la théorie du coût du travail, jusqu’aux recherches sur une autre construction européenne avec une autre conception de la monnaie jusqu’à la monnaie commune mondiale, il portait haut les innovations permettant de dépasser le capitalisme après avoir étudié l’histoire des systèmes politiques et économiques. Depuis des années il avait poussé des recherches et des expérimentations pour une sécurité de l’emploi, des activités, de la formation pour chacune et chacun à l’échelle du monde. Une idée totalement à rebours de celle dite du « marché » du travail.
Paul le méditerranéen était aussi empli de tendresse que de culture. Il avait mal de ne pas toujours être compris, alors il redoublait d’efforts avec son auditoire ou avec vous seul pour rendre la plus simple possible une proposition au départ complexe ou compliquée. Il n’hésitait pas à prendre les chemins de l’histoire, de la géographie, de l’anthroponomie, de l’écologie et de la démocratie, enrichissant sans cesse la pensée marxiste. Ses travaux, ses recherches, ses propositions irriguent depuis des décennies les programmes et les orientations du parti communiste dont il a été l’un des dirigeants écoutés. Ses travaux ont enrichi régulièrement les pages de L’Humanité. Insuffisamment connue, son œuvre est considérable et continuera à servir aux réflexions et élaborations des organisations sociales comme à son parti, ses élus et plus largement aux mouvements de pensée et d’action alternatives.
Paul nous manque déjà depuis un moment, sa fougue et ses passions, son immense culture, son goût du travail et du partage de connaissances, ses intonations de stentor pour la conviction comme pour le chant, son goût du débat, comme il le montra à plusieurs reprises lors de fêtes de L’Humanité. Nous saurons faire fructifier son travail avec cœur et raison au service d’une humanité nouvelle.
Que sa compagne Catherine Mills, Michel, Geneviève, Charlotte et Frédéric ses enfants ainsi que ses petits enfants trouvent ici le témoignage de notre affection et de notre soutien.
Patrick le Hyaric
Directeur de L’Humanité
Député européen