Un machin pour refonder quoi ? Et, pour qui ?

le 7 septembre 2022

« Pour enterrer un problème, créez une commission », s’exclamait en son temps Clemenceau. De fait, notre République est truffée de conseils et de comités en tout genre, aux noms aussi pompeux que leur objet est inefficace. Leurs bavardages n’ont jamais amélioré la vie quotidienne de nos concitoyens. On se souvient peut-être qu’en 1986, la crise sociale et politique provoquée par les lois Devaquet sur l’université avait conduit le gouvernement de l’époque à créer une structure nouvelle ainsi désignée : « Un comité national de réflexion sera créé avec à sa tête un monsieur Universités ». Sa mission : “Esquisser le paysage universitaire des dix prochaines années”. Trente-six ans plus tard, on ne peut que se souvenir de la puissance des manifestations de jeunes qu’a provoqué cette loi de triste mémoire et constater avec dépit le lamentable état de nos universités, le difficile parcours d’obstacles des étudiants pour y accéder, l’accentuation de la sélection sans parler des amphis vétustes, bondés, et les difficultés pour se loger et se nourrir de toute une jeunesse.

Voici que le président de la République, ignorant les institutions républicaines, à commencer par l’Assemblée nationale et le Sénat, le Comité économique et social et le Haut-commissariat au plan chargé paraît-il de la prospective, invente un Conseil National de la Refondation.

Celui-ci aurait, selon les dires du pouvoir, vocation à « façonner les décisions politiques de demain ». Dès lors, à quoi servirait le Parlement ? Les conseils régionaux, départementaux, les maires ? Et à quoi sert le plan d’investissement sur la décennie, dénommé « France 2030 », présenté par E. Macron lui-même, il y a plus de huit mois.

Ce Président a une fâcheuse tendance à prendre les citoyens pour des demeurés. Il baptise « son bidule à illusions » d’initiales restées éminemment populaires dans la mémoire collective. La population a évidemment compris le but de la manœuvre. Empêtré dans ses difficultés, élu par une minorité de citoyens, battu aux élections législatives, conscient de la profonde crise du capitalisme mondialisé, le président de la République tente de trouver l’illusion d’une unité nationale, pour faire accepter par le plus grand nombre les choix de super-austérité que le capital exige pour maintenir ses taux de rentabilité et l’accaparement des richesses.

Du grand débat après la lutte des Gilets jaunes, à la Convention sur le climat, chacune et chacun est à même de bien comprendre à quoi s’attendre de la propagande élyséenne. Rien.

Cette funeste tromperie a fait long feu. Elle insulte notre valeureuse histoire. Elle dévoie le sigle Conseil National de la Résistance. Et le titre donné au programme du CNR, « Les jours heureux ».

Il ne s’agit pourtant pas aujourd’hui de reconstruire les bases d’un pays capable d’affronter les lourds défis de l’avenir. Le machin de M. Macron n’a pour ambition que de remodeler et soumettre nos vies aux besoins du capitalisme mondialisé. Le CNR, le vrai, c’est la Constitution de 1946, de considérables innovations, d’immenses avancées sociales et démocratiques, le soutien aux travailleurs et l’appropriation d’un certain nombre de leviers de l’économie. Sous l’impulsion d’un Parti communiste qui s’était illustré dans la Résistance aux côtés notamment de gaullistes et pesait 27% des voix à l’époque, le CNR c’est l’unification de la Nation autour d’un projet de redressement et de progrès humain.

Aujourd’hui, le Président comme ses deux prédécesseurs s’acharnent à laminer tous les conquis de ce Conseil National de la Résistance. Progressivement, s’est installé la monarchie présidentielle, le mépris des corps intermédiaires et des travailleurs, ces gens de peu qui « ne sont rien », la mise en lambeaux du Code du travail et les privatisations, le chômage et la précarité du travail qui se substituent au pacte social instauré au sortir de la guerre, alors qu’une partie de la bourgeoisie avait pactisé avec l’ennemi.

Avec obstination, E. Macron entend bien achever le travail pour lequel les gros propriétaires privés, les actionnaires ont favorisé sa réélection. Le passage de la Sécurité sociale aux assurances privées, les pénuries à l’hôpital public, la destruction de l’allocation chômage, l’allongement de la durée du travail, le recul de l’âge donnant droit à la retraite, la mise en cause du statut de la fonction publique à l’école ou dans les transports, l’appauvrissement et la mise pas de l’audiovisuel, la défiguration de la laïcité… Un ordre moral rétrograde et autoritaire, telles sont les grandes lignes de l’agenda présidentiel, soigneusement dissimulé durant les campagnes électorales.

Bref, le pouvoir met en place une escroquerie, déguisée en « machin au service de la démocratie », pour obtenir des salariés qu’ils participent à leur propre exploitation et de préserver les puissances d’argent dont la soif de profit n’est jamais assouvie.

Si le pouvoir avait le souci de l’écoute et du bien commun, il aurait pris en compte les conclusions de la Convention citoyenne. Or, il s’est empressé de rejeter la modeste proposition de taxation à 4% des dividendes, l’introduction de la préservation du climat dans la constitution, l’interdiction de zones commerciales dans les milieux naturels et un grand plan de rénovation énergétique des bâtiments.

Nul besoin aujourd’hui de réunir quelque « comité Théodule » pour appliquer une taxe sur les superprofits, augmenter les salaires et déployer une nouvelle politique industrielle et agricole, riche en emplois et facteurs de bifurcations environnementales.

Pas besoin de comité Théodule pour empêcher que le coût de production d’un mégawatt d’électricité passe de 50€ à 1000€ par la funeste magie de la spéculation en bourse.

Mais, c’est précisément ces sujets que le pouvoir veut éviter. Ce n’est pas un signe de force ! Bien au contraire, les fondés de pouvoir du capital partout en Europe sont dans une dangereuse impasse. Ils peuvent conduire au pire, comme on le voit en Italie, mais en France aussi avec une extrême droite banalisée, introduite grâce au pouvoir dans les rouages institutionnels.

Le Président n’a pas caché les inquiétudes de la classe qu’il sert devant la conférence des ambassadeurs la semaine dernière : « l’ordre économique, le capitalisme ouvert qui était une forces’est déréglé. Et la confiance dans celui-ci n’est plus la même, dans notre pays et à l’international. C’est une réalité » Il dit tout d’une situation qui l’inquiète au plus haut point en cette rentrée.

Raison de plus d’ouvrir le débat sur l’après-capitalisme. Dans quelques heures, cette question peut parcourir, les centaines de débats, de concerts, d’expositions, de rencontres et les allées de la grande Fête de l’Humanité qui s’annonce, comme le grand événement populaire, festif, fraternel, culturel, politique et démocratique, ouvert sur le monde, de cette rentrée.

Les tenants du pouvoir indiquent eux-mêmes le niveau auquel nous devons porter notre intervention. Faisons-le. C’est le moment !

Patrick le Hyaric

7 septembre 2022


2 commentaires


COMPAORÉ 7 septembre 2022 à 12 h 58 min

Merci Patrick pour cette hauteur de vue. On est en plein dans les débats de notre temps.

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