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Depuis quatre ans, avenue Matignon, en plein centre de Paris, un magnifique bâtiment de 2500² demeurait vide depuis quatre ans, mais pourtant éclairé. Le 27 décembre dernier, des mal-logés, membres du collectif Jeudi Noir y sont entrés pour s’y installer. Il s’agissait pour la trentaine de personnes de se loger, certes, mais aussi et surtout d’attirer l’attention sur le scandale du mal-logement en France.

Comment expliquer, alors que les prix de l’immobilier flambent, que ce bâtiment, propriété de la banque AXA demeure si longtemps inoccupé ? La réponse réside en une manœuvre financière : pour emprunter sur les marchés financiers au meilleur taux,  il faut bénéficier d’une bonne appréciation des agences de notation, le fameux AAA, et pour cela, il est nécessaire de posséder des actifs immobilisés. Avec 2500m² à 20 000 € le m², cet immeuble n’a donc plus d’autre utilité que de servir de garantie financière. C’est pour cela, qu’en plein Paris où sévit une violente crise du logement, les loyers explosant et les offres se raréfiant, se trouvent des centaines d’immeubles, souvent de bureaux, parfois de très haut standing, mais totalement vides. Une aberration de la pire espèce.

Le 16^ème rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre nous a appris que plus de 8 millions de personnes en France sont concernées par le mal logement. C’est plus de 12% de la population. 3,6 millions n’ont pas de domicile fixe et en sont réduites à vivre chez un proche ou dans la rue. Même les propriétaires connaissent aujourd’hui la précarité du logement car il devient souvent très difficile de rembourser les prêts. Les prix et les loyers augmentent sans cesse et surtout sans contrôle. La plupart de villes, gérées par la droite, se refusent de respecter à la loi Solidarité Rénovation Urbaine (SRU) qu’a fait voter Jean-Claude Gayssot qui les oblige à construire du logement social, le parc locatif privé devient inabordable, et même quand les revenus sont suffisants, les bailleurs demandent des garanties impossibles à satisfaire. A Paris, contre les règlements, beaucoup de propriétaires de petits appartements les louent désormais pour de courtes durées, à des touristes ou des voyageurs d’affaires. Ainsi ils touchent pour une semaine un loyer comparable à celui d’un mois de location traditionnelle. Sauf que cela aggrave sévèrement la pénurie de logement dans la capitale.

Le 15 février dernier le tribunal d’instance du 8^ème arrondissement de Paris ordonnait l’ « expulsion immédiate et sans délais » des occupants du 22, avenue de Matignon en application du droit de propriété, un droit constitutionnel. Pourtant le droit au logement est lui aussi devenu constitutionnel depuis le redoutable coup de marketing orchestré par Mme Boutin, alors ministre du logement, sur la loi  dénommée «Droit au logement opposable » (DALO). Le tribunal a d’ailleurs recommandé au « squatteurs » de déposer un dossier DALO en préfecture. Quand on sait que depuis la mise en application du  dispositif en 2007, sur les plus de 50 500 dossiers déposés, seulement la moitié a pu être examinée, que seuls 13 845 ont reçu un avis favorable et que sur ceux-ci un sur cinq seulement a permis au demandeur d’être logé, cela fait l’effet d’une blague de mauvais goût. Le tribunal d’instance du 8^ème arrondissement de Paris a donc déclaré par son jugement que le droit de jouir en exclusivité de sa propriété, fût-elle vide et inutile, prime sur le droit de se loger en plein hiver.

Les membres de Jeudi Noir qui occupaient l’immeuble en ont été expulsés par la force ce matin à 7h30. Un rendez-vous est donné ce soir à tous ceux qui voudront soutenir la cause de la lutte contre le mal-logement, devant l’immeuble désormais à nouveau vide.

Rendez-vous à 18h ce vendredi 18 février, 22 avenue  Matignon Paris  8ème – M° Miromesnil ou Franklin D. Roosevelt

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