Pour que Lampedusa ne soit plus un cimetière de migrants

le 10 octobre 2013

Photos from NATO Press Briefing on Libya

Il ne faudrait pas que les grandes vagues des unités de bruit médiatique engloutissent une seconde fois les naufragés de Lampedusa. Les pourtours de cette belle île italienne, placée entre l’Europe et l’Afrique, sont régulièrement transformés en morgue à ciel ouvert. Des dizaines de milliers de migrants, fuyant les guerres, les persécutions, les misères et les famines, venus du Sahel, du Bengladesh, d’Irak, d’Erythrée, d’Afghanistan, de Syrie, voient cette île comme une porte d’entrée en Europe.  Ils fuient leurs misérables conditions de vie, leur insécurité, pour accéder à la liberté, à un avenir meilleur. Ils y viennent après avoir subi le chantage de passeurs mafieux sans scrupules, au prix d’un endettement à vie de  leurs familles. Et quand ils arrivent à mettre le pied sur les terres européennes, ils sont parqués au port de Lampedusa des jours et des semaines, avant d’entamer un vrai parcours du combattant, fait de contrôles divers, d’humiliations, d’enfermements dans des centres de rétention.

 

La semaine dernière, une nouvelle fois, un bateau transportant cinq cent femmes, enfants, hommes, venus de Somalie et d’Erythrée n’a pas résisté aux forces déchaînées de la mer. Elle les a engloutis pour rejeter certains d’entre eux sur les plages, aux lueurs du petit matin. C’est horrible ! C’est insoutenable pour tout être de cœur et de raison.

 

Cette tragédie n’est pas la première. La maire de Lampedusa a eu beau alerter, rien n’est venu stopper un défilé presque continu  d’embarcations dont on ne parle jamais. On estime ainsi, à près de vingt mille le nombre de celles et ceux qui, ces vingt cinq dernières années, ont perdu la vie pour tenter de rejoindre ce qu’ils imaginaient être pour eux un eldorado, comparé à leur terrible situation. Oui, vingt mille ! Il y a à peine deux semaines, treize érythréens avaient déjà été découverts morts au large de la Sicile. Cent dix sept syriens, fuyant l’enfer de leur pays, avaient été arraisonnés la semaine dernière au large de Syracuse. On a profondément honte de savoir que parmi nos frères humains, une partie n’a le choix que de périr dans la misère et la guerre ou de mourir à nos pieds, sur les côtes de notre Europe. Les larmes de crocodile de certains dirigeants européens ne peuvent cacher soit leur coupable inaction, soit leurs orientations politiques et économiques qui ne peuvent conduire qu’à ces dramatiques situations.

 

La liberté totale de circulation des capitaux s’accompagne d’un filtrage de l’entrée des personnes dans une Europe forteresse. L’agence européenne, chargée de la protection des frontières externes de l’Union européenne*, repousse les candidats à l’exil sur des routes toujours plus dangereuses, tenues par des passeurs sans scrupules. Et ceux qui réussissent leur entrée, subissent une sorte de criminalisation avec l’application de la directive européenne dite « retour » qui les repousse toujours plus vers l’illégalité. Une telle approche conduit à reléguer ces personnes malheureuses encore plus dans la clandestinité, sans aide, sans informations sur leurs droits, sans protections judiciaires et sociales. Un parcours qui favorise tous les abus et les exploitations de toutes sortes.

 

Un déplacement du Président de la Commission européenne sur place n’y suffira donc pas. Il est indispensable de renouer avec des actes concrets de solidarité, d’humanisme. L’urgence serait d’ouvrir un couloir humanitaire pour les réfugiés et d’examiner chacune de leur situation et leurs demandes, sans susciter, de quelque manière que ce soit, la division, le rejet de l’autre et toute forme de racisme. Il n’y a pas d’issue pour notre commune humanité sans solidarité, sans une lutte acharnée contre la misère et la pauvreté, véritable terreau d’où surgissent des réseaux terroristes,  intégristes, et où  la violence et les guerres enterrent la liberté et la démocratie.

 

Solidarité signifie que les pays européens doivent se répartir l’effort d’accueil des migrants ainsi que les procédures d’asile ou de régularisation. Mais, au-delà, c’est un nouveau monde de coopération que l’Union européenne devrait impulser pour aider les pays de la corne de l’Afrique, mais aussi du Maghreb à sortir de la misère. L’entraide et la coopération sont les seuls moyens de sortir de l’inhumanité et des divisions actuelles. Elles sont  un devoir. Nous sommes toutes et tous, par delà les frontières, la communauté humaine. Et le grand devoir provient surtout du fait que ces migrants viennent, la plupart du temps, de pays dans lesquels nos firmes multinationales, à base européenne, vont piller les richesses naturelles et surexploiter les populations, tout en développant le chômage et en impulsant le démantèlement des droits sociaux en Europe. Le salarié et le chômeur français sont victimes de la même multinationale, de la même banque que le somalien ou l’érythréen.  Les discours stigmatisant l’autre, celui venu d’ailleurs, sont dangereux humainement et politiquement. Comment comprendre que le gouvernement, prêt à déclencher des frappes en Syrie, est aussi celui qui chasse quelques exilés syriens en grève de la faim au port de Calais ? Comment comprendre et accepter ces campagnes délirantes contre les « Roms »,  de la part des mêmes qui discourent sans cesse sur cette Europe qui, selon eux, devait « ouvrir une ère de prospérité ». La terrible et triste réalité, c’est que les « Roms » comme les exilés « d’ailleurs », ne sont que les victimes d’un monde où prédomine la misère quand une infime minorité se gave de milliards d’euros. Où la corruption et l’accaparement des pouvoirs enferment des peuples dans des prisons à ciel ouvert à l’heure où l’information est instantanée et mondialisée.

 

Il n’y a pas d’avenir sans imaginer un monde commun où prédomine le partage, la coopération, la solidarité et un mouvement général d’émancipation pour que Lampedusa redeviennent la belle île bercée par les chaleurs de la Méditerranée et non le cimetière marin des migrations du monde.

* l’agence Frontex

Humanité Dimanche


3 commentaires


Nicole Sarah Kretchmann 11 octobre 2013 à 11 h 08 min

Bonjour,
dans mon site dans la dernière lettre d’info j’ai écrit que nous étions des immigrés à notre cœur.
Où est la Bienveillance ? La Bonté ? La Compassion ? L’Échange ?
Nous nous sommes laissé-e-s enfermé-e-s dans la peur. On a peur de ses propres réactions. On croit qu’il faut se protéger à tout prix même si on écrase l’autre.
Tu désires toi aussi être accueillant-e ? Ouvre ton cœur et ta porte. Alors ta Vie sera illuminée par la Joie.

Michel Berdagué 12 octobre 2013 à 8 h 50 min

Sûr que “…c’ est une infime minorité qui se gave de milliards d’ euros.” Ce mécanisme en stade suprème du capitalisme : l’ impérialisme déjà décrit et publié en 1916 par un Lénine en exil en Suisse en plein conflit mondial est des plus actuels et depuis près d’ un siècle l’ impérialisme des marchés financiers privés s’ aggravent avec des conséquences pour toute la population mondiale . Il est grand temps que l’ Union des Prolétaires de tous les pays se fassent et que tous les Prolétaires prennent à bras le corps les charges et dangerosités, que cet impérialisme nous fait subir, en dépassant le capitalisme/l’ impérialisme. Bien sûr Solidarité Internationale et de classe.

Le pédagogue 4 septembre 2015 à 18 h 20 min

Le pédagogue :

En ce début du mois de septembre 2015, la publication par le quotidien britannique « The Independent », de la photo de la dépouille d’un enfant mort en mer, comme des milliers d’autres personnes qui tentent, depuis un certain temps déjà, d’atteindre d’autres rivages, semble avoir provoqué « une certaine émotion », face à « l’afflux des migrants ».
Depuis longtemps , bravant tous les dangers, des milliers de personnes, hommes, femmes, et enfants, fuyant les horreurs des pays d’origine, tentent d’arriver en Europe et d’y rester, en dépit de l’hostilité dont elles sont l’objet, et qui ne date pas d’aujourd’hui.
Ce « processus migratoire » ne cesse de mettre en relief certaines conséquences des méfaits du système colonialo-impérialo-sioniste qui a semé, et qui sème encore, l’oppression partout.
En arabe, les personnes qui prennent la mer pour atteindre l’Europe sont appelés « lhrraaga ».
Les « brûleurs ».
J’en ai déjà parlé, mais ce n’est pas la première fois que je reprends ce dont j’ai déjà palé.
Ce sont généralement des personnes qui tentent, à bord d’embarcations de fortune, de quitter l’Afrique (et des pays situés ailleurs) pour atteindre l’Europe la forteresse), où ils sont considérés, lorsqu’ils y arrivent (ce qui n’est pas toujours le cas), comme « clandestins » (émigration clandestine).
« Brûleurs » parce que avant de se lancer dans cette tentative d’atteindre des côtes européennes, ils brûlent tous les documents qui peuvent permettre de les identifier et donc de les expulser vers les pays de départ.
Des pays où sévissent des régimes fondés sur l’imposture, le crime, la trahison, la tromperie, la corruption, l’injustice, la perversion, la débauche, le mensonge, le pillage, l’oppression, l’exploitation, le viol, la torture, l’enfermement, la négation de l’être humain.
Avec ces régimes, pour les populations qui y subissent les horreurs, l’Afrique (ou des pays situés ailleurs) est un bagne, un continent où la merde gicle et dégouline de partout.
Nauséabonde.
L’esclavage a fait des ravages.
Le colonialisme n’a rien épargné.
Le système colonialo-impérialo-sioniste continue d’alimenter, d’entretenir et de répandre les ordures et la pourriture.
Les régimes mis en place par ce système, sont tenus de tout mettre en œuvre afin de servir les intérêts de leurs employeurs.
Ces employeurs, qui connaissent mieux que quiconque leurs employés et qui n’ignorent rien de leurs pratiques, savent qu’ils sont assoiffés de sang, d’argent et de vices, qu’ils sodomisent et massacrent des hommes, violent, méprisent, humilient et tuent des femmes, s’adonnent à la pédophilie et font disparaître des enfants.
Ce qui a été appelé « l’indépendance dans l’interdépendance », « la révolution » ou la fin de l’apartheid, n’a pas débarrassé les « indigènes » de l’asservissement, des persécutions, de l’oppression, de l’exploitation, de l’arbitraire, des enfermements, des tortures, des humiliations, des vexations, des injustices et autres.
Les criminels mis à la « tête » des « États » dits « indépendants » ont des comptes bancaires partout, des lingots d’or, des pierres précieuses, des bijoux de grande valeur, des fermes modèles, des haras, des propriétés immobilières sans nombre, des résidences dans les « grandes capitales » et au bord de « plages pour milliardaires », des palaces, des tableaux de peintres de renom, des cabarets, des boîtes de nuit, des salles de jeu, des restaurants, des voitures luxueuses, des avions, des bateaux.
Ils affament et détruisent avec l’appui de leurs employeurs, investissent dans les lieux de la débauche, se font livrer par vols entiers des débauchés dits stars, artistes et autres, des alcools et des drogues à profusion, des mets pour « civilisés » que les « barbares » ne connaissent même pas de nom, raffolent de sexe sans frontières et de partouzes.
Ils salissent et souillent tout, recourent à la dépravation, à la censure, aux usurpations, aux falsifications, aux trafics, aux trahisons, aux tromperies, aux tricheries, aux enlèvements, aux séquestrations, aux emprisonnements, aux supplices, aux liquidations, aux tueries, aux massacres et autres à des degrés inimaginables.
Les « empires coloniaux » ont peut-être disparu, mais pas les effets du colonialisme.
Le système colonialo-impérialo-sioniste a imposé à des populations entières de par le monde de chercher des moyens de subsistance dans des conditions, le plus souvent, atroces.
Beaucoup parmi elles, rurales, se sont trouvées dans des faubourgs de villes nouvelles coloniales, contraintes de s’adapter à des modes de survie dans des bidonvilles.
Ces populations ont connu la transplantation forcée dans leur pays d’origine, avant qu’elles ne soient poussées à le quitter parfois pour fournir la main d’œuvre, taillable et corvéable à merci, dont les métropoles avaient besoin.
Le processus migratoire ne peut pas être compris en occultant l’histoire de la transplantation d’êtres de sociétés rurales, d’êtres colonisés, maintenus dans l’ignorance, dépossédés, sans moyens, dans des sociétés industrialisées qui par de multiples mécanismes ont imposé et imposent leur domination.
Les pays d’Afrique (et d’autres pays ailleurs) restent pour les employeurs des réserves de matières premières et de main d’œuvre, des marchés pour tout écouler, des points stratégiques pour les militaires, des terrains d’expérimentations des armements, des lieux de pédophilie et autres « loisirs pour touristes », des dépotoirs multiples et variées et des décharges d’immondices.
Ces pays sont dotés d’une armée et d’une police très opérationnelles pour les oppressions et les massacres des populations.
À cet effet, le système colonialo-impérialo-sioniste leur vend les armes nécessaires et se charge de la formation.
Ces armes sont vendues au prix fort par ce trafiquant, qui alimente, oriente, entretient et contrôle les conflits armés entre ses employés.
Doté d’avions bombardiers des plus performants dans les exterminations, d’une flotte maritime pour les agressions, d’innombrables chars de carnage, de missiles, d’équipements militaires les plus récents, d’armements sophistiqués, d’armes nucléaires, le système colonialo-impérialo-sioniste répand la terreur.
Dans ce domaine, une certaine « préséance » est reconnue à la France en Afrique, qu’elle continue de considérer comme sa « chose ».
Depuis un certain temps, l’Europe ne veut plus que ces « hrraaga » émigrent pour atteindre « la forteresse ».
Elle fait tout afin d’empêcher leur venue, mais ces « brûleurs » sont décidés à tout faire pour s’évader du bagne des pays d’origine.
Ils n’ont rien à perdre.
Ils continuent de mourir pour fuir ce qu’ils ne peuvent plus supporter.
Afin de les contenir, l’Europe verse des sommes énormes à ses employés pour qu’ils usent de tous les moyens de rétention.
Par ailleurs, en plus des possibilités illimitées de chaque État d’Europe, l’Union Européenne a mis en place une force (Frontex) avec des avions, des hélicoptères, des navires et autres, destinés à renforcer « la forteresse ».
Mais rien n’arrête « lhrraga » :
Ni les naufrages au large de l’île italienne de Lampedusa et ailleurs qui ont entraîné la mort de centaines de personnes, qui s’ajoutent aux milliers d’autres naufragés dans la mer contrôlée par cette Europe où ils rêvaient de survivre plus décemment que « chez eux ».
Les criminels installés à la « tête » des « États » d’Afrique s’en foutent bien sûr.
Complètement, et recourent au pire.
Tout cela est noyé bien sûr.
Les imposteurs, à l’œuvre depuis des lustres, ont toujours usé d’une diarrhée verbale pour camoufler leurs crimes.
Des mots qui alimentent et entretiennent le faux.
Gonflés d’orgueil et d’arrogance, ils répandent leur diarrhée.
Ils donnent des leçons qu’ils ne s’appliquent pas à eux-mêmes.
Sèment les tromperies et toutes les horreurs selon l’étable de leur loi (les tables de leur loi).
Veulent imposer leur « Histoire », avec hache majuscule, pour décapiter la Vérité.
Ils font semblant de « s’offusquer » des effets de ce dont ils sont la cause.
Les coups les plus inimaginables sont montés.
Les manipulations les plus incroyables sont pratiquées.
Les mensonges les plus éhontés sont servis.
Les hommes, les femmes et les enfants qui continuent d’arriver en Europe(et ailleurs), ne sont pas différends de ce qui a été décrit il y a des décennies :
« Ils avaient le pas pesant, les bras ballants et la face effarée. Ceux qui s’arrêtaient pour les voir passer fermaient brusquement les yeux, en une minute de doute intense et subit, où l’origine et la fin conventionnelles de l’homme étaient vélocement révisées, les classifications des règnes et les métaphysiques mises à bas et échafaudées de nouveau comme un château de cartes sur leurs mêmes fondements et suivant la même systématique […] ils ouvraient les yeux : la faillite de la civilisation, sinon de l’humanité, qu’ils avaient vu défiler vêtue de fripes, ou, à tout le moins, des fripes emplies de néant » (Driss Chraïbi, Les Boucs, Paris, éditions Denoël, 1955, P. 26).

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