Pegasus : espionnage, vol de données, viol de l’intimité

le 27 juillet 2021

Cette semaine a été marquée par les révélations liées à l’opération dite « Pegasus“. Un système qui permet à des logiciels espions d’aspirer tout ce qui existe dans votre téléphone portable. L’enquête, réalisée par un consortium international de journalistes coordonnés par la plateforme française Forbidden Stories (avec le soutien d’Amnesty International), a dévoilé comment une dizaine d’États se sont adonnés à des pratiques d’espionnage à très grande échelle au moyen d’un virus informatique – appelé Pegasus – créé et commercialisé par l’entreprise israélienne NSO Group.

Dans cette affaire, Arabie Saoudite, Maroc, Azerbaïdjan, Mexique et d’autres pays encore dont un membre de l’Union européenne, la Hongrie, ne se sont pas contentés du « traditionnel » espionnage d’ordre diplomatique. Les enquêteurs de Forbidden Stories ont accédé à une liste de 50 000 cibles potentielles révélant que ces États n’ont pas hésité à viser des opposants politiques, des militants des droits de l’homme, des syndicalistes, des avocats, des dirigeants politiques de premier rang…

Près de 200 journalistes ont aussi été directement ciblés, parmi lesquels Rosa Moussaoui, journaliste et enquêtrice à l’Humanité, dans la mire du Maroc parce qu’elle a dévoilé, au travers d’enquêtes et de reportages sur les mouvements sociaux, les violations des droits humains et la répression de la presse dans ce pays ou l’on pourchasse celles et ceux qui osent dévoiler les terribles réalités du royaume : harcèlement, répression, emprisonnement, torture… 

Les révélations d’Edward Snowden, un ancien agent des renseignements américains, avaient déjà mis en lumière (en 2013) les capacités incommensurables d’espionnage de la première puissance mondiale, les Etats-Unis, lesquels sont en mesure d’intercepter quasiment toute information transitant sur internet et réseau de téléphonie mobile.  

Il n’est pas anecdotique que la ministre française des Armées ait visité, lors de son déplacement aux Etats-Unis il y a tout juste une quinzaine de jours, les locaux de l’United States Cyber Command (le commandement militaire américain chargé de la cyber-guerre) ainsi qu’une annexe de la désormais très connue NSA… agence dont on a su grâce à Snowden qu’elle avait espionné l’Elysée pendant de nombreuses années. Cette visite se serait soldée par un accord sur un développement conjoint de la cyber sécurité.  

De même, le logiciel israélien Pegasus, fabriqué par une entreprise israélienne dans laquelle officient des anciens membres du ministère de la Défense israélien, a servi d’outil de chantage du gouvernement de Tel-Aviv dans ses relations internationales pour bénéficier de l’impunité dont a droit ce régime qui refuse d’appliquer le droit international et qui poursuit sa colonisation de la Palestine.  

Il a surtout servi à modifier les rapports de force dans la région contre le mouvement progressiste arabe, pour isoler les palestiniens.  

Nos gouvernants, si prompts à dénoncer la « situation des droits de l’homme » ou les « dictatures », ne voient aucun problème à entretenir d’excellentes relations diplomatiques – et évidemment commerciales – avec nombre de régimes pourtant peu recommandables et dont les agissements sont parfois criminels.  

L’enquête de Forbidden Stories a par exemple démontré comment des journalistes ont été assassinés seulement quelques jours après avoir été ciblés par des services de renseignement ayant eu recours au logiciel Pegasus.

Alors que les exactions commises par l’armée mexicaine – premier client de NSO Group – durant le mandat de Enrique Peña Nieto (2012-2018) ont fait objet d’innombrables dénonciations pour violations en matière de droits de l’homme (torture, disparitions forcées, exécutions extrajudiciaires…), François Hollande n’avait pas hésité en faire son invité d’honneur pour le défilé du 14 juillet sur les Champs-Elysées, en 2015.  

S’agissant des Émirats arabes unis, il n’est plus la peine de rappeler les excellentes relations que la France a tissé avec les pétromonarchies du Golfe, régimes obscurantiste et rétrogrades au possible, monarchies théocratiques dont les accointances avec les intégristes-islamistes ne sont plus à démontrer. Evoquons simplement que le président Mohammed ben Zayed Al Nahyane, reçu à l’Elysée par MM. Sarkozy, Hollande et Macron, est accusé en France de complicité de crimes de guerre et de graves violations des droits humains (dans le cadre de la guerre menée au Yémen). Mais ce « partenaire stratégique majeur » de Paris est aussi le cinquième client de notre industrie de défense sur la période 2010-2019…

Quant au Maroc, rappelons que le n°1 des services de renseignement de cette monarchie, le sinistre Abdellatif Hammouchi (notamment visé par des plaintes pour torture), a été élevé au grade d’officier de la Légion d’honneur par l’ancien président Hollande. Aujourd’hui, le président Français fait semblant d’agir en réunissant… un conseil de défense dont la grande décision est de… changer son téléphone portable. On se tordrait de rire si ce n’était pas si grave…   Pour bien moins que cela, d’autres pays comme la Russie ou la Chine, auraient fait l’objet de protestations, de mise au ban, de sanctions commerciales. Pourquoi dans ce cas il n’y a même pas de convocation de l’ambassadeur du Maroc pour au moins feindre de demander des explications ?

D’autres initiatives devraient être prises : le dépôt d’une résolution au Conseil de l’Europe et la mobilisation de la Cour européenne de justice puisqu’il s’agit ici d’États avec lesquels l’Union européennes a signé des traités et des accords d’association.

Ces nouvelles armes numériques doivent faire l’objet d’une convention internationale permettant d’encadrer et de réguler leur objet et leur utilisation.

Nous sommes toutes et tous concernés. 


1 commentaire


jean claude bricault 4 août 2021 à 20 h 06 min

liberté

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