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Nourrir la planète

le 16 octobre 2009

En cette journée mondiale de l’alimentation et à la veille de la journée du refus de la misère, j’ai fait une adresse solennelle au  Président de la République. Il est urgent d’agir face au paradoxe terrible que connaît notre monde où plus d’un milliard d’êtres humains subissent la famine alors que des milliers d’exploitations sont au bord de la fermeture en Europe et que des paysans du monde entier sont privés de terre et de droit du travail

Le capitalisme va à l’encontre de l’accès à la nourriture et à l’eau. La France doit agir énergiquement pour une nouvelle solidarité mondiale.

Je mets  en débat, à travers cette lettre, trois grands axes de travail :

–          Au niveau mondial, la France doit être à l’initiative d’une grande conférence mondiale sur l’alimentation et l’agriculture, celle-ci serait placée sous l’égide de l’ONU et aurait pour rôle de prendre des mesures contraignantes ;

–          Face aux choix ultralibéraux  de la commission européenne, il est indispensable de repenser la politique agricole commune sur la base de la rémunération du travail, la régulation d’une production de qualité, la vie des territoires et l’environnement ;

–          Dans notre pays, je propose la mise en place d’un grand plan national de sauvetage et de développement de l’agriculture. 

 

 

  ______________________________________________  

                                                GUE NGL

.

 

 

 

 

Patrick Le Hyaric,
Député au Parlement européen,
Vice-président du groupe GUE/GVN

 

                                                                             à M. Nicolas Sarkozy

                                                                              Président de la République

Saint-Denis, le 16 octobre 2009

Monsieur le Président de la République,

Je me permets d’attirer votre attention à l’occasion de la journée mondiale de l’alimentation et à la veille de la journée mondiale du refus de la misère, sur deux terribles paradoxes. Alors que le milliard d’individus souffrant de la famine et de la malnutrition vient d’être dépassé, celles et ceux -particulièrement les petits et moyens agriculteurs- dont le métier est de produire de la nourriture sont au bord de la faillite dans nos pays européens.

Des milliers de paysans sont privés de terre dans les pays les plus pauvres où se trouvent les plus sous-alimentés ; des pays comme de grandes firmes s’accaparent des surfaces de terre équivalentes à la surface d’une ou deux régions françaises, particulièrement en Afrique.

J’ignore si la récente réunion du G20 a abordé ces questions décisives pour l’avenir de l’humanité. Mais la France, pays de l’humanisme, de la solidarité devrait poser avec force ces problématiques dans les instances internationales et au Conseil européen.

L’enjeu de l’accès de chaque peuple à sa souveraineté alimentaire devient une question urgente et vitale pour lui-même. Mais, au-delà, avec l’accès à l’eau potable, il est un des grands défis auxquels le monde est confronté pour son équilibre et son harmonie.

Au sein de l’Union européenne, on ne peut plus laisser la situation dériver à ce point. Si la crise agricole perdure encore, nous allons assister au plus vaste plan de destruction d’emplois et de saccage de nos territoires, que nous n’ayons jamais connu en temps de paix.

La baisse des revenus qui dépasse 20% selon les productions, les fermetures accélérées des petites et moyennes exploitations en cours, les faillites, le surendettement, cohabitent désormais avec une concentration aggravée sans précédent de la production agricole, et une industrialisation de la production de matières premières agricoles. Il y a là un modèle de développement non viable et dangereux pour les équilibres territoriaux, l’environnement et la qualité alimentaire. Quel sera à terme le coût social, environnemental, sanitaire d’un tel mode de développement ?

Cette terrible crise sociale, économique que subissent les agriculteurs, leur pose une question encore plus fondamentale : celle de leur utilité dans la société. Il n’y a rien de pire pour des travailleurs, aimant tant leur métier, d’une grande noblesse, que de devoir subir un tel sentiment, précisément au moment où la famine et la malnutrition font des ravages dans le monde.

Il devient nécessaire, en lien avec le sommet de Copenhague et avant la reprise des discussions à l’Organisation Mondiale du Commerce, de proposer une conférence mondiale sur l’alimentation et l’agriculture, associant gouvernements, élus, syndicats et associations sur cet enjeu crucial. Une telle conférence devrait être placée sous l’égide de l’ONU.

Aussi, Monsieur le Président de la République, il est de votre responsabilité de chef d’Etat d’une des premières puissances mondiales, aux belles traditions de solidarité, disposant d’une agriculture diversifiée, d’exprimer cette ambition avec tout le retentissement qu’elle mérite. L’organisation des Nations-Unies et la FAO, doivent être soutenues dans leur alerte et leur projet.

D’autre part, le Conseil européen agricole n’ayant débouché sur aucune disposition concrète pour nos petits et moyens agriculteurs qui connaissent la crise la plus dure depuis la fin des années 1960, je considère de votre responsabilité d’agir en urgence dans deux directions :

1/ D’abord décider d’un grand plan national de sauvetage et de développement de l’agriculture-paysanne française. Cela passe dans l’immédiat par un plan financier, associant l’Etat, les banques, les assurances, l’industrie agro-alimentaire et les grandes sociétés de distribution.

La renégociation des emprunts, voir des annulations de dettes et de cotisations sociales, des aides spécifiques de trésorerie peuvent être décidées.

Les populations ne peuvent comprendre que les moyens aient été trouvés pour sauver le secteur bancaire ou d’autres filières industrielles, tandis que nos agriculteurs sont abandonnés alors qu’ils connaissent une situation de détresse indescriptible. L’agriculture est un secteur vital pour la France.

Il faut aussi tirer les leçons des effets pervers de la loi dite de « modernisation de l’économie » et la remettre en débat au Parlement. Celle-ci met les producteurs en situation d’infériorité vis-à-vis des centrales d’achat et conduit donc à une baisse violente des prix à la production.

2/ D’autre part, je vous suggère d’agir pour obtenir auprès de nos partenaires et de la Commission européenne, la réunion d’un Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement, consacrée à ces sujets pour donner de nouvelles orientations à la Commission européenne et au Conseil agricole européen.

Celui-ci pourrait décider :

– D’un plan financier de soutien à l’agriculture non industrielle, complémentaire aux plans nationaux qui pourraient être décidés.

– De dispositions urgentes pour redresser les prix, notamment dans le secteur laitier, porcin, et un soutien aux producteurs de fruits et légumes. L’Union européenne dispose encore d’outils d’intervention permettant de le faire.

– Plus fondamentalement, la politique agricole européenne doit revenir à des outils de régulation, susceptibles de maintenir un réseau dense d’exploitants familiaux, producteurs d’une alimentation de qualité.

Pour cela, il est indispensable de maintenir les mécanismes de quotas et de faire admettre l’idée d’un prix minimum intra-européen, pour une quantité donnée de production agricole par secteur de production à définir et refuser les importations abusives.

Enfin, à la veille de l’hiver, il convient de demander aux autorités européennes de maintenir et d’amplifier les systèmes d’aides alimentaires, existant dans les stocks, voire de reconstituer des stocks à cet effet, pour les associations et organisations de solidarité, qui n’ont jamais eu autant de personnes et de familles à leur permanence.

Monsieur le Président de la République, ce qui se passe aujourd’hui est totalement opposé aux orientations du discours que vous avez prononcé à Rennes le 11 septembre 2007. Je pense que vous en avez conscience, car, nous parlons ici d’un enjeu fondamental pour la planète et pour l’intérêt de notre pays lui-même. Comme parlementaire européen, je suis décidé à porter ces enjeux dans l’intérêt d’une autre construction européenne et au service de l’action contre la faim, pour l’emploi et l’environnement.

Certain que ce courrier retiendra toute votre attention,

Veuillez agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de mes salutations respectueuses.

Patrick Le Hyaric
Député au Parlement européen
Vice-président du groupe GUE/NGL


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