Les rodéos médiatiques pour la présidentielle

le 4 octobre 2020

LP/Fred Dugit

L’actualité déborde de sujets majeurs qui interrogent les évolutions et fondations du monde moderne. La pandémie de Covid-19, expérience inédite de l’histoire moderne, rebat les cartes de la mondialisation, met à nu les mécanismes sordides et inégalitaires du mode développement capitaliste, et bloque l’horizon d’une génération entière. Le réchauffement climatique s’accompagne d’une chute vertigineuse de la biodiversité sans qu’un lien direct qui unit les deux phénomènes ne soit souligné, ajoutant à l’ampleur du défi écologique. Le développement numérique est l’occasion d’une concentration extraordinaire du capital et d’une main mise nord-américaine sur des pans entiers des secteurs culturels et médiatiques, sur nos imaginaires. L’humanité fait face à la diversité agissante de ses membres, dont l’essentiel était autrefois cantonné à l’asservissement. Mais le repli nationaliste, identitaire et obscurantiste progresse en miroir.

Le système capitaliste est entré depuis des décennies dans une crise systémique qui pousse le capital à exiger partout une exploitation accrue du travail et de la nature, faisant désormais reposer son emprise sur un système financier vorace qui méprise les besoins humains et balaye l’exigence démocratique. Le chômage, la désindustrialisation, la pauvreté gagnent du terrain à mesure que les cotations boursières repartent à la hausse. Les peuples sont sacrifiés à l’autel du « dieu argent » à échéances de plus en plus rapprochées. Ce sont ces « crises » que l’on fait passer pour la foudre des dieux antiques. Et nos augures modernes exigent des peuples des sacrifices pour expier leurs fautes. Ils ont pour noms, salaires, santé, services publics, démocratie, retraites…

Livrées à elles-mêmes et sans représentation forte, les classes populaires boudent chaque fois un peu plus les urnes dans les pays dits démocratiques, ne voyant qu’un intérêt relatif à élire des représentants qu’ils jugent de plus en plus, soit corrompus, soit impuissants, soit peu différents les uns des autres.

C’est dans ce contexte inédit et déliquescent que la semaine dernière la plupart des journaux bien informés par les services de communication voir par les aspirants –président préparent les opinions en hypothèses qui toutes visent à empêcher la possibilités même d’une alternative politique. On a même dans les médias poussé le bouchon jusqu’à effacer le Parti communiste des radars à l’occasion des élections sénatoriales alors qu’il vient de faire réélire ses sénateurs sortants et d’en élire deux supplémentaire. Ce n’est pas un manque de rigueur journalistique. C’est de la politique. Il faut d’évidence reconnaitre l’importance du scrutin présidentiel, pensé dès sa conception comme clef de voute institutionnelle permettant la concentration des pouvoirs en un homme seul, régnant au-dessus des partis, c’est à dire au-dessus de la vie démocratique, et cherchant à nouer avec le peuple un lien mystique et charnel.

L’inversion du calendrier électoral, la caporalisation de la représentation nationale et la réduction du mandat présidentielle à cinq ans ont profondément aggravé ces caractéristiques anti-démocratiques, jusqu’à entrainer la déconsidération des élections que chacun appelle désormais benoitement « intermédiaires » (c’est-à-dire subsidiaires), et qui, du fait de la concentration des pouvoirs au sommet, ont, il est vrai, de moins en moins d’importance. Cette concentration fait de la France un des pays au monde dans lequel le Président dispose de plus de pouvoirs.

Mais un paradoxe surgit aussitôt. Celui-ci tient au fait que cette concentration accrue des pouvoirs dans les mains de l’exécutif s’accompagne d’une dépossession de la souveraineté nationale et populaire. Ce phénomène a été pensé par ceux-là même qui s’arrogent des pouvoirs de plus en plus grands. Le poids de la Commission européenne comme le pouvoir exorbitants de multinationales à actionnariat mondialisé, chacune ayant un rôle propre, rend illusoire le retour d’un capitalisme national et d’un compromis social tel que nous l’avons connu. Et depuis l’instauration du quinquennat en l’an 2000, bien malin qui trouverait des différences fondamentales aux pouvoirs successifs qui ont tous, peu ou prou, épousé la financiarisation de l’économie, défendu la libre circulation des capitaux, l’Europe de Maastricht, perpétué l’hémorragie industrielle, encouragé toutes les politiques libérales. Le président de la République est contraint à une grandiloquence qui confine parfois au ridicule, tentant de singer le père de ces institutions césaristes, mais sans avoir ne serait-ce que la moitié des pouvoirs réels que celui-ci avait alors entre les mains, sans parler de l’épaisseur historique. Contraint aussi, comme le faisait déjà Louis XIV, à donner des leçons au monde entier pour tenter de compenser la montée du mécontentement qu’il provoque dans son pays.

Loin d’être anodines, les différences se situent hors du champ économique et social et sont souvent surjouées. A notre grand malheur puisque les thématiques identitaires, par exemple, saturent désormais le débat public. La poussée trois fois décennale de l’extrême droite a fini de pervertir le système puisque, désormais, l’essentiel des commentateurs politiques, encouragés par le pouvoir, jugent le premier tour anecdotique. Le verrou est cadenassé au nom du moindre mal chaque fois un peu pire, tandis que le poison nationaliste infuse… La cinquième République, pensée pour éviter la victoire du parti communiste, est l’écrin idéal des puissances d’argent, qui reçoivent la garantie que tout changera pour que rien ne change.

Affronter cette échéance est pourtant essentiel. Mais une perspective de transformation sociale, une visée communiste, ne saurait se satisfaire des règles du jeu telles qu’elles sont édictées. Une analyse poussée du moment que nous vivons est nécessaire pour que les citoyens eux-mêmes puissent subvertir ce scrutin.

De fait, la politique de l’exécutif a fait basculer vers la droite le socle électoral de la majorité présidentielle. Le président prend un soin tout particulier à affermir ce périmètre acquis lors de son élection et renouvelé lors des élections européennes, en saupoudrant le débat public de polémiques chères à la frange réactionnaire de l’opinion. En conséquence, un espace pourrait se libérer pour une gauche aujourd’hui profondément divisée. Une candidature susceptible de rassembler cet espace politique fait craindre à la droite que son électorat traditionnel ne soit tenté par un vote utile pour le président sortant, qui ne cesse de lui donner des gages. Seule l’extrême droite est aujourd’hui garantie d’un haut score. L’incertitude devient la règle des grands scrutins nationaux qui réservent dans les pays capitalistes avancés, bien de (mauvaises) surprises.

C’est à cet aune qu’il faut comprendre l’agitation de M. Macron sur la scène internationale, profitant d’une prérogative présidentielle pour éloigner du regard les réalités d’une politique nationale qui vise à intégrer totalement la France, contre l’avis majoritaire des citoyens, à la dynamique du capital financier et mondialisé. La présidence tournante de l’Union européenne reviendra à la France quelques mois seulement avant le scrutin. Elle offre une opportunité au candidat président qui tentera sûrement de s’octroyer les mérites du plan de relance européen, tout en en cachant les vrais enjeux. Car celui-ci est fondamentalement une montagne de dettes contractées contre la mise à disposition du marché capitaliste des prérogatives de l’état social, et qu’il faudra rembourser. L’extrême droite rêve d’une opposition sur le sujet européen qu’elle noiera, en idiot utile et dangereux du capital, de sa propagande nationaliste quand le sujet sera celui de l’utilisation de l’argent, des solidarités à construire sur le continent, et des luttes pour préserver les institutions sociales, retraites, sécurité sociale et fonction publique. Voilà le scénario fomenté pour bloquer tout débat et toute alternative.

A cette heure l’espace à gauche est miné par un préoccupant effondrement et à une social-démocratie qui a laissé place à un libéralisme parfois vindicatif, parfois écologique, souvent porté sur les questions dites « sociétales ». Certes, le tambour médiatique voudrait faire croire à un renouveau socialiste et à une éclaircie écologiste, fondés sur les résultats électoraux de municipales sans électeurs alors qu’il s’agit de travailler à l’unité populaire, celle des travailleurs, des créateurs et de la jeunesse qui souffre. C’est une étape absolument nécessaire pour faire entrer une dissonance féconde dans le concert d’hypocrisie électoraliste qui s’est mis en branle. Et au-delà, il convient ne pas river ses yeux sur la seule élection mais de proposer une trajectoire politique qui passera par elle mais ne s’y résume pas. En vérité il faudrait rechercher avec les travailleurs et toutes celles et ceux qui ont le plus intérêt à une transformation post-capitaliste les chemins pour subvertir cette échéance afin de revaloriser le rôle du Parlement. Car si l’inversion du calendrier a consacré la dévalorisation du Parlement, aucune riposte ne fera l’impasse sur la nécessité de penser des espaces nouveaux de délibération et de représentation démocratique.

Par Patrick Le Hyaric
Publié dans la Lettre du 04 octobre 2020.


4 commentaires


LE BORGNE JEAN FRANÇOIS 4 octobre 2020 à 19 h 21 min

C’est lumineux. Et il est urgent que les communistes travaillent encore plus et s’expriment très largement sur “ces espaces nouveaux de délibération et de représentation démocratique “. Nous avons un devoir d’initiatives et de partages. Merci.JFLB

Makarof Georges 4 octobre 2020 à 20 h 47 min

comment retrouver la base qui devrait être le pouvoir du peuple en remettant les choses en place dans les esprits.
nous avons un président qui se prend pour un roi au lieu de celui qui devrait être l’exécuteur des décisions de l’assemblée nationale , il commande ce qu’il veut tout en nous faisant croire que c’est l’assemblée qui a décidé.
La République, c’est la séparation des pouvoirs et ici, ils sont inversés, le pouvoir législatif obéit au monarque président .

alain harrison 6 octobre 2020 à 18 h 40 min

Bonjour.

«« Ce n’est pas un manque de rigueur journalistique. C’est de la politique. Il faut d’évidence reconnaître l’importance du scrutin présidentiel, pensé dès sa conception comme clef de voûte institutionnelle permettant la concentration des pouvoirs en un homme seul, régnant au-dessus des partis, c’est à dire au-dessus de la vie démocratique, et cherchant à nouer avec le peuple un lien mystique et charnel. »»

«« cherchant à nouer avec le peuple un lien mystique et charnel. »»

À lire absolument:

Le chapitre 1 du livre de Jean-Marie Abgrall: tous manipulés tpus manipulateurs
L’épilogue du livre de Stanislav Grof: Psychologie Transpersonnelle

En lien avec cet article historique (véritable panorama historique): Crime contre l’Humanité, l’ultime retour des barbares
Par Fethi Gharbi
Mondialisation.ca, 06 août 2014

Se politiser, c’est aussi se donner la vue d’ensemble et par la cohérence du questionnement. le consensus sur la transition vers une alternative……… Cohésion, cohérence et coordination….
L’horizon, la sortie par le haut.

breteau jean claude 21 octobre 2020 à 10 h 40 min

l’élimination médiatique du pcf démontre sa crédibilité politique que n’ont ni Mélenchon ,les verts ou ce qui reste du ps .Nous n’utilisons pas cette donnée essentielle ,porté hier de façon magistrale par a chassaigne, et souligné par castex .Nous devrions en tirer un bénéfice politique , qu’attend ons nous.Nous sommes rassembleurs honnêtes ‘trop), nos propositions permettent de combattre la politique néfaste de macron rien de comparable avec la délinqunte lepen ,voilà pourquoinous sommes les seuls éliminés des média ,cette censure renforce notre crédibilité ,nous ne sommes pas “achetable”
jean claude breteau

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