La victoire collective

le 23 juillet 2018

Vingt-deux joueurs de football, souriants, combatifs, travailleurs, ont empli la France de joie, de la place du plus petit village jusqu’à la capitale. Par delà leur exploit, ils ont créé les conditions d’une communion avec l’immense majorité du peuple français, uni dans sa diversité. Cette diversité unique qui fait sa force. L’équipe de France est, depuis quelques semaines, aimée parce qu’elle gagne. Mais aussi parce qu’elle porte une nouvelle génération de joueurs en partie issus des quartiers populaires, déclarant leur attachement aux valeurs de la République.

Pourtant, que ces joueurs furent décriés, contestée bien au-delà des enjeux sportifs ! Quelques esprits cyniques se sont même crus autorisés d’instiller l’idée qu’ils étaient indignes de représenter la nation, déniant par conséquent aux jeunes issus de l’immigration, parfois depuis trois générations, le droit à être partie prenante de la société française. N’oublions pas qu’il y a à peine huit ans, la Fédération Française de Football voulait instaurer des quotas pour limiter les joueurs binationaux et réduire le nombre de ceux qui n’ont pas la peau blanche, alors que le football a toujours été, en France, le creuset des vagues successives de travailleurs immigrés.

Ces sportifs issus des quartiers populaires tant fustigés ont révélé que les banlieues produisent dans le silence médiatique de nombreux talents qui tutoient souvent l’excellence, et ce dans tous les domaines. Il n’y aurait pas de Mbappé ou de Pogba sans les efforts des enseignants, des municipalités, des associations, des clubs sportifs avec leurs éducateurs et bénévoles qui se dévouent sans compter au service des jeunes, contribuant à leur éducation et leur insertion dans le collectif national. Cette victoire est donc aussi celle d’un pays qui a misé depuis des décennies et grâce à ses collectivités locales dans le sport amateur, en multipliant les infrastructures publiques pour que la jeunesse des quartiers populaires puisse, aussi, se construire par le sport. C’est également la victoire d’un pays qui n’a jamais sacrifié ses centres de formation et offre ainsi au monde un vivier continu de beaux talents, bien au-delà d’ailleurs de l’équipe de France.

Le président de La République que l’on a vu bondir de sa chaise en tribune est bien le même qui n’hésite pas à sacrifier les collectivités qui portent à bout de bras toutes ces structures de proximité et rejette l’idée même d’une politique publique en direction des quartiers populaires, minant ainsi les fondements de cette victoire qu’il s’acharne à vouloir récupérer.

Les manifestations autour de l’équipe nationale de football ont contribué à fleurir la France de son drapeau et à faire résonner l’hymne national comme une réappropriation festive des symboles, presque carnavalesque, au cœur d’une ambiance fraternelle. Cette fraternité que le Conseil constitutionnel vient justement d’inscrire dans le droit positif contre l’infâme délit de solidarité. Nous savons à quel point l’argent s’est emparé de ce sport, comme d’autres. Mais c’est bien parce qu’il est un sport populaire que le football est envahit par l’argent, et non l’inverse.

Puisse cette ambiance se prolonger en toute lucidité. Cela suppose que nos concitoyens prennent leur destin en main loin de toute récupération présidentielle qui permettrait de mieux faire accepter le remodelage de la France aux canons des demandes des puissances d’argent. Cette victoire ne changera pas la société mais elle peut ouvrir de nouveaux champs du dialogue et de la combativité. Elle donne de la force à celles et ceux qui agissent pour sortir les banlieues des difficultés. Elle appelle d’accorder plus de moyens au sport citoyen dans la perspective des jeux Olympiques. Que la liesse populaire se transforme en force propulsive pour créer les conditions d’un nouvel avenir pour la jeunesse.


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