La passion de l’égalité

le 5 décembre 2018

Avant d’accéder aux plus hautes fonctions, M. Macron aurait dû être prévenu que la France est traversée par une passion égalitaire éprouvée au fil des siècles. On ne saurait la gouverner impunément de manière autoritaire et sarcastique, au service quasi exclusif des plus riches. Le mouvement actuel et le soutien dont il jouit est une manière aussi crue que salutaire de le rappeler : les Français veulent reprendre leur destin en main et refusent de jouer le rôle de fantassins dans la guerre économique. Ils ne veulent plus survivre dans l’angoisse des fins de mois, mais vivre pleinement.

Les écarts colossaux de revenus, la captation des richesses produites par une minorité rabougrie réveille la vieille passion égalitaire. C’est elle qui pousse à exiger l’annulation de la surtaxe-carburant compensée par le retour de l’impôt sur les grandes fortunes et celui sur les revenus du capital, un autre partage des richesses, avec la revalorisation du SMIC, des minima sociaux, des pensions, des petits et moyens salaires, des revenus paysans. Germe aussi l’idée d’une conférence sur la justice fiscale et le développement des services publics.

Les violences unanimement condamnées ne semblent pas ébranler l’opinion. Signe que le mouvement et sa signification profonde ont gagné une irrémédiable légitimité dans tous les territoires de la République. La brèche est désormais ouverte pour que la France du travail pose ce qu’il convient d’appeler ses exigences. L’extrême droite par la voix de sa cheffe, refuse toute augmentation des salaires, se situant en porte à faux vis-à-vis du mouvement. Elle donne ainsi une preuve supplémentaire qu’elle n’est qu’un chien de garde du système inégalitaire qui est aujourd’hui combattu.

Certains feignent de cerner, par cécité volontaire, une contradiction entre l’exigence d’une baisse des taxes et le développement des services publics. Nous y voyons au contraire une cohérence qui repose sur la volonté de sortir le pays du supplice néolibéral en mettant à contribution les secteurs de la société et de l’économie qui captent l’écrasante majorité des richesses produites par les travailleurs. En cela ce soulèvement populaire porte en germe une visée émancipatrice qui malmène la croyance assénée qu’il n’y aurait pas d’alternative à la gangue austéritaire. Sans le dire en conscience, le mouvement s’oppose aux traités européens et à la politique monétaire de la Banque centrale qui gonfle les secteurs financiers au détriment de l’économie réelle, des services publics et de la vie des territoires.

Evidemment, tenir M. Macron pour le seul comptable de la situation reviendrait à exonérer ses causes profondes.  Il ne saurait pourtant se dédouaner du tapis de bombes de mesures empilées en un temps record qui visent à défaire la France solidaire et son modèle social tout en enrichissant démesurément des « premiers de cordée ». Sa responsabilité est immense, à hauteur du mépris cyniquement affiché à l’encontre de ceux qui comptent à l’euro près.

La sortie de cette crise majeure ne peut être que sociale et démocratique. Les « gilets jaunes » et les syndicats doivent être enfin entendus. A moins de rechercher le chaos, le gouvernement n’a plus le choix. Il doit desserrer l’étau et prendre en compte la fièvre qui s’empare du pays, au risque de laisser une nouvelle couche de colère froide dangereusement sédimenter. Une conférence sociale déclinée dans chaque département et bassin d’emploi sur la fiscalité, les salaires et la transition environnementale devrait être convoquée avec les élus, les syndicats, les associations, des représentants organisés des « gilets jaunes » et déboucher sur des mesures concrètes pour revaloriser les salaires, les pensions et prestations sociales, mettre en débat notre système fiscal et dégager des pistes pour un nouveau modèle de développement social, démocratique et écologique. Les multinationales donneuses d’ordres aux PME comme les banques doivent y être mises au pied du mur. La situation appelle à faire preuve d’audace, à la hauteur de cette autre ambition qui inonde le mouvement : la maîtrise de son destin.


3 commentaires


Patrickhyvernat@gmail.com 9 décembre 2018 à 13 h 14 min

100/100 d’accord

alain harrison 10 décembre 2018 à 23 h 30 min

Macron a bien compris qu’il est allé le plus loin possible, le système va laisser du leste. Bon on a prit 87%, on va lester 15-25%. On reprendra plus tard quand ils se seront endormis (la gauche toute confondue sauf les réveillés, les syndicats, CGT compris), le somnifère est déjà au travail.

Je crois que vous devriez lire cet article:

Fin de l’ère post-néolibérale en Argentine et ascension de la droite pure et dure
Par Prof. James Petras
Mondialisation.ca, 28 février 2016

La lutte de classes poussée depuis le bas s’était trouvée gravement affaiblie par l’alliance du monde du travail avec le régime de Kirchner, non parce qu’elle en bénéficiait économiquement , mais parce que le pacte a démobilisé les organisations de masses actives dans la période 2001-2003. Tout au long des 12 années suivantes, les salariés ont partie de négociations sectorielles (paritaires) avec l’intermédiation d’un « gouvernement amical ». Les alliances « sectorielles » et les sujets de la vie quotidienne ont remplacé la conscience de classe.

Vous n’apprenez-pas des innombrables leçons de l’histoire, vous discourez dessus.

Pourtant Jean Jaurès est claire:
Pour Jean Jaurès, la révolution socialiste n’est concevable que dans le cadre de la légalité démocratique, c’est-à-dire par une conquête graduelle et légale par le prolétariat des institutions parlementaires et de la puissance de la production.

Et le Vénézuéla tente concrètement de réaliser le nouveau paradigme révolutionnaire, après le Chili d’Allende, et peut-être en Bolivie aussi.

Le blanchiment des gilets jaunes est commencé.
PCF, CGT même combat ?

Répétons des vérités, peut-être réveilleront- elles ?

Un avertissement salutaire :
20 novembre 2018
Etats-Unis : La “Résistance” démocrate se démène pour justifier son soutien aux poursuites contre Assange par Trump (GreanVille Post)
Caitlin JOHNSTONE
Le grand soir

« « Lorsque vous vous retrouvez à soutenir des principes contradictoires, c’est le signe certain que vous n’avez jamais été guidé par des principes. » »

Doret 12 décembre 2018 à 11 h 15 min

Oups, bravo tout est dit.

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