Intermittents du spectacle : une lutte d’intérêt général

le 19 juin 2014

intermittentschaillot

Intermittent du spectacle n’est pas un métier. C’est un statut. Il recouvre un panel large de professions contribuant aux arts et à la culture : ouvriers, techniciens, artistes de diverses disciplines. Ils ont la particularité d’exercer des missions courtes et très souvent mal rémunérées.  C’est la spécificité des métiers de la création qui a conduit à inventer ce statut particulier. Ainsi a vu le jour un modèle original consistant à assurer la continuité d’une rémunération lorsqu’une mission ou une activité se termine. Encore que la fin de la représentation d’une pièce de théâtre, d’un spectacle de danse ou de musique, d’un film ou d’une tournée de concerts ne signifie pas toujours arrêt d’activité. En effet, la préparation de la suivante n’est pas une période de recettes ou de revenus et pourtant c’est un moment intense de travail. Il faut en effet créer, recréer, répéter des textes ou des gammes. C’est là que  ce qui est baptisé « régime d’intermittent » s’active pour assurer un revenu minimum en dehors de ces périodes dites « d’activité » que l’on pourrait qualifier « d’activité visible ». Ce système nous est envié dans le monde entier. Il a généré un mécanisme de solidarité concrète entre tous les acteurs de la chaîne de création des œuvres. Au-delà, ce traitement particulier permet de faire perdurer un vivier d’artistes de multiples disciplines et d’assurer le renouvellement des générations.

 

C’est à ce système mutualisé que veut s’attaquer le grand patronat en tentant de dresser une partie de la société contre les intermittents. L’ouverture des droits dits « au chômage » pour désigner des périodes « d’inactivité visible » serait considérablement retardée pour plus de la moitié des intermittents, plaçant une partie encore plus grande d’entre eux dans une précarité encore plus profonde. La lutte que mène le patronat est rude. Certains de ses membres, dans les sociétés de production audiovisuelles, détournent le statut d’intermittent et les utilisent pour ne pas avoir à établir de contrat de travail à durée indéterminée et ainsi peser sur les salaires. Leur fameux « coût du travail » pour augmenter leurs profits les conduit donc à frauder. Il faut que cet abus, lui bien réel, cesse alors qu’en général, on fait porter le débat sur le « coût de l’indemnisation » des périodes dites de chômage. Le Medef veut faire sur tout, en tout, des économies sur les travailleurs, allant parfois jusqu’à violer la loi. Mais l’arrière fond de cette lutte est encore plus important. Plus fondamental aussi. Dans notre société, se développe la précarité du travail dans une multitude de secteurs.  La poursuite des mutations des systèmes de production, encore accélérée par la révolution numérique qui n’a pas fini de produire ses effets, oblige à permettre aux salariés, dans leur diversité, de consacrer du temps à la formation. Dans cette situation, le mouvement des intermittents pose la grande question  de la protection de tous les salariés qui subissent l’emploi précaire ou discontinu et de ceux qui doivent dégager toujours plus de temps pour se former dans l’intérêt à la fois de leur « évolution-promotion » personnelle et de l’efficacité de leur collectif de travail ou de leur entreprise. Cette part là, le grand patronat ne veut pas la rémunérer. Autrement dit, il préfère le faux nez dit de la « flexisécurité du travail » au projet civilisationnel de sécurité sociale professionnelle ou sécurité du travail et de la formation et de revenu. La formation de chacune et chacun, tout au long de sa vie ne peut être « un coût », mais un investissement pour l’avenir et pour l’efficacité économique et sociale.

 

Il ne s’agit pas ici d’une problématique marginale à un moment où plus de 85% des embauches s’effectuent en contrat à durée déterminée. Ainsi, en s’attaquant au régime des intermittents, le Medef combat l’instauration de nouveaux droits sociaux pour les travailleurs précaires et entend grignoter  ceux acquis au fil d’années de luttes.  Bref, il refuse la solidarité sociale. Et l’argumentation comptable développée depuis des mois sur un prétendu coût trop élevé est spécieuse, au regard de l’apport de la culture à la société en son entier qui, prise au sens large, représente 670 000 emplois et  plus de 100 milliards d’euros de contribution directe à l’économie nationale. C’est avec la valorisation du patrimoine une part importante de la vie des grands et petits territoires que d’ailleurs le redécoupage territorial risque d’assécher.

 

Parce qu’elles mobilisent des créateurs et des publics, parce qu’elles sont sources et ressources, tout en suscitant des envies de savoirs, de connaître, bref de se cultiver pour que chacune et chacun accède aux humanités,  les activités culturelles sont partie intégrante d’un nouveau modèle de développement social et humain. Comme l’école, la santé, l’habitat et les transports de qualité, elles doivent  être pensées comme un investissement collectif pour le développement de biens communs humains, participant à une société du bien vivre, une société d’individus solidaires, responsables, faisant société ensemble. Tout le contraire de l’excitation imbécile aux divisions qui a cours aujourd’hui.

 

Plutôt que d’insulter les mouvements des artistes et techniciens de l’art et des cheminots, un gouvernement de l’intérêt général, un gouvernement progressiste, devrait susciter le débat public sur ces enjeux d’intérêts communs, au cœur des mutations de la société. Il ferait valoir la délibération publique, donc la démocratie pour une mise en mouvement populaire contre la rapacité du capital afin d’inventer de nouvelles formes de sécurité et de solidarité sociales.


11 commentaires


bousquet 19 juin 2014 à 10 h 15 min

“L’art lave notre âme de la poussière du quotidien.”Picasso
L’Art nous est donc indispensable, et indispensables sont les intermittents qui doivent donc pouvoir vivre de leur métier.

Anne-Marie 22 juin 2014 à 10 h 46 min

Je pense que ce n’est pas au budget de l’ASSEDIC de financer l’activité culturelle ce qui est le cas actuellement avec de l’ordre de 25% de son budget qui sert à indemniser de l’ordre de 5% de ses chômeurs indemnisés. C’est l’état qui doit faire le boulot sur les fonds du budget de la nation.

Canelle 19 juin 2014 à 13 h 06 min

La culture c’est aussi ça :
https://www.youtube.com/watch?v=0E4awMcrLEk&feature=youtu.be

Oui, il faut défendre les intermittents.

RABOTOT Robert 19 juin 2014 à 13 h 59 min

Pas touche à la culture, nous devons être solidaires des intermittents.
Après le pain le savoir est le premier besoin du peuple avait dit Danton et la culture est un savoir.

MOUYSSET 19 juin 2014 à 14 h 40 min

Les présentateurs de journaux télévisés du soir qui vomissent sur les intermittents ne sont visibles à leur travail que 40mns pendant 4 jours chaque semaine Doivent-ils être payés pour cet horaire soit moins de 3h par semaine?

dupont 19 juin 2014 à 15 h 03 min

si je comprends bien, quand le spectacle s’arrête il faudrait ne plus manger en en attendant un autre? bien sûr qu’il faut soutenir les intermittents… comment un gouvernement socialiste peut-il aller contre?!

alain harrison 19 juin 2014 à 21 h 19 min

Voilà un des nombreux problèmes que rencontre la société en général.
Je dis en général, parce que si nous examinons le morcellement du monde du travail, nous comprenons qu’il y a une division des secteurs du travail et une hiérarchie, n’est-ce pas:
il y a les professionels, les travailleurs à la production, aux services, les fonctionaires, les enseignants, ceux de la santé, les gens de la finance, qui travillent comme représentant, le monde des artistes, etc.

Toutes ces strates ont leur probléme, etc.

Mais il y a une chose que nous ne considérons peut-être pas assez: ce sont les fautes que chaque groupe reproche aux autres groupes ou à un groupe particulier.
Il y a une forme de conflit larvé entre nous tous. Et elle est basé sur la question du revenu. Pour couper court, ça tourne autour du mérite ou ne mérite pas, de notions d’abus par tel groupe, etc…
Donc, il y a un conflit emtretenu en général caché, mais occasionnellement ça éclate ici et là (grève, manifestation,etc.).

Ces conflits sociaux devraient nous interpeler.
Nous devrions nous questionner sur des solutions sociale-économiques qui feraient en sorte que ces épuisements d’énergie de nous tous se transformeraient en gain d’énergie qui nous permettraient à tous de s’épanouir et de construire une société ouverte et réellement progessiste à tout point de vue: social, artistique, technologie adéquate au service de l’humain et non asservissante comme elle semble prendre le chemin.

Pensez et relayez par tous les moyens, systématiquement, pour éveiller la population sur les solutions fondamentales que sont le revenu de base (pour s’affranchir de tous les chantages..) couplé aux coopératives autogérées à temps partagé (s’approprier les moyens de création de richesse et libérer le temps de Vie de tous, le bien le plus précieux..).
Réfléchissez au potentiel de changement eet aux avantages pour tous (un exemple simple la conciliation travaille famille…les intermitants seraient libérés d’angoisses
ou d’anxiétés…. inutiles et dommageables pour la santé et la créativité..).
Discerner le faux du vrai dans les propagandes des condamnations de tel ou tel groupe, qui exacerbent nos préjugés qui couvent.
Et ça fait partie de notre conditionnement dont nous ignorons, pour la pluspart, le fonctionnement ou processus qui nous fait tomber dans le piège des conflits fabriqués.

L’auto-éducation est plus nécessaire que jamais et le questionnement.
Lisez le premier chapitre de J.M. Abgrall: tous manipulés tous manipulateurs.
L’éducation, n’est-ce pas de bien se connaître, comment nous fonctionnons. La PUB, ça marche elle connaît elle…

Or Pâle 21 juin 2014 à 1 h 31 min

Oui, pensez à consacrer du temps aux intermi-temps car un jour votre tour viendra à gauche. “Il existe une pauvreté bien plus grande : ne pas se sentir aimé, désiré, être marginalisé.” (Mère Teresa)

colombe 21 juin 2014 à 8 h 26 min

En raisonnant comme ca ,on nivelle tout par le bas.

colombe 21 juin 2014 à 8 h 24 min

Je pense que Front du Peuple c’est mieux que F de G,car le Front de Gauche,ca limite aux partis.Et certains ne pense qu’a tirer la couverture a eux.
On prend souvent l’exemple de la campagne contre le traité constitutionnel européen ,mais là il ne s’agissait pas de voter pour un parti,mais de dire oui ou non a l’Europe libérale.
Le Front du Peuple peut rassembler plus largement.

Michel Berdagué 22 juin 2014 à 13 h 14 min

Surtout que le terme de gauche a été pollué par le choix de la rue Solferino du libéralisme teinté de rose pas très claire , en eaux troubles depuis Maastricht , et le pompon 2005 et sa suite ! Oui tu as raison contre ce traité qui allait marquer dans le marbre l’ orientation droitière complexée ou non vers le libéralisme en ultra/néo , jusqu’ à ce jour de favoriser ces socia. un M. Junker !, il a été plus facile de proposer une autre Europe en argumentant avec précisions si bien que Nous avions mené une magnifique campagne . Avec notre Programme nous pouvions penser que les égos , tactiques/stratégies partisanes , perso. allaient s’ effacer et que la solidarité de classe du monde du travail , du Prolétariat et du Peuple allait éclipser les pulsions qui frôlent la destruction . La dynamique a été cassée dès le premier tour des législatives alors qu’ un bon nombre d’- Humains d’ abord – devait faciliter la mise en œuvre du Programme . Les analyses concrètes de ce défaut et grave manque n’ ont pas été satisfaisantes tant les non-dits sont profonds . Après cet échec et avec le détour du mariage en gestation de 9 longs mois , les élections partielles ont été toutes perdues . Y a donc un grave problème .Et un immense boulot de Rassemblement d’ Union du Prolétariat à faire sur un Programme dans notre pays et au-delà .

Laisser un commentaire

Commentaire

Nom *

Les champs marqués * sont obligatoires

Email *

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.

Restez en contact

Inscrivez-vous à la newsletter